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Campagne pour la ratification ou le rejet du projet de Constitution pour l’Europe

Un argumentaire pour le NON d’un expert du OUI…
среда 18 Май 2005 — Последнее обновление воскресенье 15 Ноябрь 2020

A 15 jours de l’échéance électorale du 29 mai, je crois de mon devoir de citoyen d’apporter au débat public quelques éléments tirés de mon expérience personnelle. Je n’en ai pas eu la force auparavant, je le fais maintenant sans plaisir.

De prime abord naturellement favorable au projet de Constitution européenne - un «oui du cœur» -, j’ai passé tout le temps de la campagne à  l’intérieur de l’un des principaux états-majors du Oui jusqu’à ce que, progressivement confronté au texte lui-même par la nécessité de répondre aux arguments du Non, j’en vienne à réaliser que ce projet de Constitution était dangereux pour la démocratie républicaine. Instruit par les incohérences argumentatives du Oui, se sont bien plutôt imposés à moi nombre d’arguments favorables au Non, jamais entendus, qui m’ont retourné et engagé à soutenir résolument un «Non de raison». S’ils m’ont convaincus alors que j’étais favorable au Oui, peut-être pourront-ils servir à d’autres.

Je m’appelle Thibaud de La Hosseraye, j’ai 28 ans et une formation à  la fois commerciale (HEC, spécialisation «Europe») et philosophique (D.E.A). Sur les mérites supposés de ces diplômes (et, peut-être, d’un prix de l’Académie des Sciences morales et Politiques) [1] , j’ai été recruté en décembre 2004 par le club Dialogue & Initiative pour participer bénévolement à leurs travaux. Laboratoire d’idées du courant de pensée de Jean-Pierre Raffarin, donc véritable «brain trust» du Premier Ministre, Dialogue & Initiative est structuré en Commissions chargées d’approfondir différentes thématiques en vue d’alimenter la réflexion des parlementaires se reconnaissant dans cette sensibilité politique [2].

J’ai pour ma part intégré la Commission Europe. Mais ce que je n’avais pas prévu, c’est que, d’une réflexion de fond devant initialement porter sur le contenu de l’identité européenne, nous allions bientôt nous trouver engagés de plain-pied dans la campagne référendaire. Dès janvier 2005, il n’ a plus été question de réfléchir posément à la définition de "la meilleure Europe possible", nous étions activement mobilisés pour produire des argumentaires en faveur du Oui.

Ayant toujours été très favorable à la construction européenne et n’ éprouvant aucune réticence à l’idée de la doter d’une Constitution, je me suis volontiers adapté, et j’ai commencé à étudier de près ce projet de Constitution pour produire des argumentaires de soutien. Cela était somme toute cohérent : c’est parce que ma spécialité supposée était l’ argumentation que l’on me missionnait à présent en priorité sur la rédaction d’argumentaires.

Alors que je m’acquittais du moins mal que je pouvais du travail que l ’on m’avait confié, j’ai été, au milieu de la campagne lors d’une de nos réunions hebdomadaires du lundi [3], troublé d’entendre le participant le plus autorisé énoncer sur le ton de l’évidence que "comme on ne peut pas contrer les arguments du Non, il faut le discréditer, le ringardiser" [4]…. sans que cela ne soulève la moindre vague de protestation chez les participants. Outre son caractère déontologiquement contestable, cette stratégie me paraissait se fonder sur la résignation à une déconvenue théorique : or, pour ma part, c’était parce que j’étais convaincu de la plus grande pertinence des arguments du Oui que j’acceptais de militer en sa faveur.

Mais, du jour où je constatais que ceux-là même qui proclamaient haut et fort leur attachement au projet de Constitution n’hésitaient pas, dans le même temps, à reconnaître la supériorité théorique des arguments du Non… sans en tirer pour eux-mêmes de conséquences, j’étais en droit de m’ interroger sur leurs motivations réelles à soutenir leur camp. Si ce n’était pas par conviction, pour quelle raison, alors ?

Nul ne peut le dire à leur place. Mais, pour ce qui est des responsables politiques eux-mêmes, dont les participants aux réunions de Dialogue & Initiative ne sont que les fidèles collaborateurs, il suffit ici de constater combien leur engagement si fébrile en faveur d’un Oui qui ne les convainc pas paraît à tout le moins accréditer l’hypothèse que leur spontanéité à choisir leur camp se trouve limitée par l’intérêt direct qu’ ils ont à ce que cette Constitution soit ratifiée : en cas de victoire du Non, ils seraient les premiers à en faire les frais dans la mesure où ils seraient définitivement discrédités pour renégocier quelque nouvelle Constitution que ce soit.

Et en effet, si cette Constitution dont gouvernements de droite comme de gauche se sont rendus responsables [5] ne passe pas, le problème n’est pas qu’elle ne pourra pas être renégociée [6], mais seulement que c’est par eux qu’elle ne pourra pas l’être (cf. l’argument 11). Dès lors il devient impératif, pour tout professionnel de la politique disons un minimum soucieux de son avenir, d’user de tous les moyens disponibles pour faire passer cette Constitution, qu’il soit ou non convaincu de ses bienfaits.

Ce à quoi nous assistons.

