Après avoir battu Le Pen, adhérez au parti communiste pour vous donner de la force face à Macron !
Mélenchon est-il le nom de quelque chose… ?

Entre le dur souvenir d’un Mitterrand et la possible espérance d’un Allende…

Dimanche 1er avril 2012 — Dernier ajout vendredi 14 août 2020

De qui Mélenchon est-il le nom ? Cette formulation souvent utilisée depuis le livre d’Alain Badiou sur Sarkoy pousse à penser derrière la personnalisation médiatique ce qui se passe dans le réel, dans le mouvement de la société qui est, si le manifeste du parti communiste de Marx est toujours d’actualité, l’histoire des luttes de classe.

La question qui nous intéresse est bien ce qu’il y a derrière Mélenchon et son succès médiatique. Mélenchon est-il le nom de quelque chose d’autre que lui-même et sa stratégie politique ?

La mobilisation militante autour des meetings du Front de Gauche est impressionnante. elle rappelle les grandes heures de la campagne de Georges Marchais en 1981 [1].

Il faut d’ailleurs noter le rôle important du parti communiste dans ces meetings, parti qui reste la force organisée principale de ce mouvement, mais qui à l’évidence ne le résume pas.

Il faut constater aussi l’engagement de larges forces syndicales dans cette mobilisation, provenant du « syndicalisme rassemblé » de Thibault qui a rompu avec l’ancienne « courroie de transmission » du syndicalisme de classe, comme du syndicalisme alternatif de la FSU ou de Solidaires, souvent animés par des militants concurrents pour ne pas dire opposés au parti communiste.

Enfin, personne ne peut ignorer la dimension médiatique du succès de la campagne du Front de Gauche. Le dernier exemple étant la une du Figaro accordée à Jean-Luc Mélenchon, une situation inimaginable à l’époque de Georges Marchais. De ce point de vue, il est clair que le pouvoir joue la montée de Mélenchon comme moyen d’aider Sarkozy à passer devant Hollande au premier tour., et bien entendu, le système jouera le vote utile dans la dernière semaine, pour assurer la bipolarisation.

Cela dit, il y a bien un mouvement autour de la candidature Mélenchon. Il prolonge les mobilisations sociales des dernières années pour l’école, les retraites, les services publics, mobilisations parfois très forte, mais insuffisantes pour gagner, et même seulement pour résister et faire reculer les mauvais coups. Peut-il aujourd’hui renverser la fracture sociale qui marque la France depuis des décennies ? On sait qu’entre les 10 millions de travailleurs précaires, et les 10 millions de travailleurs « à statut », l’unité est difficile, et les contradictions politiques vives. L’échec des luttes pour défendre la retraite, la Sécu, les services publics, illustre cette impossibilité de mettre en convergence toutes les couches du peuple, précaires et statutaires. Si le Front de Gauche veut dépasser le rôle d’aiguillon de gauche du parti socialise, il doit résoudre cette contradiction et progresser dans l’unité du peuple.

La campagne électorale nous éclaire-t-elle sur la nature de ce mouvement ? Pouvons-nous en mesurer la force et la profondeur, en imaginer la capacité de se prolonger au-delà des présidentielles, la capacité et l’engagement à se traduire en luttes sociales supposant organisation, militantisme du quotidien, bataille d’idée, unité dans les luttes de classe, et finalement perspective du changement de société.

Mélenchon et le parti communiste

Le « front du peuple » comme l’appelle désormais Mélenchon est à l’évidence plus que le parti communiste tel qu’il est aujourd’hui. Pour une part, ce mouvement est du à la campagne personnelle du candidat, à sa force de conviction, son efficacité médiatique. Constatons que Mélenchon a choisi dès le début de se placer au cœur de l’espace électoral du parti communiste. Dans le langage, les propositions, les références à Georges Marchais, il est parfaitement le candidat du parti communiste, à tel point qu’il réussit cet exploit : faire ce qu’aucune direction du parti communiste n’avait pu faire, convaincre la très grande majorité des communistes de voter pour lui. Il est plus communiste que Marie-Georges Buffet en 2007, qui ne parlait jamais de luttes de classes, ne proposaient plus de nationalisation, et ne reprenait même pas le projet de 6e république du parti. Il est plus communiste que Hue dont le « nouveau communisme » se diluait déjà dans un modernisme qui le faisait progresser chez les bobos et dégringoler chez les ouvriers.

