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Entretien téléphonique réalisé par DEMOCRACY NOW (chaîne de télévision et d’investigation indépendante de New York

la nouvelle loi privant les prisonniers de Pennsylvanie de leur droit d’expression

Mumia Abu-Jamal répond aux questions d’Amy Goodman
Lundi 10 novembre 2014 — Dernier ajout lundi 5 octobre 2020

Dans un long entretien téléphonique entre Amy Goodman, de Democracy Now (chaîne de télévision et d’investigation indépendante de New York) et le journaliste et ancien membre des Panthères Noires, Mumia Abu-Jamal dit ce qu’il pense de la nouvelle loi votée par le Congrès de Pennsylvanie qui autorise la censure de déclarations publiques de prisonniers et d’anciens prisonniers si un juge estime que les laisser s’exprimer porterait « préjudice moral » aux victimes.

AMY GOODMAN : Vous êtes sur Democracy Now ! Je suis Amy Goodman et nous allons discuter de la Pennsylvanie où le Gouverneur Républicain, Tom Corbett, vient de promulguer une loi qui, selon ses opposants, viole le droit de libre expression des prisonniers et anciens condamnés. Cette loi a été votée après que l’un des prisonniers les plus célèbres de l’Etat, Mumia Abu-Jamal, ait prononcé un discours pré-enregistré pour la remise de diplômes aux étudiants de l’université du Vermont, Goddard College en début de mois. L’opposition est menée par la veuve de Daniel Faulkner, le policier qu’Abu-Jamal est accusé d’avoir tué. L’association American Civil Liberties Union (ACLU, l’équivalent de la Ligue des Droits de L’homme) de Pennsylvanie a dénoncé cette nouvelle législation, la définissant comme «  trop générale et imprécise » et «  non conforme au Premier Amendement » de la Constitution des Etats-Unis garantissant la liberté d’expression des citoyens et de la presse. Mumia Abu-Jamal est maintenant en ligne depuis la prison de SCI Mahanoy à Frackville, Pennsylvanie. Mumia Abu-Jamal, bienvenue sur Democracy Now !

MUMIA ABU-JAMAL : Comment allez-vous, Amy ?

AMY GOODMAN : Contente de pouvoir vous parler. Peut-on parler de votre situation ? Parlez-nous de l’endroit où vous vous trouvez en ce moment.

MUMIA ABU-JAMAL : En ce moment, comme vous pouvez l’entendre, je suis dans une grande salle d’une partie de l’unité B à Mahanoy. Autour de moi il y a environ 45 prisonniers assis et jouant aux cartes, aux dominos, aux échecs, discutant, certains lisent, d’autres dans un coin regardent la télévision. Ce sont les gens qui m’entourent, du moins quand je ne suis pas enfermé dans ma cellule.

AMY GOODMAN : Alors on parle encore de vous aux infos à cause d’une loi qui vient d’être promulguée par le Gouverneur Corbett de Pennsylvanie et qui limiterait votre droit d’expression, juste après votre discours enregistré pour la remise de diplômes à Goddard. Qu’avez-vous à dire ?

MUMIA ABU-JAMAL : Je trouve vraiment incroyable que Tom Corbett puisse ainsi bafouer la Constitution : c’est un ancien Procureur de Pennsylvanie et en tant que Gouverneur il fait passer une loi qu’il sait par essence inconstitutionnelle …

L’OPERATEUR : Cet appel vient de State Correctional Institution à Mahanoy et il est écouté et enregistré.

MUMIA ABU-JAMAL : D’autre part, en tant que Gouverneur, ancien Procureur et membre du barreau il a juré sous serment de défendre et protéger la Constitution de l’Etat de Pennsylvanie et la Constitution des Etats-Unis d’Amérique. En ratifiant cette loi il s’est parjuré aussi bien en tant que Gouverneur qu’en tant que Procureur. Comme je viens de le dire, il connaît la loi. Il connaît le cas Snyder v. Phelps. Je suis certain que cette affaire vous dit quelque chose. Les membres de la paroisse allaient aux enterrements pour harceler les familles des défunts (propos homophobes et anti-catholiques). Les familles enterraient leurs fils soldats et les paroissiens brandissaient des pancartes et criaient des slogans hostiles autour des familles. Les paroissiens ont fait remonter leur appel jusqu’à la Cour Suprême car une loi semblable à la «  Revictimization Relief Act » leur était opposée. Et toutes les Cours ont jugé cette loi contraire au Premier Amendement, y compris la Cour Suprême des Etats-Unis, qui dans un vote à 8 contre 1 a déclaré que ces paroissiens étaient protégés par le Premier Amendement et qu’on ne pouvait pas les accuser «  d’avoir intentionnellement causé un préjudice émotionnel ». Donc la loi de Pennsylvanie est inconstitutionnelle et Tom Corbett (uncontitutional Tom, comme je l’appelle) le sait. Vous voyez où on en est : des élus, des législateurs, des gouverneurs, qui ont prêté serment sur la Bible, violent la constitution et nous privent de notre liberté d’expression en toute connaissance de cause.