Pour ma part, la prise en compte de ce caractère irrationnel [7] du soutien au projet de Constitution m’a enjoint à un surcroît d’exigence intellectuelle : puisque les arguments d’autorité qui m’avaient jusqu’alors impressionné en faveur de la Constitution ne me paraissaient plus recevables, parasités qu’ils étaient par des calculs personnels, je ne pouvais désormais prendre appui, pour soutenir mon Oui, que sur des arguments dûment fondés en raison.

Autrement dit, cette remarque si révélatrice faite tout haut en réunion, jointe à mon côtoiement régulier des membres de cabinets ministériels (lors de nos réunions hebdomadaires), m’a donné une succincte mais suffisante connaissance du contexte qui m’a reconduit à une lecture plus attentive, davantage littérale du texte lui-même.

Pour mon travail sur les argumentaires, on ne me demandait d’ailleurs pas autre chose, et puis, n’avais-je pas été recruté aussi pour l’ indépendance d’esprit censée permettre un authentique travail intellectuel ?

Or justement, en revenant au texte, rien qu’au texte, je n’ai pu qu’ être intrigué par son caractère disparate, mêlant curieusement dispositions institutionnelles et prescriptions de politique économique qui n’ont a priori rien à faire dans une Constitution. Pourquoi diable avoir brouillé le message proprement constitutionnel avec des prescriptions économiques relevant d’un autre ordre juridique, celui d’une loi-cadre ? Et quelle conclusion en tirer, sinon que cette Constitution poursuit manifestement d’ autres objectifs que strictement constitutionnels ?

C’est par un tel raisonnement, aussi scrupuleusement impartial et documenté que possible, que j’ai peu à peu réalisé une chose qui a choqué le démocrate en moi, la fonction inavouée du projet de Constitution : servir de machine d’accréditation exclusive et définitive d’une idéologie politique déterminée, celle du libéralisme.

Tout se passe comme si les rédacteurs de cette Constitution, de droite comme de gauche, avaient cherché à profiter d’une nécessaire réforme des institutions européennes -que nul ne conteste dans une Europe élargie à 25 membres- pour constitutionnaliser en douce la politique économique à  laquelle ils étaient unanimement favorables.

Inutile de préciser que je ne suis pas pour autant passé du libéralisme social (à vocation humaniste) qui caractérise le courant Raffarin au socialisme, même libéral, d’un Cohn-Bendit ou d’un DSK. Pour moi, le libéralisme est tout à fait défendable, au moins à moyen terme, comme orientation d’une politique économique salutaire dans une conjoncture économique donnée, mais pour autant seulement qu’on ne prétende pas l’ absolutiser en principe directeur exclusif de toute autre possibilité d’ orientation économique [8]. Il me semble que toute la puissance de rassemblement du gaullisme résidait précisément dans cette capacité d’ ouverture théorique, éminemment démocratique et pragmatique, permettant de conjuguer, selon les circonstances et les domaines, jusqu’aux extrêmes du capitalisme et de la planification.

Ce qu’il y a d’inacceptable, dans le projet de Constitution, c’est que le libéralisme n’y est pas présent seulement comme une politique parmi d’ autres possibles, mais comme l’unique principe normatif d’un processus qui s ’affirme irréversible et qui se subordonne explicitement l’ensemble des objectifs déclarés, y compris d’ordre social [9].

Et, ce qui est plus inacceptable encore, c’est que toutes les précautions soient prises pour le dissimuler à une lecture honnête [10].

C’est donc la prise de conscience que cette Constitution avait pour fonction d’être un écran de fumée constitutionnalisant une idéologie déterminée, qui m’est apparu comme un grave danger pour la démocratie, et qui a converti mon «oui du cœur» en un «non de raison».

Bien que les références et contraintes libérales courent dans toutes ses parties (I, II, III et IV), ce que l’on cherche en priorité à  constitutionnaliser, dans cette Constitution c’est la partie III, qui est une reprise des traités antérieurs et qui élève de ce fait leur contenu au rang de Constitution.

Je m’explique :

L’objectif officiel de cette Constitution est d’apporter à l’Union européenne les modifications institutionnelles lui permettant de fonctionner à 25 membres. Mais très vite, on s’aperçoit que cet objectif est dépassé, et sert en fait de prétexte pour faire passer autre chose de bien plus important [11]. En effet, la Constitution consacre 60 articles aux questions proprement institutionnelles et tout le reste - si on exclut la longue et inefficiente «Charte des droits fondamentaux» (54 articles) - à la définition des politiques de l’Union, soit 325 articles sur un total de 448 ! C’est dire si cette Constitution décrit moins des institutions que des politiques, moins un contenant que des contenus.

L’objectif officieux, bien réel, est de consacrer enfin en un seul texte référent plus de 10 ans de dérive européenne vers un modèle de politique économique tendancieux, exclusivement libéral, et en cela éminemment idéologique par sa prétention à exclure toute possibilité d’ alternative réelle.

On nous demande donc en réalité bien plus que notre avis sur de simples évolutions institutionnelles : on nous demande si oui ou non nous voulons constitutionnaliser ce texte là qui, à des dispositions proprement institutionnelles, ajoute des prescriptions économiques d’exclusivisme libéral.