Pourtant, Mélenchon n’est pas communiste. Cela est parfois mal vu de la dire dans le Front de Gauche, mais comment dire le contraire ? On peut dire qu’il est une sorte de « socialiste véritable », un socialiste qui serait revenu sur son aggiornamento réformiste et affirmerait son ancrage dans la révolution contre la gestion, dans la planification contre le marché. Que la révolution soit citoyenne et la planification écologique ne supprime pas le paradoxe de cette situation. Si Mélenchon est un socialiste véritable, cela veut dire qu’il est bien de ces socialistes dont les communistes se sont séparés dans le congrès de Tours…

Est-ce cela qui motive les communistes qui ont quitté le PCF pour créer le FASE, qui voulaient déjà en 2007 transformer, [2], le parti communiste en une autre force, et qui lancent un appel pour la transformation du Front de Gauche en une nouvelle organisation politique. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois le directeur de l’huma l’avait déjà fait début 2011.

Le Front de Gauche dirigé par Jean-Luc Mélenchon est-il alors l’outil du dépassement du congrès de Tours et de la « digestion » du parti communiste dans la « révolution citoyenne » d’un nouveau parti de toute la gauche ?

Mélenchon et l’expérience de la gauche

Ce qui a fondé l’opposition entre réformisme et révolution, socialistes et communistes au début du XXe siècle aurait-il disparu ? En 2012, dans le monde tel qu’il est, dans cette France où le peuple est divisé par la concurrence exacerbée, le délitement des solidarités issues des acquis de 36, 45 et 68, le lent et profond travail de sape du racisme et de l’intégrisme, jusqu’à aujourd’hui faire émerger des formes de fascisation de la société, peut-on unir l’ensemble des victimes du capitalisme dans une approche « citoyenne », où faut-il revenir à une lecture de classe des contradictions qui minent le peuple et dire sans ambiguïté que pour renverser ce pouvoir des riches, il faut qu’il y ait des perdants, les nombreux bénéficiaires du capitalisme exacerbé de ce XXIe siècle, et donc qu’il faut des luttes de masse pour les faire céder, car ils se battront becs et ongles jusqu’au bout contre tout changement véritable ?

En s’exclamant « prenez le pouvoir », « révolution citoyenne », « front du peuple », Mélenchon tente en quelque sorte une synthèse entre un discours politique « de gauche », démocratique, considérant que de nouvelles institutions dégagées du système financier et de l’emprise de la droite pourrait réellement « changer la vie » comme le promettait 1981, et un discours plus marxiste, appelant à la lutte, à la révolution, à la mobilisation du monde du travail, de ceux qui ont le plus intérêt à cette rupture politique.

Les communistes, historiquement, savent qu’il est illusoire d’espérer un changement politique réel sans luttes de masse, sans que les classes sociales les plus exploitées, celles qui sont au cœur de l’extorsion du profit capitaliste, ne se mettent en mouvement pour elles-mêmes. L’affrontement avec la bourgeoisie est inévitable, et le choix d’une « voie pacifique au socialisme » fait par le PCF en 1976 doit répondre à la question posée 3 ans auparavant par l’assassinat d’Allende et les bombardements du palais présidentiel par les avions états-uniens.

Si la France ne peut être traitée militairement comme le Chili, qui peut penser un seul instant que la bourgeoisie, ses élite sociales, économiques, politiques, médiatiques, militaires, policières… respecteraient la démocratie citoyenne si leurs intérêts étaient réellement mis en cause ? Quel est le niveau de luttes sociales nécessaires pour les faire plier, leur imposer le respect d’une république sociale ?

Croire que la question peut être résolue dans l’enjeu électoral du retour d’une majorité de gauche est un leurre dramatique et qui ne tient aucun compte des expériences de 1981 et 1997. Nous avons appris sans ambiguïté que la gauche au gouvernement sans un peuple en révolution n’est rien. C’est toute l’ambiguïté du mouvement autour de la candidature de Mélenchon. 120 000 personnes à la Bastille, c’est énorme. Mais le nombre de participants aux meetings de Mélenchon 2012 restera en dessous de celui de Marchais en 1981. Et quel est le niveau de mobilisation populaire nécessaire pour considérer que sont réunies les conditions objectives et subjectives d’une révolution ? 10 millions de grévistes pendant de nombreux jours n’ont pas suffi en 1968…

Le Front de Gauche, né comme une alliance électorale, peut-il encore, au lieu de devenir une nouvelle force politique, se transformer en outil d’un véritable Front Populaire ?

