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sociologie et militantisme du vote…

De Parilly à Pyramide…
Lundi 7 mai 2012 — Dernier ajout samedi 8 août 2020

La connaissance du terrain est indispensable pour décortiquer les discours sur les résultats électoraux. Car une campagne électorale ne se mène pas qu’avant le vote, elle continue après pour construire ce que les électeurs comprendront de leur vote.

Pour les communistes, c’est essentiel car nous savons que l’élection n’est qu’un thermomètre. Nous n’avons pas l’illusion que l’élection permettra de résoudre les problèmes économiques et sociaux par la « sagesse » des élus. Nous savons qu’aucun acquis social n’a été donné par un gouvernement sans luttes sociales acharnées, longues et qui ont parfois obtenu des résultats avec un gouvernement de gauche comme avec un gouvernement de droite, l’exemple le plus frappant étant bien sûr l’augmentation des salaires de 1968 !

Regardons donc dans le détail de nos quartiers le résultat du vote du premier tour des présidentielles de 2012.

Jean-Luc Mélenchon réalise à Vénissieux un de ses meilleurs scores du département. Comme dans beaucoup de villes communistes, il mobilise le vote communiste historique. L’Humanité du 30 Avril a publié un article très détaillé comparant le vote communiste de 1995 (RObert Hue) avec le vote Front de Gauche de 2012. La comparaison avec 1995 est plus intéresssante car la situation de 2007 était une catastrophe politique avec l’échec des collectifs anti-libéraux et la candidature MG Buffet qui ne voulait pas être celle du PCF et ne pouvait pas être celle de la gauche radicale. La situation de 2002 avec une très faible participation et un grand nombre de candidatures à gauche était elle aussi particulière. La comparaison avec 1995 a de plus l’avantage de donner du recul pour mesurer des évolutions qui seraient historiquement significatives.

La bonne surprise pour Vénissieux vient justement que contrairement à beaucoup de villes communistes en France, Jean- Luc Mélenchon fait mieux en 2012 (19% des exprimés, 14% des inscrits) que Robert Hue en 1995 (17,9% des exprimés, 13,6% des inscrits). L’article cité de l’Humanité souligne au contraire que l’érosion du vote communiste « historique » s’est poursuivi de 1995 à 2012, dans tous les types de fiefs communistes.

C’est le cas dans les campagnes rouges de l’Allier (– 7,8 points dans le canton de Montet, – 6,7 dans celui de Bourbon-l’Archambault), du Lot-et-Garonne (– 6,2 points dans le canton d’Houeillès, – 5,3 dans celui de Meilhan-sur-Garonne) ou des Côtes-d’Armor  : – 7,1 points dans le canton de Callac et – 5,6 dans celui de Plestin-les-Grèves par exemple. Les cantons ouvriers du Pas-de-Calais (– 12,1 dans le canton de Douvrin, – 11,9 dans celui de Rouvroy, – 11 dans celui d’Auchel), du Nord (– 9,6 points dans celui de Marchiennes et – 7,1 dans celui de Carnières) ou de la Somme (– 9 points dans le canton de Friville-Escarbotin, – 8,7 dans celui d’Ault) confirment cette tendance. Cette dernière se vérifie, mais de manière plus contrastée, dans la banlieue parisienne  : – 12 points à Ivry, – 4,7 à Bobigny, – 4,3 à La Courneuve,

Vénissieux fait donc exception avec … Saint-Denis, ville préfecture d’un département, en plein bouleversement urbain avec l’arrivée du Grand Stade, dirigé par un maire symbole des courants « rénovateurs » et ayant quitté le PCF.

A Vénissieux, la grande majorité des communistes avaient eux choisi au contraire de « Faire vivre et renforcer le PCF » en défendant une orientation clairement communiste, de rupture avec le capitalisme, les institutions, l’union européenne, et proposant aux présidentielles la candidature de André Gerin, député communiste symbole de cette orientation franchement communiste.

Pourquoi deux situations politiques a priori radicalement opposées se rejoignent ainsi dans le résultat d’un vote ? Est-ce à dire que l’action militante est sans effet sur le résultat qui ne serait guidé que par les situations sociologiques et urbaines, Vénissieux étant en quelque sorte et à une moindre échelle le Saint-Denis du Rhône ?

Si la composante sociologique et urbaine du vote est indéniable, un exemple montre bien au contraire que l’engagement militant est bien un facteur qui « concrétise » plus ou moins les potentialités sociologiques en mobilisant plus ou moins fortement une orientation politique en cohérence avec la réalité de terrain.

La comparaison des bureaux de vote Parilly et Jean Moulin est illustrative. Les réalités sociales sont très différentes entre le quartier de Parilly, quartier résidentiel populaire bordant un grand parc public départemental, avec de très nombreux ouvriers retraités, mais aussi des couches moyennes, et le quartier Pyramide du bureau de vote Jean Moulin, quartier des Minguettes avec deux copropriétés sociales et des logements sociaux dont certains parmi les plus pauvres des Minguettes.

La gauche est bien entendu plus forte à Jean Moulin (48% en 95) qu’à Parilly (40% en 95). Dans les deux cas, l’extrême droite avait battu des records en 1995 avec 25% à Jean Moulin et 30% à Parilly.