Il ne me paraît par conséquent pas trop fort de parler de manipulation démocratique, dans la mesure où l’on use sciemment d’un subterfuge [12] (la promotion d’évolutions institutionnelles, habillées d’une rassurante rhétorique sociale et humaniste) pour faire enfin ratifier, sans avoir l’air d’y toucher, ce que l’on sait pertinemment être une doctrine économique des plus suspectes aux yeux de l’opinion publique française (en raison même de l ’attachement toujours manifesté de celle-ci à l’idéal social et républicain hérité de la Révolution de 1789 et précisé dans le programme de la Résistance mis en œuvre par le Général de Gaulle dès 1945).

C’est même précisément en raison de son caractère notoirement incompatible avec la spécificité du projet social français que les dirigeants européens de droite comme de gauche, prévoyant les réticences du peuples français à sanctuariser la doctrine économique du libéralisme si on le lui demandait clairement, ont trouvé ingénieux de confier à Valéry Giscard d’Estaing, fin connaisseur des réalités françaises et fin tacticien, le soin de diriger la rédaction d’une Constitution glissant habilement ce qui pouvait être contesté au milieu d’aménagements institutionnels incontestés [13]. On ne cherche rien de moins qu’à forcer la main aux peuples, et d’abord à celui d’entre eux dont la priorité sociale est sans doute la plus exigeante.

En définitive, tout indique que cette Constitution a été rédigée dans le but très précis d’impliquer la volonté populaire -et plus particulièrement française- dans la constitutionnalisation d’une certaine doctrine économique, à l’exclusion de toute autre, alors même que le propre d’une Constitution démocratique, ou même simplement authentiquement libérale, est de permettre au peuple souverain de pouvoir choisir entre différentes théories économiques.

Si, après l’adoption de cette Constitution, il n’a plus le choix qu’ entre le libéralisme et le libéralisme -que l’on y soit ou non favorable, là  n’est pas la question-, où est encore la liberté ?

Dès lors, la responsabilité du peuple français dans le scrutin du 29 mai est la suivante : cautionner ou non, par son suffrage, des évolutions libérales qui excluent toute possibilité de retour en arrière [14], et donc toute possibilité de faire à l’avenir d’autres choix en matière économique. Souhaitons-nous, oui ou non, nous attacher définitivement le cou à une doctrine économique, quelles que puissent être ses dérives ultérieures ou ses contre-performances ?

C’est l’ampleur de ce danger que je vais à présent m’efforcer de montrer, à travers l’exposé de 15 arguments inédits en faveur du Non. Par mon rôle même chez Dialogue & Initiative, j’ai une certaine familiarité avec les arguments du Non, mais les points suivants n’ont me semble-t-il jamais été encore relevés, en dépit de leur importance particulièrement décisive. A quoi tient le fait qu’ils soient encore inédits ? Je ne me l’explique pas. Peut-être fallait-il d’abord toute la distance d’une position longtemps favorable au Oui pour permettre leur ébauche, puis les nombreux débats qui en ont forcé l’accès vers une éclatante évidence.

PLAN DE L’ARGUMENTAIRE

Les 19 arguments de cet inventaire peuvent se regrouper selon 6 thèmes successifs, chacun comprenant 4 arguments, dont le dernier est en même temps le premier du groupe suivant : c’est une présentation qui voudrait mettre en lumière la cohésion organique des thèmes abordés en conjuguant autant que possible l’ordre analytique (des arguments) et l’ordre synthétique (des thèmes), dans une progression continue :

1- Sur une prétendue incompatibilité des Non au sein du Non, et l’ impossibilité qui s’ensuivrait d’en dégager une signification univoque en vue d’un projet alternatif : arguments 1-2-3-4.

2- Sur le retournement de l’objection (précédemment réfutée) par la mise en lumière de l’incohérence du Oui, en particulier de celle propre au Oui de gauche : arguments 4-5-6-7.

3- Sur la tentative de coup de force d’une légitimation rétroactive des Traités antérieurs, avec pour seule alternative de les ratifier ou…de les garder ! : arguments 7-8-9-10

4- Sur l’illégitimité de l’auto-négation de la puissance nationale, même en vue de la supra-nationalité d’une puissance européenne que cette Constitution, de toute façon, interdit : arguments 10-11-12-13

5- Sur le caractère d’abord anti-européen de cette Constitution, d’où peut se déduire la seule finalité susceptible de lui donner un sens : arguments 13,14,15,16.

6- Sur l’élucidation, à partir de cette mise en évidence, du véritable sens de l’incohérence théorique du Oui de gauche, dans une perspective stratégique : arguments 16, 17, 18, 19.

RESUME DES ARGUMENTS

La France est reconnue, distinguable dans le monde non seulement pour les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité issus de 1789, mais aussi pour la spécificité du projet social, issu de la Résistance, qui en découle. Sur ce fondement :

• L’argument 1 montre qu’un rejet par la France du projet de Constitution aurait une signification particulière : cela signifiera l’ exigence de plus de social dans le projet européen. D’où sa valeur éminemment positive, constructive.

• L’argument 2 constate que, entre partisans du Oui et ceux du Non, il y a accord sur le sujet du désaccord : tous reconnaissent que c’est le contenu libéral de la partie III du projet de Constitution qui pose problème.

• L’argument 3 montre que le sens du Non souverainiste est lui aussi anti-libéral.

