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Réaction à l’interview de Toni Negri à Libération

par André GERIN, député du Rhône
Vendredi 20 mai 2005 — Dernier ajout vendredi 10 avril 2020

Par André Gerin Maire de Vénissieux Député du Rhône

Le 19 mai 2005

La lecture de l’interview de Toni Negri (Libération du 13 mai 2005) attriste. On peut être un théoricien reconnu de l’altermondialisme, un grand pourfendeur du capitalisme, un pôle de radicalité à soi tout seul, la pensée file en quenouille quand on perd le sens de ce qui vivent les gens.

Dire de la constitution : « Elle fait du bien et fera du bien tout de suite ! » c’est adopter sans ambages le point de vue de la classe dominante contre l’intérêt des peuples. Si la constitution était un bienfait, voire un moindre mal pour le monde du travail et les milieux populaires, compte tenu de consensus quasi général qui règne en faveur du oui dans la classe politique et dans les médias, le oui devrait l’emporter avec plus de 80 % des voix. Or voici que le oui est à deux doigts d’être battu. Diable ! Par qui et pourquoi ?

On peut additionner les voix communistes, celles des opposants socialistes déclarés, celle de l’extrême gauche, même avec l’arithmétique des voix des souverainistes et des électeurs d’extrême droite, le compte n’y est pas, la barre des 50 % n’est pas atteinte. Le non est porté par une lame de fond autrement plus puissante et plus profonde que toutes les combinaisons institutionnelles - fussent-elles d’extrême gauche ou radicales. La bataille du référendum éclaire d’une lumière particulièrement nette ce que le monde institutionnel répète pourtant à satiété : notre système politique est à bout de souffle, torpillé par une fracture sociale qui ne cesse de s’élargir.

Toni Negri a oublié que le capitalisme porte en lui la lutte des classes comme la nuée, l’orage. Se serait-il convaincu que le capitalisme est la fin de l’Histoire ? A force de dire tout et faire son contraire, la classe politique s’est mise dans le moule de la gestion capitaliste de la société. Toni Negri veut-il à présent y adjoindre l’extrême gauche l’invitant à se complaire dans les plus subtiles contorsions dialectiques ? Par exemple : combattre le capital au nom de l’ultra libéralisme ?

Le hic, c’est que les gens, ceux du peuple, qui vivent dans les quartiers populaires, vont pointer à l’usine, gratter au bureau, faire la queue à l’ANPE ou rouiller aux bas des tours, ces gens-là en prennent plein la figure depuis ces décennies ou notamment la gauche gouvernementale leur raconte des balivernes.

Mais en se fondant dans le moule institutionnel - versant élites intellectuelles pour ce qui le concerne - Toni Negri a fait un choix, un choix contre sa classe. Au nom de quoi il apostrophe sèchement les partisans du non : « Que veulent-ils ? Une constitution européenne ou une constitution d’un modèle communiste ? » Eh, tient ! Nous y voilà . Et si justement le puissant non dit de cette bataille électorale, c’était la question du communisme ? Les millions d’électeurs qui vont voter non et que Toni Negri traite d’ « obscurs » n’ont sans doute pas la claire conscience de ce qu’ils veulent. Mais ils manifestent une détermination tout à fait inattendue à s’opposer à ce qui les opprime : le capitalisme. Le penseur émérite a-t-il oublié que c’est le premier pas de la conscience de classe ?

Un dernier mot et non des moindres : Toni Negri veut faire disparaître : « Cette merde d’Etat-nation ». Faut-il passer à pertes et profits les acquis du siècle des Lumières, les valeurs universelles et singulière de la Révolution de 1789 ? Premier réflexe : ce que dénigre ton adversaire, défends-le. Surtout, l’agressivité de Toni Negri révèle bien un des enjeux majeurs de la bataille pour la Constitution : démolir ces leviers historiques que constituent les Etats nations pour l’émancipation des peuples. A propos de cette interview, on a envie de reprendre un mot qui a fait mouche en son temps : Toni Negri va-t-il se rendre compte que, malgré lui, il mène un combat d’arrière-garde ?

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