Mais le score du PCF était assez comparable en 1995, 109 voix et 14,3% à Jean Moulin, 107 voix et 13,9% à Parilly.

L’évolution du vote dans ces deux quartiers en 2012 est d’autant plus intéressante que les communistes de ces deux quartiers ont mené des campagnes très différentes. Parilly est le seul quartier où des communistes ont soutenu l’orientation « Front de Gauche » jusqu’à décider de créer un « Front de Gauche Vénissian » sans la section PCF de la ville, mais avec par contre tous les opposants au maire qui y voyait l’occasion de mener leur bataille contre la majorité municipale. C’était d’autant plus facilité qu’une élue municipale de ce quartier, mécontente de ses relations avec le maire avait décidé de quitter le groupe communiste.

Ce groupe « Front de Gauche », bien évidemment tout de suite mis en avant par la fédération (à tel point que lors de la fête de l’Humanité régionale, une grande banderolle « Front de Gauche Vénissian » avait été installé face à la scène, le stand de la section étant relégué en fonds de salle..), e donc mené une campagne des présidentielles « Front de Gauche », avec les slogans et les affiches de Jean-Luc Mélenchon.

Dans le quartier Pyramide, au contraire, les communistes ont mené une campagne avec les tracts de la section de Vénissieux du PCF, centrée sur le lien entre les luttes et la candidature communiste aux législatives, appelant à voter Mélenchon comme un outil pour virer Sarkozy sans faire confiance à Hollande, tout en travaillant à renforcer le PCF (6 adhésions dans les initiatives de la campagne). Ce sont plus de 100 habitants du quartier qui ont pendant la campagne des présidentielles, signé l’appel à vote Michèle Picard aux législatives, ce qui la plupart du temps conduisait à discuter pour voter Mélenchon [1]

Les résultats illustrent à la fois l’impact sociologique sur le vote, mais aussi l’efficacité de la campagne menée par les communistes.

résultat Jean Moulin Parilly Jean Moulin % Parilly %
Hue 1995 109 107 14.3% 13.9%
Melenchon 2012 150 112 22.0% 14.1%
Total extreme gauche + PC 1995 163 152 21.36% 19.79%
Total extreme gauche + PC 2012 168 133 24.6% 16.79%
Total gauche 1995 368 310 48.23% 40.36%
Total gauche 2012 526 378 79.36% 47.73%
Droite 1995 178 193 23.3% 25.1%
Droite 2012 91 241 13.3% 30.4%
Front national 1995 191 235 25.0% 30.6%
Front national 2012 58 157 8.5% 19.8%
Abstention 1995 228 184 26.9% 19.1%
Abstention 2012 375 190 35.1% 19.1%

Les différentes sociologiques sont bien entendu déterminantes sur le niveau de l’abstention et le rapport global gauche-droite. A noter d’ailleurs que l’aggravation de la fracture sociale et de sa traduction dans l’abstention se lit bien entendu dans l’évolution comparée de la participation.

Elles sont aussi au cœur de l’évolution comparée du vote FN. Un élément très important pour les communistes est bien la confiance qui s’est construite entre les copropriétés des Minguettes, cœur du vote FN en 1995, et le maire de Vénissieux. La bataille acharnée d’André Gerin contre l’insécurité, sa recherche déterminée d’un discours politique portant un point de vue communiste sur les trafics et les intégrismes est évidemment au cœur de ce résultat. C’est de bon augure pour Michèle picard dans la perspective des législatives et des municipales.

Cependant, le résultat frappant pour les discussions internes des communistes est l’évolution comparée des votes communistes. Dans le quartier même ou les communistes ont mis en œuvre avec détermination la stratégie nationale du PCF, collant les affiches Mélenchon, distribuant les tracts nationaux, le résultat est mauvais. Si Mélenchon fait mieux que Hue, c’est uniquement en attrapant quelques voix d’extrême gauche, et sans empêcher la plupart d’aller directement au premier tour sur le vote socialiste !

Au contraire, la campagne communiste menée à la Pyramide a donné un résultat sans équivoque. Un progrès notable pour Melenchon sur Robert Hue, mobilisant plus que le total PC et extrême gauche, ce qui d’ailleurs n’empêche pas le progrès global de la gauche. Mélenchon fait ainsi un score en % des inscrits proches des législatives de 1993 ou 2007 ! Les communistes opposés à l’orientation Front de Gauche, ont ici mobilisés au niveau de leur bataille pour leur candidat député André Gerin ! Ils peuvent donc faire beaucoup mieux le 10 Juin pour Michèle Picard, de très nombreux électeurs Hollande des présidentielles ayant déja signé l’appel à voter pour leur maire, candidate communiste aux législatives.

Ces résultats devraient aider à plus de réalisme dans les décisions politiques des communistes du « Front de Gauche Vénissian » et dans la direction fédérale du PCF.

[1à vrai dire, quand un électeur était convaincu qu’il fallait voter Hollande pour être sûr de battre Sarkozy, on ne l’embêtait pas pour tenter de le forcer de changer d’avis, on lui expliquait au contraire qu’il aurait besoin avec Hollande d’un député communiste !

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