• L’argument 4 constate cette homogénéité du Non et relève, a contrario, la différence de fond entre le Oui de droite et le Oui de gauche : l’un accepte telle quelle la forme de libéralisme consacrée par la Constitution, l’autre prétend pouvoir la corriger.

• L’argument 5 montre que, en raison de la signification sociale d’un Non français, la gauche prend un risque stratégique majeur à soutenir le Oui : celui de laisser l’initiative du Non à un pays lui donnant un moindre sens social.

• L’argument 6 montre que l’argument précédent n’est jamais invoqué précisément parce qu’une Constitution plus libérale encore paraît, même à la gauche, difficilement réalisable.

• L’argument 7 montre qu’en vertu de sa subordination explicite aux législations nationales, la Charte des droits fondamentaux n’a aucune valeur normative : elle n’est pas juridiquement contraignante pour les Etats membres.

• L’argument 8 relève que puisque c’est le contenu libéral de la partie III de la Constitution qui fait le plus débat et qui apparaît comme le point décisif au sujet duquel vont s’exprimer les électeurs, ce serait un déni de démocratie particulièrement flagrant que de l’appliquer quelle que soit l’issue du vote, en tenant pour rien l’expression de la volonté populaire.

• L’argument 9 montre que l’on a mis les électeurs devant un fait accompli : la libéralisation à outrance de l’économie européenne. En leur expliquant que plus rien ne peut être fait contre cela même pour quoi on leur demande pourtant de voter, on leur demande en réalité d’ériger un fait en droit.

• Les arguments 10 et 11 montrent que les dirigeants qui aujourd’hui prétendent toute renégociation de la Constitution inenvisageable se discréditent d’avance pour une éventuelle renégociation demain. En cela, le vote du 29 mai est bien aussi un enjeu de politique nationale, sur le choix de nos dirigeants de demain.

• L’argument 12 relève combien la dénonciation d’un "débat franco-français" à propos du débat sur la Constitution manifeste une conception de l’Europe négatrice des identités nationales.

• L’argument 13 montre que le contenu exclusivement libéral du projet de Constitution conduit à une dilution de l’Europe, en ne distinguant aucunement le libre-échange régissant les rapports entre ses Etats membres de celui promu, ailleurs aussi, par la mondialisation [15] .

• L’argument 14 montre que l’attachement définitif à l’OTAN signe l’ arrêt de mort du projet d’Europe européenne.

• L’argument 15 montre que les bienfaits de l’Europe vantés par les partisans du Oui plaident au contraire pour le rejet de cette Constitution.

• L’argument 16 montre que cette Constitution subvertit les fondements d’un Etat de droit : alors que le Droit est un rempart des faibles contre les forts, le contre-Droit instauré par la constitutionnalisation du libéralisme légaliserait l’oppression des faibles par les forts.

• Les argument 17, 18 et 19 exposent comment les partisans d’un "Oui de gauche" pratiquent sciemment la politique du pire pour mieux s’imposer dans la politique nationale. Leurs arguments pour rejeter la directive Bolkestein en sont une parfaite illustration.

EXPOSE DES ARGUMENTS

1/ Un Non français sera d’abord, aux yeux de l’Europe comme du monde, celui de la France et en cela, il parlera de lui-même en raison du projet social Français qui la caractérise et de la tradition historique où il s’ inscrit, au moins depuis le programme - gaullo-communiste - issu de la Résistance et qui est exactement ce que la Constitution européenne remet en cause dans la notion de service public (en obligeant à l’ouvrir à une « concurrence libre et non faussée" pour tout service public marchand : EDF, les transport, etc.).

2/ La campagne actuelle et les partisans du Oui se sont chargés de clarifier le sens du Non puisqu’ils n’ont cessé, jusqu’ici, de tenter de convaincre les Français que cette Constitution n’est pas libérale. C’est bien la reconnaissance que ce qui pose problème, c’est son libéralisme, et ce pour tout le monde [16].

3/ Le Non souverainiste est lui aussi anti-libéral (en tout cas au sens du libéralisme imposé par cette Constitution) puisque, se réclamant de la spécificité nationale française, il refuse l’impossibilité d’une politique économique dirigiste ou même seulement protectionniste, pourtant inévitable face aux excès de la mondialisation.

4/ Sur le refus français de la Constitution de l’UE, il n’y a donc pas de différence entre Non de gauche et Non de droite (au moins européenne) alors qu’il y a une divergence radicale sur le fond entre oui de droite et de gauche (même si ce n’est plus la même droite -ni sans doute la même gauche) puisque la droite approuve le libéralisme tel que le normalise la Constitution alors que la gauche ne l’accepte et ne consent à le constitutionnaliser que dans la perspective de le corriger, compléter, détourner ou contourner, c’est-à -dire qu’avec beaucoup moins de cohérence que la droite, elle soutient ardemment une Constitution…dont elle nous assure déjà qu’elle fera tout pour en neutraliser l’orientation.

5/ La gauche devrait plutôt réaliser qu’en votant Oui, les Français prendraient le risque énorme de laisser la voix du Non à une autre Nation, nécessairement moins social ou plus libéral que la France. Et ce Non signifierait alors clairement une exigence de plus de libéralisme et de moins d’Union sociale (ou de possibilité d’indépendancenationaledanslechoixd ’unepolitiquesocialeausensfrançais). Un Oui de la France ne seraitdonc pas seulementun Ouià cette Constitution, mais à Oui à la possibilité de son rejet en vue d’une restriction encore plus drastique du minimum résiduel de contrainte sociale qu’on peut y trouver, quoique encore toujours subordonné au meilleur fonctionnement d’une économie exclusivement libérale.