AMY GOODMAN : Voici ce que le Gouverneur Corbett dit pour justifier sa loi : «  Alors que les citoyens respectueux des lois disposent d’un ensemble de droits, droit de s’exprimer et de se déplacer librement, les condamnés sont emprisonnés car ils ont enfreint la loi et ont donc perdu leurs droits civiques. Et personne n’a le droit de continuer à provoquer les victimes de leurs délits dans l’espace public ». Que répondez-vous Mumia Abu-Jamal ?

MUMIA ABU-JAMAL :

Je dis que c’est ridicule. Je n’ai jamais provoqué personne. Comme vous le savez en tant que journaliste j’ai rarement commenté les évènements du 9 décembre 1981. Je parle d’un tas d’autres sujets. Je n’en parlais pas non plus dans mon discours de Goddard. La plupart des gens qui ont voté cette loi, qu’ils soient députés ou sénateurs ou gouverneur n’ont jamais entendu mon discours. Je les invite à en prendre connaissance et à voir que c’est insensé ce que dit Corbett «  Tom l’anticonstitutionnel ». En voici un autre exemple : la Cour Suprême des Etats-Unis, dans un autre cas Simon & Schuster v. New York Crime Victims Board, a jugé les actes de l’administration et la loi sur laquelle ils s’appuyaient inconstitutionnels (droits d’auteur d’un condamné versés au profit des victimes). Et d’après mes souvenirs cela date de 1991. Vous vous souvenez, c’était quand vous m’avez appelé et qu’ils sont venus arracher la prise téléphonique ?

AMY GOODMAN : Qui avait arraché la prise ?

MUMIA ABU-JAMAL : C’était un gardien. J’étais en train de vous parler. On discutait en direct. Et soudain, plus de téléphone. Et j’ai aperçu un gardien qui arrachait la prise du téléphone. Moi je continuais à appeler «  Hello Amy, hello ? » parce que je n’y croyais pas, je ne croyais pas qu’il puisse faire une chose pareille. Bien sur ce n’était pas longtemps après la publication de mon livre «  En Direct du Couloir de la Mort » et la pénitentiaire m’a sanctionné puis a porté plainte (cas Abu-Jamal v. Price). La Cour Fédérale du 3e Circuit (Philadelphie) a statué que la Constitution garantissait mon droit à l’écriture. Si selon le Premier Amendement j’ai le droit d’écrire comment peut-il être déclaré inconstitutionnel de lire mes écrits ?

AMY GOODMAN : Mumia Abu-Jamal, dans la presse, on lit la déclaration suivante de Maureen Faulkner, après que le Gouverneur Corbett ait promulgué cette loi (appelée désormais la loi Mumia) : " être en voiture, sur les routes de Californie et entendre le discours de Mumia à Goddard College ne peut que rouvrir des plaies ".

MUMIA ABU-JAMAL : Je suis désolée pour elle. Vous savez, quand les gens entendent quelque chose qui les dérange ils changent de station. Elle pouvait donc écouter une autre radio. Quant à la loi, elle ne visait qu’une seule personne, selon les propos tenus lors des débats de la commission des lois. Ils ont rédigé une loi à partir de fausses allégations envers l’Université où j’ai fait mes études. J’étais invité par les étudiants, les professeurs et la direction du College Goddard pour expliquer ce que signifiait pour moi être étudiant à Goddard. C’est ce que j’ai fait. Et si ceci n’est pas protégé par la loi alors la loi ne sert à rien. Si les droits d’un individu ne sont pas garantis par la loi c’est un préjudice pour tous. Ce n’est pas moi qui ai fait serment de protéger et de défendre la Constitution de Pennsylvanie et des Etats-Unis. Je n’ai pas besoin de le faire. Mais parmi les personnes qui l’ont fait nombre savent qu’elles ont violé la Constitution en votant cette loi.

