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VENISSIEUX/NÎMES/ALGER

суббота 3 Декабрь 2022 — Последнее обновление понедельник 23 Январь 2023

Merci à Bernard de ce reportage d’une grande qualité humaine et littéraire

(Dernière mise à jour: le 1er décembre 2022 à 7h.26)

Mon camarade et ami Zoheir Bessa ayant suggéré aux animateurs de la section de Venissieux du PCF de s’adresser à moi, c’est ainsi qu’avec Marie-Christine Burricand nous avons ensemble organisé ce voyage mémoriel à Alger.

Après trois ans d’absence due au covid, j’atterris sous un magnifique soleil d’automne à Houari Boumediene. Je découvre le nouvel aéroport international et son architecture futuriste.

Ils sont quinze, avec lesquels je vais vivre des moments chargés d’émotion : Amel, Aurélien, Latifa, Laurent, Marie-Christine, Maryse, Michel, Nacer, Nadia, Pierre-Alain, Samira, Serge, Sofia, Véronique et Jamy le benjamin du groupe. Des adjoint-es au Maire et des conseiller-es municipales/municipaux de Vénissieux, des militant-es du PCF, une élue et une sympathisante socialistes, des militant-es de la CGT, un collégien de 6e. Certains ont la double nationalité, mais plusieurs viennent pour la première fois au pays de leurs ancêtres algériens. Quelles vont être leurs réactions ?

Sur la route qui conduit à Alger-centre, de nouvelles constructions ont surgi de terre. La statue de Mahmoud Bouhamidi a rejoint celles d’Ali la Pointe, d’Hassiba Ben Bouali et de Petit Omar à l’entrée du port.

Le personnel toujours aussi accueillant nous attend à l’Hôtel Suisse. Première balade à pieds, avenue Didouche Mourad jusqu’à la Grande Poste, afin de nous imprégner de l’atmosphère de la ville. J’ai l’impression étrange d’avoir quitté Alger la veille, tant sont intenses les images de ce pays que j’aime, que ma mémoire imprime. Me fondre anonyme dans la foule. M’arrêter pour jeter un coup d’œil aux titres des journaux. Humer les arômes de cannelle et d’épices. Nos voyageurs découvrent la Place Maurice Audin inaugurée le 5 juillet 1963 et la plaque commémorative surmontée depuis quelques mois d’une statue en bronze du jeune mathématicien communiste assassiné par les sbires d’Aussaresse le 21 juin 1957.

Nous recevons ce soir à souper, Zoheir Bessa, le directeur du journal Alger républicain, Rachid Boussaïd et Hamid Bouzerer. Au cours de trois heures de riches échanges, nous évoquerons de nombreux sujets et entre autres celui de la présidence de Houari Boumediene dont les réalisations de caractère socialiste sont aujourd’hui niées notamment par les islamistes. La place des religions dans la société fera également débat. Comment pourrait-il en être autrement dans un pays où les Oulémas ont participé au combat progressiste pour l’Indépendance et où dans les années 80, le facho-terrorisme se réclamant abusivement de l’Islam, a fait quelque 200 000 morts.

Le jeudi matin, le bus que nous avons loué pour les cinq jours, nous dépose au siège de la Zone Autonome, rue Mohamed Bouras, où mes amis Belkacem Kazmat, Mahmoud Arbadji, Tahar El Hocine et une vingtaine d’anciens mujâhidûn nous accueillent. La joie des retrouvailles. Les murs de photos de chuhadâ que nos voyageurs voient pour la première fois.

L’émotion est pour moi toujours aussi forte dans les ruelles de la Casbah où furent capturés Yacef Saâdi et Zohra Drif et assassinés Ali la Pointe et ses camarades.

 Dans la lumière parcimonieuse qui pénètre entre les toits rapprochés des habitations, « J’imagine - comme Assia Djebar - le bruit de ces pas étrangers qui martèlent le pavé » ; la soldatesque en treillis léopard à la poursuite d’une ombre. Le cri glaçant des suppliciés a remplacé les poèmes féminins de la Bouqala qui descendaient des terrasses. Ici Le Pen brisa des corps et déchira des chairs avec son poignard gravé d’une croix gammée.