6/ Pourquoi ce dernier argument n’est-il jamais invoqué, sinon parce qu’implictement, chacun convient de l’improbabilité d’une Constitution encore plus libérale que celle-ci ? [17]

7/ Les sociolibéraux du PS et des Verts ne cessent d’arguer de la Charte des droits fondamentaux pour y voir une protection contre toute « dérive ultralibérale" (puisqu’ils n’ont rien contre le libéralisme) alors qu’ils prétendent réduire la partie III, loi-cadre prédéterminant la politique économique et sociale de l’UE, à une simple synthèse récapitulative «pour mémoire» des traités antérieurs, sans véritable valeur constitutionnelle (même s’ils n’osent pas aller expressément jusqu’à  cette contre-vérité, ils s’efforcent de la suggérer par des artifices rhétoriques). La vérité est inverse : la Charte n’a pas de valeur juridiquement contraignante puisque tout en s’inscrivant dans la Constitution, elle y inscrit en même temps la restriction explicite qu’aucun de ses articles ne saurait prévaloir, dans aucun des Etats membres, sur les pratiques institutionnelles de cet Etat (cf. II-111-2, II-112-4 et 5 et le préambule) [18] . Au contraire, la partie III, elle, se présente elle-même comme absolument contraignante et elle est littéralement normative. Si elle est intégrée dans la Constitution, ce n’est donc pas comme un corps étranger (ce qui est le cas, en revanche, pour la Charte) mais bien en effet pour lier l’adoption de la Constitution à un engagement au respect des principes de l’idéologie libérale qu’elle explicite sans équivoque et des conséquences pratiques impliquées par ces principes et qu’elle détaille par le menu.

8/ Or justement parce que la partie III est plus constitutionnelle ou constitutionnalisée que la partie II, dire Non à cette Constitution, c’est en toute logique dire non à la partie III bien plus encore qu’à la Charte. Il est donc scandaleux de prétendre que le Non serait un Non qui s’ appliquerait uniquement aux autres parties sans obligation de renégociation de celle-ci et que nous serions simplement reconduits au statu quo, c’ est-à -dire à ce qui aurait été refusé sans conteste, au moins en France, de l’avis même des partisans du Oui, puisque J-P Raffarin a osé le sophisme que ceux qui s’opposeront à la Constitution n’obtiendraint que de garder de l’ Union précisément ce qu’ils en refusent. Ce serait un déni de démocratie sans précédent, qui devrait suffire à discréditer tous ceux qui en soutiennent la possibilité [19].

9/ Le chantage est le suivant : sous peine de retour au statu quo, on demande au peuple d’ériger le fait historique (l’évolution libérale de la construction européenne) en un droit fondateur, en se liant définitivement à  ce qu’il aura consacré, en lui interdisant à l’avenir de dénoncer ce qu’il aura lui-même signé. Mais le Non n’est pas un retour au statu quo : même dans l’hypothèse où il ne serait suivi d’aucun effet positif, le peuple se serait prononcé contre ce qui ne pourrait plus dès lors lui être qu’imposé, en dépit de sa volonté déclarée : en réalité, dans l’option du Non, au lieu de se lier à un contrat léonin, le peuple garde les mains libres et il s’ acquiert même un droit nouveau, celui de s’opposer à son propre gouvernement et de le renverser par l’insurrection si celui-ci persistait à lui imposer l ’application d’une règle ou d’un règlement contraire à son suffrage. La renégociation de la Constitution en cas de victoire du Non (et par conséquent aussi, et même prioritairement des traités antérieurs tels qu’ils sont repris dans sa partie III), si c’est un Non de la France, est donc une obligation, et juridique, et démocratique, et politique au sens le plus radical, qui est absolument incontournable.

10/ Ceux qui prétendent une renégociation de l’organisation actuelle de l’UE inenvisageable choisissent d’ores et déjà de ne pas se conformer à  la volonté nationale et la trahissent déjà en affaiblissant d’avance leur propre Nation au cas où le Non l’emporterait puisqu’ils ne se voient que plaider coupables et contraints au profil bas pour toute éventuelle renégociation ultérieure. C’est exactement ce que l’on appelle une forfaiture, et ce, quelle que soit l’issue du scrutin.

11/ En ce sens, l’enjeu du referendum est bien aussi essentiellement intérieur à la France et les politiques usant de ce genre d’argument ont choisi de jouer leur carrière sur ce scrutin, consciemment ou non. Ils devront en tenir compte. Le peuple sera en droit de l’exiger et de les y contraindre.

12/ La dénonciation d’un prétendu débat «franco-français» présuppose que la France devrait penser à l’Europe en faisant abstraction de la France : elle relève d’une conception de l’Europe fondée sur le déni de la réalité nationale, en particulier française. On ne construit pas l’Union avec un ou plusieurs autres sur la détestation de soi.