AMY GOODMAN : Mumia, Debo Adegbile a été proposé comme directeur de la Défense des Droits Civiques au Ministère de la Justice par le Président Obama. Mais, parce qu’il a été associé à un dossier de la NAACP Legal Defense Fund, un dossier que la NAACP a défendu et gagné, sa candidature a été rejetée, les sénateurs invoquant votre cas. Expliquez-nous ce qui s’est passé. MUMIA ABU-JAMAL : Eh bien je ne vois pas bien comment…

L’OPERATEUR : Cet appel vient de State Correctional Institution at Mahanoy et il est écouté et enregistré. MUMIA ABU-JAMAL : en fait, je n’ai jamais rencontré cet homme. Je ne lui ai jamais parlé. Ce que je sais c’est qu’il est devenu directeur de la NAACP à la suite du décès de John Payton. De ce fait, son nom apparaissait sur mon recours. J’ai vu sa photo dans la presse. Mais je n’avais jamais entendu parler de lui avant de voir son nom dans les journaux. C’est un homme dont la carrière a été brisée par le FOP (Ordre Fraternel de la Police) qui achète ou intimide les gens pour le forcer à se parjurer. On peut penser qu’il n’avait pas la légitimité pour devenir directeur du département des Droits Civiques mais c’était le choix du président et je pense qu’il avait de bonnes raisons de le choisir. Mais utiliser mon cas pour lui faire barrage c’est une tragédie pour cet homme et sa famille. Et tout cela repose sur des mensonges. Les seules choses que je sache, d’après ce que j’ai entendu et ce que l’on m’a dit, c’est que cet homme est un juriste brillant et intègre, qui vient d’une famille pauvre, qui a travaillé dur pour faire une licence de droit et qui a consacré ses talents d’avocat à défendre le droit de vote et les droits civiques pour tous.

AMY GOODMAN : Mumia Abu-Jamal, je sais qu’il ne nous reste que quelques minutes avant qu’ils ne coupent la communication, limitée à 15 minutes, mais je voulais savoir ce que signifie pour vous ce transfert du couloir de la mort au régime général.

MUMIA ABU-JAMAL : Il ne se passe pas un jour sans que je pense à tous mes camarades, hommes et femmes - parce qu’il y a aussi des femmes dans le couloir de la mort en Pennsylvanie - à mes frères et mes soeurs qui sont toujours dans l’enfer de ce couloir. Et c’est si différent de l’enfermement 24 heures sur 24 que c’est difficile de faire des comparaisons …

L’OPERATEUR : Il vous reste 30 secondes.

MUMIA ABU-JAMAL : Enfermer les gens aussi longtemps en les gardant à l’isolement total est contraire à la Constitution. J’aimerais que la Pennsylvanie respecte la Constitution, pas seulement pour moi mais aussi pour que tous les hommes et les femmes qui sont dans le couloir de la mort soient incarcérés dans les conditions de la population générale où je suis maintenant.

AMY GOODMAN : Vous écrivez beaucoup de chroniques en particulier sur la guerre. Ca fait quoi d’observer la guerre depuis une cellule de prison ?

L’OPERATEUR : Il vous reste 30 secondes.

MUMIA ABU-JAMAL : Ce n’est pas très différent d’ici, c’est horrible et terrifiant mais cela annonce la fin de cet empire. Vous ne pouvez pas bombarder les peuples en prétendant leur apporter la paix. Les bombes n’apportent que la mort et la souffrance. C’est effroyable …

AMY GOODMAN : C’était Mumia Abu-Jamal. Il nous parlait au téléphone depuis la prison de SCI Mahanoy à Frackville, Pennsylvanie, où il est condamné à passer le reste de sa vie.

Collectif français de soutien à Mumia Abu-Jamal

rassemblant une centaine d’organisations et de collectivités publiques

43, boulevard de Magenta 75010 Paris / TEL : 01 53 38 99 99 / E MAIL : contact chez mumiabujamal.com

MEMBRE DE LA COALITION MONDIALE CONTRE LA PEINE DE MORT www.mumiabujamal.com

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