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Algérie : Sous la pression des luttes populaires le régime recule mais ne change pas de nature de classe

Sur le site d’Alger Républicain
Lundi 18 octobre 2010 — Dernier ajout vendredi 21 août 2020

Les luttes sociales se développent dans de nombreux pays. Ce sera certainement un des éléments du débat « le syndicalisme face à un capitalisme mondialisé » aux troisièmes rencontres internationalistes de Vénissieux, le 13 Novembre.

Notre camarade syndicaliste algérien nous en dira plus sur ce peuple algérien qui bouge…

Malgré tous les nouveaux discours sur la nécessité de doter le pays d’une stratégie industrielle, le gouvernement ne prend aucune mesure sérieuse pour relancer le processus d’industrialisation bloqué depuis 1980 sous l’ère de Chadli, c’est-à -dire depuis 30 ans ! Le programme quinquennal prévoit de dépenser l’équivalent de 285 milliards de dollars. Le programme se limite à de grands travaux d’infrastructures qui feront appel aux multinationales. Quand bien même certains projets amélioreraient la situation des citoyens, ce programme ne réduira en aucune façon, bien au contraire, hélas, la dépendance du pays. La liquidation du chômage de masse et de la misère n’est pas pour demain.

Aucune donnée officielle n’a évalué la partie dépenses en devises de ce plan. On sait seulement que les couches parasitaires n’ont jamais été aussi heureuses. Elles sont les plus grandes bénéficiaires des retombées économiques des « plans de relance » de Bouteflika. L’argent de la « tchipa » va grossir leurs comptes en banque à l’étranger. Le pétrole continue à procurer au pays des rentrées en devises importantes malgré la crise du capitalisme.

Des laudateurs du régime ont qualifié ce programme quinquennal de « pharaonique ». Ils ne semblent pas avoir saisi que ce terme admiratif, synonyme de gaspillage et de dépenses de prestige, est une condamnation sans appel des choix de classe du régime. Rien, en effet, pour un développement méthodique de l’industrie, afin de substituer la production nationale à des importations ruineuses. Rien, pour impulser un vaste plan d’aide à la grande masse de la petite paysannerie pour réduire l’importation des produits alimentaires de base. Rien, en dehors des plans de soutien à une fraction minoritaire de la grosse paysannerie spéculative spécialisée dans les produits réservés aux riches, comme la viande, les fruits et certains légumes frais. Quoi qu’en dise le chef du gouvernement qui affirme sa préférence, pour le moment verbale, pour la promotion des secteurs productifs, le contenu de ce programme reflète avec une exactitude mathématique la nature de classe de ce régime. Les couches parasitaires et exploiteuses forment sa base sociale. La bourgeoisie dite « industrielle » n’a d’industrielle que le qualificatif. Les journalistes mystificateurs dont les yeux sont rivés sur les futurs miracles de « l’économie de marché » n’ont pas le pouvoir de transformer le plomb en or. Les « industriels » ne font en réalité que dans le conditionnement. Tout est importé : machines, produits demi-finis, maintenance, etc. Le qualificatif d’ « industriel » ne s’applique vraiment qu’à l’échelle à laquelle les « capitaines d’industrie » tant vantés amassent de gros surprofits grâce à la surexploitation des ouvriers et au monopole de fait qu’ils détiennent sur une large gamme de biens. Monopole qui leur permet d’imposer des prix élevés sans rapport avec la qualité des produits. Leur seul souci est de le renforcer en obtenant du régime des mesures protectionnistes au nom d’un « patriotisme économique » à sens unique.

Il n’en demeure pas moins que malgré sa nature de classe, le pouvoir est obligé depuis un an de procéder à une certaine révision de sa politique économique et sociale.