13/ Mais le premier argument à prendre en compte par ceux qui veulent vraiment l’Europe, qu’elle soit Union de Nations ou supra-nationale, c’est que tout en limitant le pouvoir des Nations, cette Constitution est d’abord anti-européenne : elle normalise un libre-échange interne identique entre les Etats-membres à celui de l’ensemble des Etats-membres avec le reste du monde et qui tend à ouvrir les frontières de l’Europe selon un mode strictement analogue à celui selon lequel elle ouvre les frontières de ses Etats-membres à l’«intérieur» de l’Europe. La sujétion économique des Nations à la logique libérale de l’Union n’a pour fonction que d’assujettir l’Union elle-même à un libre-échange mondial dans lequel ni son défaut de cohésion, économique aussi bien que politique, son refus normatif de toute stratégie planificatrice ou monétaire ne peut que la conduire à se dissoudre à vitesse accélérée pour le seul profit de détenteurs de capitaux d’origine et de destination indifférente [20] . Tout se passe comme si nous n’ assistions plus à une construction de l’Europe, mais à la programmation méthodique de sa dilution.

14/ Car cette Constitution est aussi la négation même de l’Europe comme entité politique distinctive et indépendante. Elle en fait une Euramérique liée tout entière à ceux de ses Etats qui sont liés à l’OTAN -et constitutivement [21], or il était d’autant moins nécessaire de graver ce lien temporaire dans le marbre d’une Constitution qu’elle requiert l’ unanimité pour toute politique de défense et de sécurité de l’Union. Cela revient donc à s’appuyer sur l’implication actuelle de certains Etats dans l ’OTAN pour préciser la nécessité normative et définitive d’une subordination de l’Europe tout entière à l’OTAN, y compris dans l’hypothèse où tel ou tel de ses Etats, voire leur totalité, voudraient se dégager de l’OTAN en vue d’ un engagement prioritairement européen ! Cette Constitution interdit cette possibilité en plaçant l’Europe tout entière sous l’égide de l’OTAN. C’est la négation même de l’affirmation du principe gaulliste : l’Europe sera européenne ou elle ne sera pas.

15/ Il a déjà été relevé que tous les éloges de l’Europe qui prétendent fonder le Oui à la Constitution sur un Oui à l’Europe vantent une Europe SANS constitution. Il faut aller plus loin : l’’inventaire des bienfaits de l’Europe ne porte que sur les bienfaits de l’absence de Constitution, c’est-à -dire d’une Europe évolutive et ouverte, à géométrie variable et qui serait aujourd’hui plus nécessaire que jamais en vue de l’ intégration «en douceur» des nouveaux entrants de l’Est. Mais c’est justement cette mobilité de l’Europe que la Constitution a pour finalité, en tout cas pour objet explicite chez ses partisans, de figer ou fixer : en particulier en limitant le principe dynamique de la construction européenne jusqu’ici, qui a été celui des coopérations renforcées, en en subordonnant l ’initiative à la règle de l’unanimité, et la réalisation à la participation d’un tiers au moins des Etats membres (soit neuf).

16/ En définitive, cette Constitution n’a qu’une seule finalité, en laquelle réside en même temps son originalité absolue : c’est d’instituer, pour la première fois au monde, un contre-Droit. Elle le fait en élevant la concurrence au rang de principe normatif. Le Droit s’oppose à la loi du plus fort et à l’état de guerre perpétuelle où le plus fort ne cesse d’avoir à  prouver qu’il l’est. Le contre-Droit de la concurrence dit au contraire : «Battez-vous, et que le plus fort gagne !». Evidemment, pour gagner, le plus fort n’a aucun besoin d’aucun droit. En revanche, il a besoin qu’on ne lui oppose pas le Droit. Il lui faut donc un contre-Droit, un contre-feu au Droit, un droit qui s’oppose au Droit comme le contre-feu s’oppose au feu, en lui coupant l’herbe sous le pied. Le contre-Droit ne dit pas seulement que la guerre est un droit (rien d’original à cela, ni de contraire au Droit) ; il ne définit pas simplement des règles pour la pratique de la guerre (telles que celles de la Convention de Genève) ; il déclare l’ exigibilité prioritaire de la guerre de tous contre tous…pour le meilleur profit de chacun ("Battez-vous, tuez vous…mais ne vous faîtes pas mal !").

17/ Il est temps de se demander alors pourquoi une pareille ardeur offensive du Oui le plus paradoxal, celui «de gauche». Pourquoi un tel forcing rose-vert ? On se contente habituellement de répondre que les socio-écolo-libéraux «de gouvernement» ne peuvent pas se déjuger, ayant été partie prenante dans l’orientation libérale de l’évolution de l’Union telle que la consacre la Constitution. Mais cette réponse n’explique pas la facilité surprenante avec laquelle ils dénoncent un jour le Traité de Nice qu’ils ont soutenu la veille. Il y a lieu de craindre que la vérité soit moins reluisante : le libéralisme institutionnalisé leur permettra de se présenter comme un recours et un correctif d’autant plus indispensable (à l’ échelle de la politique d’abord nationale) contre la tendance lourde au libéralisme et à ses dérives ultra-libérales [qu’ils auront permis de faire ratifier, tendances] dont ils ne nient même pas que la Constitution soit effectivement porteuse.

