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Le mouvement populaire libanais et les bases de l’Etat laïc

Editorial de la Revue «An Nidaa»
Domingo 8 de noviembre de 2015

Pour le second mois consécutif, le mouvement de revendication populaire poursuit son avance, passant à travers tous les obstacles que l’oligarchie financière libanaise –représentée par les pouvoirs politiques- tente de mettre sur sa route, à commencer par les campagnes de désinformation contre certaines de ses composantes, la répression, les arrestations arbitraires et, surtout, les menaces proférées contre les fonctionnaires qui ont rejoint ses rangs.

Il faut dire que cette détermination à aller de l’avant chez les activistes du mouvement, malgré les dangers qui les entourent et les attaques contre les partis politiques qui les soutiennent, est la conséquence inéluctable des peines endurées depuis la fin de la guerre civile (1990) et l’échec de l’Accord de Taëf qui devait, en principe, faciliter les réformes politiques au sein du régime et qui ne fit que redessiner les frontières entre les différentes factions confessionnelles, paralysant, par suite, toutes les institutions constitutionnelles. Et, nous pensons que la nouvelle « table de dialogue» entre les différentes parties de la « classe politique», qui fut relancée par le président de la Chambre pour faire face au mouvement, ne saura trouver un remède efficace au mal qui consume le régime politique libanais.

Nous pouvons, donc, prévoir que le mouvement se poursuivra et s’intensifiera au fil des jours, afin de réaliser le contenu du slogan que les masses ont brandi dès le premier jour : « Un Etat laïc, Une protection sociale».

Que signifie ce slogan et quels en sont les objectifs ?

Si nous revenons à l’Accord de Taëf et à ses répercussions sur la situation politique actuelle, nous pouvons dire que les quotas confessionnels se sont renforcés à tel point que l’administration publique et les services de base que le secteur public prodigue se sont transformés en bases de profits distribuées entre les différentes factions politiques au pouvoir, mais aussi entre leurs proches et leurs hommes de main. Ainsi, l’électricité, l’eau et, même, les déchets constituent des bases de profits colossaux, à travers les transactions et les marchés de gré à gré qui furent conclus sous le slogan qui dit que la réforme des services publics passe par la participation du secteur privé à sa relève, vu que le privé est plus dynamique et peut, par suite, mettre au point des solutions magiques. Privatisons, donc, mais n’oublions pas, en privatisant ces secteurs, de mettre la main sur les biens publics, dont le littoral. En même temps, les mafias de tous bords font main basse sur les terres, accaparent la santé et l’enseignement. Pendant ce temps, les odeurs de la corruption se répandent partout, dans le secteur privé comme public, et avec elle augment l’aliénation du pays aux grandes banques privées et aux sociétés financières. Et, tandis que la dette publique augmente à vue d’œil, le nombre de ceux qui se trouvent en dessous du seuil de la pauvreté ne cesse de s’élargir, notamment parmi les jeunes et les femmes (presque 30 pour cent), et que la paupérisation va crescendo à cause de l’arrivée de plus d’un million et cinq cent mille réfugiés syriens que l’on doit ajouter à quelques cinq cent mille Palestiniens entassés dans des camps insalubres, dans un pays qui compte quatre millions et demi de Libanais.

Il faut ajouter que cette situation de crise aigüe est augmentée par une crise du régime politique où s’entremêlent la bipolarité confessionnelle existante est rejetée pour d’autres formes, dont une troïka rassemblant les émirs sunnites, chiites et maronites, mais aussi des mini Etats dans l’Etat avec le projet dit « orthodoxe» où les députés de chaque confession sont élus par les seuls Libanais appartenant à cette confession ou cette autre. Mais le plus tragique reste le fait que toutes ces disputes attendent, pour être résolues, la volonté des deux grandes puissances régionales qui dominent le Golfe conjuguée à ce qui se passe en Syrie ou, encore, aux résultats qui seraient obtenus par les « coalitions internationales» de tous genres, formées soi-disant afin de lutter contre le terrorisme appelé Daech, qui fut engendré par ceux-là mêmes qui le combattent afin d’empêcher toute possibilité de changement au Moyen- Orient et qui vient s’ajouter à un autre terrorisme, celui d’Israël contre les palestiniens.