De nombreuses mesures constituent une certaine inflexion par rapport aux dogmes ultralibéraux qui avaient marqué les choix du régime depuis une quinzaine d’années. Des entreprises stratégiques livrées à elles-mêmes (SNVI, SNTF ou Sonatro par exemple) bénéficient depuis peu d’un soutien financier des pouvoirs publics, soutien qu’il ne faut cependant pas surestimer étant donné sa timidité et l’absence de stratégie de développement intégré. Les salaires de larges secteurs de fonctionnaires et de travailleurs sont augmentés à la suite de grandes grèves. Là non plus il ne faut pas croire que les choses vont radicalement changer pour les travailleurs : la hausse des prix des produits alimentaires de base ne connaît pas de répit. Surprofits garantis pour les gros commerçants et les importateurs, principaux gagnants des réajustements salariaux, tant qu’ils continueront à régenter la distribution. La construction de logements pour les moins nantis jouit d’une certaine attention. Des projets tendent à réhabiliter le transport public dans les grandes villes. Une seule explication à cette inflexion et elle s’impose d’elle-même : l’ampleur des luttes sociales oblige les gouvernants à prendre en compte les revendications populaires sous peine d’être confrontés à terme au danger de perdre totalement le contrôle de la situation.

Les révoltes qui secouent sans arrêt le pays sur toute son étendue, les manifestations pour le logement, l’eau, l’électricité et le gaz, les routes et l’emploi, les occupations de sièges communaux, les blocages de routes, les grèves ouvrières, celles des enseignants ou des médecins, donnent à réfléchir aux gouvernants. Malgré leur caractère spontané, leur extrême fragmentation, leur inorganisation, l’absence de parti ouvrier d’envergure nationale capable de les canaliser vers des changements radicaux de progrès, ces mouvements populaires ne laissent pas d’autre choix au pouvoir que se pencher sur la situation des masses pour éloigner le spectre d’une situation insurrectionnelle généralisée.

Les couches affairistes et parasitaires doivent se résigner à partager un peu les revenus pétroliers avec le petit peuple. Pour réduire la pression populaire, leurs représentants politiques n’ont d’autres ressources, en plus de la répression, que de chercher à le diviser. Après avoir exploité le foot, ils se livrent à de dangereuses diversions religieuses, comme les arrestations de « non-jeûneurs » ou l’affaire de la mosquée salafiste du village d’Aghribs en Kabylie.

La hantise d’une aggravation de la crise du système capitaliste entraînant les recettes pétrolières dans une chute dangereuse a poussé les autorités à tenter de maîtriser - sans grand résultat pour l’instant - les importations et les flux financiers. Elles veulent éviter une grave crise, comparable à celle de 1985 qui pourrait cette fois-ci provoquer des bouleversements incontrôlables. C’est le sens des mesures introduites dans la loi de Finances complémentaire de l’été 2009 si décriée par les défenseurs de l’ultralibéralisme. Le pouvoir n’a pas changé de nature de classe. Il se montre simplement plus intelligent dans la défense des intérêts des classes privilégiées en cherchant à les protéger contre la survenue d’une situation révolutionnaire. Cela crée inévitablement des contradictions et des tiraillements.

Ces mesures exacerbent aussi des contradictions latentes mais réelles avec les États impérialistes dont le régime, grâce à l’activité internationale de Bouteflika, avait réussi à s’attacher l’ « amitié » aux dépens des intérêts fondamentaux du pays. C’est ce qu’illustrent les ingérences impérialistes dans les régions du Sahel sous couvert de contenir le terrorisme islamiste.

C’est ce qu’illustre aussi la manipulation de Ferhat M’henni par les néocolonialistes français à la recherche de la « kosovarisation » de la Kabylie, manipulation facilitée par les ressentiments que provoque le régionalisme pratiqué aux plus hauts niveaux depuis l’arrivée de Bouteflika à la tête de l’État. Par ricochet, cette manipulation conduit Saïd Sadi à rechercher de façon obsessionnelle l’appui des grands États impérialistes. En s’attaquant lors de ses dernières sorties médiatiques à Boumediene et exclusivement à Boumediene, disparu il y a plus de 30 ans et renié par le régime, en tentant de criminaliser l’action menée par le défunt à la tête de l’armée et de l’Etat algérien, il veut signifier à ces Etats qu’il est un homme politique plus « fiable » que les gens du « système » et qu’à ce titre ils peuvent compter sur lui comme homme d’une alternative ou, tout simplement, comme … instrument de pression.

Zoheir Bessa

septembre 2010

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