18/ C’est pourtant bien Sarkozy dont la stratégie est à la fois la plus directe et la plus honnête (ou cynique) aussi eu égard à l’enjeu référendaire. Et c’est ce qu’illustre a contrario l’énorme intox du Oui de gauche quond il ose présenter la Constitution comme le meilleur moyen de lutter contre des mesures telles que la directive Bolkestein : si celle-ci était contraire à la Constitution, pourquoi aurait-on besoin d’exiger que la Commission s’engage à sa «remise à plat» dès avant le vote français du 29 mai ? Pourquoi ne pas s’appuyer plutôt sur son caractère anti-constitutionnel pour en faire un argument de plus, et celui-ci incontestable, en faveur du Oui ? Pourquoi n’a-t-on pu obtenir que cette simple «remise à plat» (qui n’engage à rien de déterminé, comme en a déjà  prévenu l’actuel président de la Commission) ? Et comment se fait-il que les défenseurs de cette directive (puisqu’il y en a !) se trouvent-ils tous dans le camp du Oui ? C’est au moins une illustration irréfutable de la divergence en profondeur des partisans du Oui (cf. argument 2).

19/ En réalité, les libéraux savent très bien que la directive Bolkestein découle de la partie III (articles 144-150) et les socio-libéraux s’imaginent qu’ils pourront tirer parti de ses conséquences dévastatrices pour s’imposer comme un garde-fou nécessaire à l’ultralibéralisme qui en résultera et qui, tout en les disculpant de tout recul social, permettra de présenter comme une prouesse politique la moindre atténuation de ses effets à l’échelon national. C’est le parti de la politique du pire.


Thibaud de La Hosseraye

Source : www.ineditspourlenon.com



[1] Le lecteur voudra bien excuser cette mention biographique, peut-être pas inutile cependant à un moment de la campagne électorale où les discrédits ad hominem et les arguments de pure autorité semblent avoir pris le pas sur la stricte considération des contenus, auxquels j’en viens immédiatement.

[2] Dans le cadre de la campagne électorale, Dialogue & Initiative orchestre le soutien au projet de Constitution des ministres (Dominique Perben, Dominique Bussereau…) et parlementaires (François Baroin, Valérie Pécresse…) liés à ce club, par l’organisation de dîner-débats, la création d’un site Internet ([www.lesamisduoui.com), la production d’argumentaires, de petits films humoristiques et de «cartes à gratter».

[3] Composées de membres de cabinets ministériels, de membres du Service d’ Information du Gouvernement (SIG), d’un membre du Cabinet du Premier Ministre, de membres de l’état-major de Dialogue & Initiative, ainsi que des membres de la Commission Europe.

[4] C’est à ce moment précis de la campagne électorale que, face à la montée du Non dans les sondages, a été décidé de se battre non plus sur le terrain des idées mais en discréditant le camp du Non (on nous a juste informés de ce changement de stratégie, décidé ailleurs). Pour cela, il s’agissait de «faire donner la charge» par des personnalités de la société civile (intellectuels, sportifs, stars en tous genres) influentes sur l’opinion publique, tout en s’autorisant à employer des méthodes contestables dans leur principe et douteuses dans leur expression, comme les attaques personnelles ou ces cartes à gratter dont Le Monde du 08 mai s’est fait l’ écho. On me dira sans doute que c’est là le lot de toute campagne électorale : sans doute, mais cela n’autorise pas à s’en satisfaire et à ne pas chercher à s’en distinguer.

[5] via la signature, depuis quelques dizaines d’années, des traités antérieurs qui se trouvent intégrés à la partie III. Le concert unanime des soutiens au projet de Constitution, de François Hollande à DSK, de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy, étonnamment soudés, manifeste combien droite et gauche libérale confondues se reconnaissent également responsables d’un texte qu’ils appellent de leurs vœux depuis plus d’une dizaine d’années. Ils le revendiquent d’ailleurs explicitement.

[6] Cela est même très expressément prévu par la Déclaration A 30 de l’acte final du texte "concernant la ratification du Traité établissant une Constitution pour l’Europe" (p. 186 dans l’exemplaire du Traité constitutionnel envoyé à tous les Français).

[7] puisque les arguments de raison n’étaient plus écoutés

[8] Ce libéralisme liberticide, qui restreint dogmatiquement la liberté de choix économiques, se condamne lui-même en se contredisant ainsi. Dès 1952 d ’ailleurs, de Gaulle stigmatisait les absurdes prétentions d’un « libéralisme qui ne libère personne" à s’absolutiser.

[9] Que toute autre considération soit subordonnée à ce principe libéral, cela est incontestable : pour la première fois dans un Traité européen, le principe d’une «concurrence libre et non faussée» est en effet élevé au rang d’objectif de l’Union. Ce n’était jusqu’ici qu’un simple moyen (cf. le traité CE consolidé, article I-3-g). L’article I-3-2 définit la réalisation d’un «marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée» comme le deuxième objectif de l’Union par ordre d’importance, auquel tous les autres se trouvent par conséquent subordonnés.

[10] Cela éclate dans plusieurs aspects : dans son caractère illisible pour le commun (ce qui présente pour avantage de contraindre le citoyen à devoir s’en remettre, pour se déterminer, aux arguments d’autorité des «experts» et des «personnalités» plutôt qu’à sa raison), dans le fait qu’à propos d’un même article on puisse juridiquement soutenir une chose et son contraire, dans le fait qu’elle proclame une «Charte des droits fondamentaux» pour aussitôt la vider de son contenu (cf. argument 4), qu’elle allie curieusement dispositions institutionnelles et politiques économiques, etc.