D’aucuns diront, peut-être, que nous agrandissons trop l’image et que lier la crise libanaise à tout ce qui se passe dans la région ne nous mènera pas vers une solution. Mais, ceux-là ne savent pas que nous toutes les conditions requises pour le changement étaient réunies en 1975-1976 et en 1984 (à la suite de la mise en échec de l’accord entre le président Amine Gemayel et Israël) sans que le peuple libanais puisse finir, une fois pour toutes, avec le régime politique confessionnel, et que ces échecs étaient dus à l’intervention directe, tantôt de la Syrie, tantôt d’Israël, avec l’accord des Etats-Unis et des pays arabes qui évoluent dans son giron… Donc, agrandir l’image pour nous vise à mieux voir afin de trouver la bonne solution ; et la bonne solution pour nous commence par une nouvelle loi électorale et un mouvement populaire qui sait où il va durant cette période transitoire.

Période transitoire qui ne pose pas le problème du changement final.

En effet, si nous revenons au slogan de notre mouvement actuel ainsi qu’au programme qui l’accompagne, nous verrons clairement que s’ils contiennent des réformes importantes, il n’en demeure pas moins qu’ils n’appellent pas à un changement radical, c’est-à -dire à en finir avec le régime en place afin de le remplace par un régime de gauche. D’ailleurs, la majorité des forces politiques impliquées dans ce mouvement, à quelques exceptions près, n’ont pas précisé leur position vis-à -vis du changement.

Cela est, en grande partie, visible dans le programme social dont les revendications tournent autour des titres suivants :

  • La reprise par les municipalités de leurs prérogatives, surtout sur le plan de l’environnement, afin d’en finir avec tous les problèmes concernant l’écologie (la propreté) qui ont coûté quelques milliards de dollars sans pour autant prendre le bon chemin.
  • La mise au point d’une solution aux deux problèmes de l’électricité et de l’eau.
  • La réforme de la sécurité sociale et la préservation du droit au travail, à l’enseignement et à l’habitat ;
  • Une nouvelle échelle de salaires tenant compte des taux l’inflation qui sévit depuis 1996 (date de la dernière majoration de ces salaires).
  • La garantie des droits des jeunes au travail, ce qui empêcherait l’émigration massive parmi eux.
  • Le droit des femmes libanaises de donner leur nationalité à leurs enfants.

De même, si nous prenons en considération la définition donnée à l’Etat laïc ainsi qu’à son élément de base, la loi électorale, nous verrons que la majorité des forces politiques déjà citées s’entendent sur la clause de la proportionnelle et la suppression des quotas confessionnels, mais pas encore la circonscription unique ou le vote à 18 ans, ou, surtout, le droit au quota féminin afin de renforcer la présence des femmes dans les instances de décision politique.

Ces différences dans la conception du programme minimum ne constituent pas, il est vrai, un grand obstacle impossible à être dépassé dans l’état actuel des choses. Elles expriment, en tout cas, les différences entre les forces sociales qui composent le mouvement populaire (ainsi que leur place dans la production), mais aussi les bases politiques et idéologiques qui font que ces forces considèrent, à partir de d’angles différents, la nature même du changement et, par suite, le moyens qui doivent être mis en œuvre pour imposer une solution tendant vers la création de l’Etat libanais désiré.

Ce qui veut dire que le mouvement populaire a besoin de beaucoup d’attentions, afin d’empêcher certaines de ses composantes de lui nuire en tentant de brûler les étapes. Ce qui nous pousse à réétudier les différentes luttes politiques et socio économiques que nous avions menées depuis 2011 et le causes des échecs qui avaient empêché certaines d’entre elle d’aboutir… Il nous faudra aussi prendre en considération que la « classe politique» n’a pas utilisé, jusqu’à ce jour, toutes les armes qu’elle possède, notamment celle d’infiltrer le mouvement et de l’imploser, en créant des dissensions entre ses composantes. Ce que laisse présager la campagne de désinformation médiatique, mais aussi l’immixtion de certaines ambassades (dont celle des Etats-Unis) dans les affaires intérieures du pays, liée tantôt aux campagnes d’arrestations et tantôt aux surenchères confessionnelles des « va-t-en-guerre» de la classe dirigeante dont certains étaient des amis déclarés d’Israël et qui croient nous faire peur en reprenant des slogans de la « défense du Liban contre tout glissement à gauche»…

Nous disons à ceux-ci que la résistance contre l’occupant n’est pas terminée parce que la sauvegarde de la libération de notre terre passe par le changement.

Et, ainsi, en réunissant libération et changement, nous créons la base solide sur laquelle se construira l’Etat démocratique et laïc dont les conditions objectives sont actuellement réunies.

Beyrouth, le 2 octobre 2015 Editorial de la Revue « An Nidaa»

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