Dans le lieu conservé en l’état de l’immeuble plastiqué par les paras français sous les ordres du commandant Guiraud adjoint du colonel Jeanpierre, je délivre ce message à mes ami-es françai-es. L’exemple d’Ali la Pointe qui, de petit délinquant, s’est transcendé en héros, nous incite à ne jamais perdre confiance en la capacité de l’être humain à se transformer et à devenir pleinement humain. Mes amis de la Casbah ont fait cadeau d’un drapeau algérien à Jamy qui fièrement le portera durant tout notre séjour. Jamy avec qui j’ai beaucoup parlé est très interrogatif sur la prison et le sort des prisonniers. Il restera sans aucun doute marqué au plus profond par ce voyage.

A midi, pour nous détendre, un délicieux repas nous est offert par Madame Nadjiba Djilali, la jeune présidente de l’Assemblée Populaire de la Wilaya (APW) d’Alger.

L’après-midi sera consacré à un des moments parmi les plus chargés d’émotion de notre séjour. Grâce à l’efficace intervention de Madame la Sénatrice Nadjia Ouedjdi Demerdji (épouse Boudina) auprès du Ministre de la Justice, nous avons l’exceptionnelle autorisation de visiter la partie désaffectée de la prison de Serkadji destinée à devenir un lieu de mémoire.

Nous foulons le sol de cette cour où était dressée la guillotine qui trancha la tête de 58 patriotes algériens dont Fernand Iveton, Mohamed Lakhnèche et Mohamed Ouenouri. Dans sa cellule, d’où elle assista à leur supplice, Annie Steiner écrivit ce poème

« Ce matin ils ont osé
Ils ont osé
Vous assassiner.
C’était un matin clair
Aussi doux que les autres
Où vous aviez envie de vivre et de chanter.
Vivre était votre droit
Vous l’aviez refusé
Pour que par votre sang d’autres soient libérés… »

Lorsque s’ouvre la grille qui donne accès aux cellules, les mots sont impuissants à décrire ce que nous éprouvons. Sans doute, les condamnés après avoir été interrogés, étaient-ils à demi conscients, mais ils devaient pourtant sentir en franchissant ce seuil qu’ils quittaient le monde des vivants. Dans ces cellules exigües, des femmes, des hommes attendirent la mort. Guettant au petit matin, le bruit de la clef dans la serrure qui annonçait l’arrivée du bourreau.

Nous avons du mal à refouler nos larmes …

Mes amis, Mme la Sénatrice et son mari Mostefa Boudina, Président national des Anciens condamnés à mort, nous rejoignent en soirée pour un repas en compagnie de Mme Naget Khadda, universitaire, épouse du peintre Mohamed Khadda aujourd’hui décédé, M. le Professeur Ahmed Asselah, Président de la Fondation à la mémoire du Directeur de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts assassiné ainsi que son fils Rabah par le GIA, M. le Secrétaire général de la Fondation Asselah, Mme Samira Bendris, mon éditrice, directrice d’El Ibriz et son mari Hillal.

Deux tables joliment fleuries ont été dressées dans la salle récemment rénovée du restaurant de l’Hôtel Suisse. Tour à tour, Mostefa Boudina et Naget Khadda vont nous faire part de leurs souvenirs de la guerre d’indépendance et de l’évolution de l’Algérie. Le témoignage de Mostefa, toujours distancié et teinté d’humour, en dépit des souffrances indicibles sous la torture puis dans le couloir de la mort, impressionnent fortement notre groupe. Naget, délaissant pour une fois le domaine littéraire nous fait part d’une passionnante réflexion sur la marche des sociétés qui évoluent à leur rythme, en fonction de leur histoire, de leur culture et qu’il ne saurait être question de bousculer de l’extérieur. Tout en dégustant une chorba d’une saveur sans pareille et un excellent couscous.

La journée du vendredi sera le prolongement des précédentes en allant fleurir les tombes de fidayin et de chuhadâ, Henri Maillot et sa sœur Yvette, le Docteur Pierre Chaulet et Claudine son épouse, au cimetière d’El Madania. Fernand Iveton et Georges Acampora à Bologhine. Mohamed Ghafir (Moh Clichy), un des organisateurs de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris qui nous fait l’honneur d’être parmi nous et Zoheir évoquent sur ces tombes la mémoire des disparus. Après une visite de Notre-Dame d’Afrique où nous sommes accueillis par un prêtre burkinabé, nous nous rendons à El Allia pour un hommage à Jacqueline Guerroudj et à Annie Fiorio-Steiner qui nous quittés le 21 avril 2021. Plusieurs d’entre-nous vont ensuite s’incliner sur les tombes des Présidents Ahmed Ben Bella, Houari Boumediene, Chadli Bendjedid, Mohamed Boudiaf et Abdelaziz Bouteflika. Ayant pris du retard dans nos déplacements nous ne pourrons, à notre grand regret, nous rendre, comme nous en avions l’intention, sur la tombe de Sadek Hadgeres, au cimetière Sidi Tayeb à El Harrach, fermé lorsque nous sommes arrivés.