[11] La partie constitutionnelle proprement dite (c’est-à -dire celle qui concerne la répartition des pouvoirs au sein de l’Union) ne concerne que les parties I et IV du texte. La partie III, qui reprend les politiques économiques définies dans les traités antérieurs, est subrepticement glissée pour recevoir du même coup l’approbation des citoyens : on nous assure benoîtement que puisqu’elle ne fait que reprendre les traités antérieurs, el le n’ajoute rien de nouveau…oui, à ceci près que c’est la première fois que l’on nous demande notre avis sur cette partie là des traités européens, et que, surtout, l’on nous demande d’élever au rang de Constitution ce qui n ’était jusqu’alors que de simples traités internationaux. Ces politiques économiques contenues dans la partie III n’ont rien à faire dans une Constitution, sauf si l’on poursuit d’autres objectifs que ceux que l’on proclame.

[12] Conscients des réticences de certains peuples, et du peuple français entre tous, face aux évolutions libérales de la société, on a recours à un subterfuge pour faire passer (et inscrire dans la durée, au nom de la générosité de l’idée d’une union européenne) une pilule un peu difficile à  avaler.

[13] Le décalage croissant entre l’exigence d’un projet social ambitieux traditionnellement porté par la France et l’idéologie libérale bruxelloise que l’on nous demande aujourd’hui de ratifier est chaque jour plus manifeste : c’est en France que la directive Bolkestein a provoqué le plus grand tollé (auquel les politiques ne se sont joints que sur le tard pour ne pas être dépassés). On peut être sûr que cette directive, actuellement "mise en sommeil" à Bruxelles, ressurgira sitôt le référendum français passé (cf.argument 18) .

[14] En pratique, toute possibilité de retour en arrière est écartée puisqu’ il s’agit d’une Constitution qui ne peut être modifiée que par une double unanimité : d’une part celle de tous les chefs d’Etat, d’autre part celle de tous les peuples. Outre donc l’extrême difficulté technique qu’il y aura à  modifier la Constitution européenne (mais cela est relativement compréhensible si l’on souhaite lui assurer la stabilité d’une Constitution), il va sans dire que, le peuple français étant le plus socialement exigeant des peuples européens, il ne sera très vraisemblablement pas suivi par l’unanimité des peuples européens quand il exprimera des velléités de progrès social rognant l’orthodoxie libérale.

[15] Les grandes puissances du monde, à commencer par le Japon et les Etats-Unis, mènent des politiques économiques volontaristes et pragmatiques, sans s’inquiéter de savoir si cela est conforme à tel ou tel dogme de l’ orthodoxie libérale. Typiquement, les Etats-Unis, hérauts du libéralisme, ne s’interdisent ni le protectionnisme (en conservant des droits de douane -là  où la Constitution organise au contraire leur suppression progressive- et en mettant en place des barrières pour protéger leur industrie), ni la relance keynésienne par l’intervention ponctuelle de l’Etat dans l’économie. L’ Europe pour sa part s’y refuse dogmatiquement et s’expose ainsi sans se protéger, comme elle le découvre avec l’invasion du textile chinois depuis la fin des quotas d’importation le 1er janvier 2005.

[16] à part Sarkozy et de plus en plus de représentants de la majorité gouvernementale qui, devant l’impossibilité, désormais, de rester crédibles en niant ce caractère libéral, pensent plus stratégique, sur le court et long terme, de s’en réclamer ouvertement,d’imputer au «modèle Français» les carences de sa gestion et, plutôt que d’y remédier, proposent de "changer la Francegrâce à l’Europe"

[17] Il ne faut pas non plus se laisser prendre au faux argument de l’ urgence d’un besoin de Constitution, qui ne serait de toute façon pas satisfait avant 2009. C’est toujours une pratique suspecte que de presser quelqu’un de signer un contrat…

[18] Art. II-111-2 : "La présente Charte [[n’étend pas le champ d’ application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les autres parties de la Constitution." On ne peut pas être plus clair que cet article 111-2 qui stérilise l’ensemble de la Charte en la vidant de son sens. C’est donc un miroir aux alouettes, un écran de fumée. Par exemple, les manquements répétés de la Turquie à nombre de «droits fondamentaux» énoncés dans la Chartes ne seraient pas juridiquement passibles de sanctions, si elle faisait partie de l’Union européenne, et ce pour la simple raison qu’il s’ agirait en effet là de ses «traditions» (art. II-112-4).

[19] C’est en effet la première fois que les Français ont la possibilité de s’exprimer sur l’orientation résolument libérale (sans garde-fous d’aucun ordre dans aucun domaine : la simple possibilité d’un minimum de protectionnisme ou de taxations douanières comme aux Etats-Unis est expressément rejetée), de la construction européenne. Le seul précédent referendum, celui de Maastricht en 1992, portait uniquement sur le passage à  la monnaie unique.

[20] c’est-à -dire que l’on s’interdit de pouvoir maîtriser si ces capitaux seront on non effectivement investis au profit de la puissance économique et politique de l’Europe.

[21] cf. l’article I 41-2 et 7

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