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34ème congrès du Parti communiste français

Contribution de André Gerin pour l’élaboration de la base commune

Discutons de l’avenir de la France
суббота 12 Июль 2008 — Последнее обновление четверг 24 Декабрь 2020

Place et rôle du Parti communiste français

Je dis à Marie-George Buffet : encore un effort !

1 Si on parlait enfin de la révolution, de l’utopie, du communisme

  • Et si chaque dirigeant donnait son point de vue !
  • 3 défis à relever

2 La perspective historique du communisme

  • La question clé de l’individu
  • Les origines du communisme
  • La lutte des classes est le moteur de l’histoire
  • Grandeur et décadence du capitalisme
  • Les impasses de la société de consommation
  • La spoliation financière généralisée
  • Comprendre le monde pour le transformer
  • Combattre la grande bourgeoisie, contester sa domination, son idéologie
  • Vers un mode de production nouveau
  • Les fondements réels du communisme

Faut-il dissoudre le PCF et aller vers une nouvelle organisation politique à la gauche de la gauche ou faut-il préserver l’existence d’un parti communiste en France ? La question est au cœur du 34ème congrès. C’est la préoccupation numéro 1 des adhérents.

Si une majorité des adhérents vote pour l’existence du Parti communiste, les documents adoptés au congrès doivent contenir une définition du communisme telle que cette majorité la conçoit, en 2008. Que le débat, que la confrontation ait lieu, enfin !

Ce texte est une contribution en ce sens, pour des choix clairs et cohérents au service de la France et de son rayonnement. Nous devons répondre : quelle est notre identité communiste aujourd’hui. Quelles sont nos valeurs, nos fondamentaux, nos principes.

Plus largement ce document peut intéresser ceux qui gardent le communisme au cœur, comme réponse politique et idéologique contemporaine. Nous pensons en premier lieu aux nombreux communistes qui ont quitté leur parti dans le trouble, ces quinze dernières années.

Devenir le parti du changement de politique, de pouvoir, de société : pouvons-nous l’afficher aujourd’hui sans être le parti de la révolution, le parti du communisme ?

Ce sont ces questions stratégiques, avec d’autres, qu’il est souhaitable de mettre dans le débat public, à la loyal, dans le respect des personnes. Recherchons des échanges vifs, le choc des idées pour qui vive le PCF et que souffle un vent de liberté et de libération de la parole. Que chaque dirigeant donne son point de vue : nous aurons fait un grand pas.

1 – Si on parlait enfin de la révolution, de l’utopie, du communisme

La chute du mur de Berlin, en 1989 et l’effondrement de l’URSS, en 1990, ont galvanisé les fossoyeurs de tout projet d’émancipation humaine. Leur acharnement est à la mesure de ce que fut la Révolution d’octobre 1917 : un accélérateur de l’histoire qui a changé la donne de l’humanité, lui faisant faire des progrès considérables. Pour la première fois l’hégémonie du capitalisme était mise en cause. L’échec de cette première expérience de communisme étatique est mis à profit pour dénigrer en bloc les principes du communisme et tenter de présenter le capitalisme comme la fin de l’histoire.

On jette le bébé avec l’eau du bain : l’utopie avec le cours de l’histoire. L’utopie, cet art d’imaginer une société terrestre meilleure, ne serait plus bonne qu’à envelopper le cadavre de Marx !

L’utopie est enjeu du débat, enjeu d’un combat. Sans utopie, l’humanité pensante sombre dans un profond sommeil. L’utopie est ce moment où la pensée et l’action se frictionnent, découvrant de nouveaux horizons pour la pensée comme pour l’action. C’est là toute la philosophie de la révolution qu’il faut réhabiliter. «Jusqu’à présent les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, à présent il s’agit de le transformer». En disant cela, Marx lance un pari contre l’impossible.

Il n’y a pas de pari sans projet. Notre projet c’est le communisme. C’est toute la raison d’être du Parti communiste français. Pour changer la société, nous avons l’obligation de sortir de la démarche d’union des années 1960. Pour sortir des impasses de la société capitaliste, nous ne pouvons plus nous contenter de réponses limitées et partielles. La question du communisme est centrale. Autant nous devons abandonner des croyances, désacraliser certaines de nos conceptions, autant nous avons des convictions qu’il faut soumettre au feu de la réalité pour éclairer notre combat. Il faut repenser les hypothèses du communisme non comme des certitudes mais comme autant de réponses pour transformer la société, en osant porter des valeurs, des principes, des fondamentaux, mais sans les figer. Le communisme de Marx n’est pas à ranger dans le magasin poussiéreux des accessoires de la pensée.