La journée du samedi débute par une visite du Musée des Beaux-Arts sous la conduite de sa directrice Mme Dalila Orfali. Nous ne verrons malheureusement pas les œuvres offertes en 1962 par des peintres du monde entier en l’honneur de la jeune République algérienne. Nous nous rendons ensuite au Maqam El Chahid, immense flamme de pierre qui monte à l’assaut ciel, conçu par les architectes Marian Konieczny et Bachir Yellès et inauguré en 1982. Nous nous y recueillons et déposons des fleurs, avant une visite guidée du musée et une somptueuse réception au cours de laquelle Madame la Directrice du Maqam remet une plaque commémorative richement armoriée à Marie-Christine Burricand en souvenir de notre visite.

J’ai recommandé au groupe de prendre le métro pour aller au Jardin d’Essai. Je ne les accompagne pas, ayant promis au Professeur Asselah d’assister, au siège de sa Fondation, au vernissage d’une exposition de peinture. Je fais la connaissance des deux artistes, un couple algéro-russe Maria Eltsova et Kamel Bellatreche. L’intensité des regards des personnages peints par Mme Eltsova ; le mouvement et le rêve qu’expriment les tableaux de M. Bellatreche.

Nous passons la soirée entre-nous. Je lis deux poèmes de Jean Sénac ainsi que Le sable de la mémoire que j’ai écrit en souvenir d’Ahmed Zabana guillotiné le 19 juin 1956 dans la prison de Serkadji.

Ma dernière visite remontait à mars 2019, cela fait trois ans et demi. Des changements sont-ils intervenus au cours de cette période ? Les médias pro-gouvernementaux martèlent l’idée d’une rupture avec l’ère Bouteflika. C’était notamment le cas, dimanche d’El Moudjahid, et de L’Expression qui sur la photo du Président Tebboune, titrait « En trois ans à la tête de l’Etat, le Président Tebboune a transformé le pays », ou du Courrier d’Algérie dont le titre pleine page en Une, écrivait en lettres rouge ; « Sous l’impulsion du Président Tebboune, L’émergence d’une nouvelle Algérie ». D’une certaine façon c’est vrai. Mais dans quelle direction ? De nouveaux pas ont été franchis dans le sens de la privatisation des entreprises publiques. La règle du 51/49 qui imposait la majorité aux capitaux algériens dans les montages financiers avec des entreprises étrangères, a été abolie. La Constitution autorise désormais l’Armée algérienne à intervenir hors des frontières. La répression contre des opposants politiques s’est dangereusement aggravée et l’organisation catholique Caritas a été contrainte d’arrêter définitivement ses activités ce qui ne s’était jamais produit sous la présidence Bouteflika. La presse écrite rencontre de grosses difficultés, en particulier la presse d’opposition privée de publicité commerciale. La Loi de Finance 2023 votée par l’APN le 22 novembre a certes adopté le principe d’un relèvement des salaires, des pensions de retraite et des allocations de chômage, mais sans en déterminer le montant. Des dispositions ont été prises pour lutter contre la corruption, mais il n’est pas évident qu’elles touchent les plus gros profiteurs. La corruption est par ailleurs souvent prétexte à éliminer des concurrents. Par contre, comme je l’ai écrit sur ce blog, le Sommet des 21 pays de la Ligue arabe les 1 et 2 novembre à Alger fut, malgré les difficultés, un succès qui s’est concrétisé en une prise de position très positive en faveur de la Palestine. Ce succès de la diplomatie de Paix de l’Algérie fait suite à la Déclaration d’Alger sur l’Unité palestinienne, conclue à son initiative. Mais tout cela est fragile dans un pays profondément divisé, ou cependant le patriotisme imprégné des valeurs de novembre constitue un facteur unificateur. J’ai senti beaucoup d’inquiétude pour l’avenir parmi nos interlocuteurs algériens.

Bernard DESCHAMPS

30 novembre 2022

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См. онлайн : publié sur le blog de Bernard Deschamps

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