Si la réponse est négative, il ne serait alors qu’une suite de l’union de la gauche recentrée sur la gauche radicale, Mélenchon n’étant alors qu’un « petit Mitterrand », achevant son objectif de réduction de la force communiste.

C’est ce que doivent penser les commentaires qui soulignent les possibilités de convergence entre le programme de Mélenchon et celui de Hollande. Bernard Maris sur France Inter dit que « 80% du programme de Mélenchon peut être accepté par François Hollande », un chroniqueur de France Culture souligne que leurs propositions vont dans le même sens et que seuls, les dimensionnements sont différents.

Mélenchon et le rejet de Sarkozy

Chacun se rappelle de l’ambiance qui prévalait quelques mois avant la réélection de Georges Bush aux USA. Michael Moore symbolisait par ses films la certitude de milliers de militants que Bush allait payer cher la guerre en Irak et l’appauvrissement massif des travailleurs US. Or, c’est l’inverse qui s’est produit. La fracture entre les couches moyennes et intellectuelles et la classe ouvrière s’était approfondie, et Bush a pu surfer autant sur la demande de sureté que sur le culte états-uniens du chef ou le racisme.

Sarkozy mène une campagne violente et massive pour attiser tout ce qui divise le peuple. Bien sûr avec le racisme, Marine Le Pen en éclaireuse pour faire de l’immigré la cause de l’appauvrissement, mais aussi en jouant le peuple contre les corps intermédiaire, les ouvriers-pauvres contre les syndicalistes. Il sait parfaitement que le peuple a l’expérience de la gauche socialiste et de qui y trouve son intérêt. C’est l’exemple du budget de la culture en début de campagne ou celui de ces 35h acquis de la gauche plurielle qui a fait exploser la précarité et la flexibilité dans le privé, et dont les bénéficiaires sont d’abord dans les salariés à statut.

Or, il faut noter qu’un sondage de l’Humanité place Mélenchon au plus haut dans la fonction publique… Le département le plus populaire de France, le Pas-de-Calais est celui ou l’effet Mélenchon est le moins marqué. Le risque pour le Front de Gauche de prolonger la fracture sociale au plan politique est réel. De ce point de vue, l’intérêt électoral du Front de Gauche et sa possible évolution en Front populaire sont la même chose. On peut noter aussi que l’abstention progresse dans les sondages. Dans le quartier populaire des Minguettes, c’est le premier sujet de discussion des communistes. Comment combattre cette abstention qui est et de loin le premier geste politique populaire.

Battre Sarkozy suppose pourtant la plus large mobilisation des quartiers populaires. C’est la clé du premier et du second tour, que Hollande ne peut de toute façon pas à lui seul réussir. Le peuple a raison de vouloir virer Sarkozy car sa réélection serait une défaite retentissante pour lui, comme l’a été pour le peuple des USA la réélection de Bush. L’enjeu principal de 2012 est bien de montrer que le peuple Français qui a su dire NON en 2005, peut une nouvelle fois créer l’évènement, bousculer la république française et l’Union Européenne, ouvrir une nouvelle période politique. Pour cela, il doit trouver comment se redonner une organisation de classe, une organisation de combat, capable de construire son unité autour de l’intérêt premier du monde du travail, de la classe ouvrière, des quartiers populaires. Il aurait pu le faire avec plus d’efficacité s’il avait pu remettre directement le parti communiste au cœur de la vie politique. Pour que le vote Mélenchon dépasse le candidat Mélenchon, il devra se poursuivre par l’élection de nombreux députés communistes en Juin. C’est finalement l’enjeu principal de la présidentielle, savoir si Mélenchon aura été le nom support d’une mise en mouvement du peuple.

[1campagne qui paraissait pour les communistes il y a quelques mois comme une aventure ancienne extraordinaire, impossible aujourd’hui où le réseau militant communiste de masse dans le monde du travail semble disparu

[2le vocabulaire est riche : rénover, refonder, métamorphoser… et l’expérience italienne de la « cosa » exemplaire !

Documents à télécharger

Dans la même rubrique…

Mots-clés

Articles liés

Revenir en haut