Réhabiliter le communisme, c’est réhabiliter Marx, non pas pour lui mais pour nous, avec nombre de penseurs qui poursuivent son travail inachevé. C’est réhabiliter le Parti communiste français. Marx a inscrit sa pensée au cœur d’un XIXème siècle en plein essor, avec des combats gigantesques et des promesses fabuleuses. Nous devons appliquer sa même rigueur de pensée au lendemain d’un XXème siècle largement dévastateur, qui a engendré tous les doutes.

Le détour par Marx, le détour par l’utopie est nécessaire pour nous donner de nouvelles chances de nourrir une théorie et une stratégie de l’émancipation humaine. La théorie de Marx repose sur la critique scientifique de l’ordre social existant. Marx a dénommé COMMUNISME sa perception d’une émancipation radicale. L’utopie marxiste se singularise en fondant son projet dans l’analyse concrète de la réalité concrète.

Pourquoi, comme beaucoup nous le proposent, devrions-nous mettre ce projet à la retraite anticipée alors que dans un pays développé comme la France, le capitalisme est en perte de crédibilité et de légitimité ? Comprendre, analyser les réalités économiques, sociales, politiques de la France de 2008 est un passage obligé. Nous devons faire la critique scientifique de l’ordre social existant.

Comme le dit Marie-George Buffet : «d’autres solutions, d’autres logiques de développement humain économique, social, écologique sont indispensables». Il serait temps de nommer pour l’ensemble des communistes la réponse de fond dont nous devons débattre : le communisme. Ouvrons le débat ! Que chacun fasse connaître sa position.

La passion française du communisme fait partie du patrimoine d’un XXème siècle qui a vécu les premiers pas du communisme de Marx à l’échelle d’une nation, un communisme balbutiant, loin, très loin d’avoir atteint sa maturité. Nous devons prendre très au sérieux ce communisme, parce qu’il ouvre véritablement une perspective historique, alors que la mise en œuvre de ses conceptions ne s’est réalisée que sur un laps de temps très court.

Naturellement nous ne trouverons pas dans l’œuvre de Marx les réponses aux questions qui nous sont posées aujourd’hui. En revanche, nous y trouvons une façon de questionner le réel toujours féconde. À nous de savoir examiner le XXème siècle avec la même perspicacité que Marx, le XIXème siècle.

  • Ne nous laissons pas gruger par les doutes de l’histoire.
  • Ne soyons pas dupes des salonnards qui trouvent Marx sympa, comme ils ont adoré mai et juin 1968, mais ne cessent de proclamer la mort de l’utopie. Sarkozy/Cohn-Bendit, même combat !
  • Réfutons la thèse mille fois assenée selon laquelle la théorie de Marx serait totalitaire et sectaire, elle ouvrirait à l’utopie totalitaire.

Pour Marx, «Le communisme est le mouvement réel d’abolition du capitalisme.» Ce n’est pas un mode d’emploi. Ne soyons pas fascinés par la religion des textes. Extirpons-nous des pièges du commentaire, des prêts-à -porter, des prêt-à -penser. Défions-nous des maîtres à penser. Sortons de la perfection imaginaire, des prescriptions doctrinaires des prétentions de tutelle.

Prenons le propos pour l’expression de l’utopie et une puissante invitation à penser par soi-même. L’utopie devient une boussole pour convoiter l’impossible : le communisme comme perspective révolutionnaire historique dans le XXIème siècle. La question du communisme, discutons-en, comme alternative au capitalisme développé en France, discutons-en comme perspective révolutionnaire historique du XXIème siècle.

Pour assurer son existence, le PCF doit se donner des armes pour résister, se mettre en ordre de bataille, face à trois défis de taille à relever :

  • 1er défi : Ce que Marx appelait le prolétariat a pris la forme de classes populaires. C’est bien la logique du profit capitaliste qui forme la réalité. Précarité, discrimination, insécurité sociale jusqu’au déracinement. Destruction des formes de solidarité. Les capitalistes mènent une lutte des classes sans merci.
  • 2ème défi : Quelle alliance pour rompre, chasser la classe possédante. Classe ouvrière, employés, les ingénieurs cadres techniciens, cette alliance est un combat, un rapport de classes, toujours prêt à se retourner.
  • 3è défi : Cette alliance fondamentale des classes est à construire à l’échelle mondiale. Un état monde en gestation sous forme aliénée par les centres de pouvoir capitaliste, UE, ONU, FMI, OMC, des instruments de domination impériale, face au péril qui nous menace et aux défis d’un destin désormais commun du peuple monde.

Nous devons trouver la forme de cette alliance pour le combat du XXIème siècle. Telle est la perspective politique du local au global, en France, et à l’échelle du monde. Des rassemblements populaires, unitaires, larges, puissants, déterminés sont à construire. Des révolutions nouvelles et inédites sont en gestation.

2 – La perspective historique du communisme

La question clé de l’individu

L’histoire a montré que la force politique peut imposer un partage plus équitable des richesses en intervenant de façon volontariste sur l’ordre social. Mais elle a aussi montré ses limites, voire les tragédies qu’elle peut engendrer lorsqu’elle n’a pas atteint sa maturité. La question de la transformation révolutionnaire de la société est donc indissociablement liée à celle de la conscience humaine et de sa maturité.

La question de l’individu, de sa perception du réel et sa façon d’inscrire son action dans ce réel, devient une question révolutionnaire majeure. La conception philosophique des premiers communistes a pensé la destinée humaine comme résultante de lois générales à faire partager dans la conscience de chaque être, par opposition à l’élitisme de classe – plus que jamais en vigueur – qui ne concède qu’à quelques cerveaux «éclairés» la possibilité de réfléchir l’humanité dans sa globalité. La classe dominante entretient le culte de l’individualité afin de la retrancher dans son côté le plus négatif : l’individualisme qui rejoint, quant au fond, le règne animal. La réponse première des révolutionnaires a été : partage.

Cette conception quasi arithmétique du partage du savoir entre les consciences individuelles a pour terrible conséquence de penser que l’existence ou la disparition d’un individu ne pèse pas lourd dans le destin général de l’humanité. Pourtant, toute l’humanité, son histoire, ses valeurs, ses cultures, n’existent que dans, par, au travers les cerveaux particuliers de chacun. Sans l’existence d’une seule conscience, la plus grande bibliothèque du monde ne serait qu’un amas d’objets hétéroclites, sans signification. Quand un homme meurt, toute l’humanité meurt. Quand un homme naît, l’humanité entière est à inventer. C’est la conscience commune. Entre un Français, un Chinois, un Indien, un Brésilien, un Américain, il y a des différences de cultures immenses. Mais il y a aussi cette conscience commune d’appartenir à l’espèce humaine pensante et agissante.

Le langage est un bien commun à toute l’espèce humaine – Roland Barthes disait de l’homme qu’il est «un animal en proie au langage» – De la même façon, le communisme est le reflet d’une conscience commune, universelle et singulière dans un même esprit, dans chaque esprit.

La révolution à venir passera par une révolution des consciences impliquant une nouvelle dialectique entre l’être et la société. Un philosophe marxiste s’interrogeait, il y a une trentaine d’années, sur la notion de «sujet». Le sujet est assujetti : à l’époque féodal nous étions les sujets de sa majesté. Mais le sujet est aussi le sujet du verbe : le «je», donc l’acteur, celui qui décide et entreprend une action. Les êtres humains seront toujours des sujets sociaux mais plus ils le seront en conscience, conscience globale de soi et d’autrui, mieux ils seront à même de développer leurs capacités à être les acteurs de leur propre vie.

Cette nouvelle dialectique entre l’être et le social a deux conséquences importantes sur lesquelles il faudra réfléchir de manière plus approfondie :

  • Les logiques de domination sociales ne peuvent plus être simplement conçues en terme mécanique comme dans les sciences physiques : un individu ou un groupe d’individus domine un autre individu ou groupe d’individu. Le rapport dominant/dominé fonctionne dans chacune des consciences. Le dominé intègre la règle du jeu qu’impose le dominant. La domination de classe du capitalisme s’exerce par la coercition mais aussi et surtout, de plus en plus, par l’assujettissement des individus aux valeurs du capitalisme. La révolution des consciences est un élément incontournable pour renverser le capitalisme et, à terme, abolir les logiques de domination sociales. Faute de cette révolution, un renversement réalisé seulement par la force laisserait se perpétrer une idéologie du capitalisme rampante.
  • L’engagement de chacun dans l’action collective – tant nécessaire aujourd’hui – peut être pensé de manière radicalement différente, non plus dans l’abnégation des identités singulières mais au contraire comme élément pour l’épanouissement de chacun. C’est là une donnée essentielle pour marier, dans les conditions actuelles, mouvement de masse et émancipation individuelle.

Viendra le temps où les humains ne supporteront plus un monde qui les atomise pour mieux les priver des fruits de leurs efforts collectifs. L’accès à la conscience commune est une nécessité pour libérer l’humanité de son assujettissement à la classe dominante, pour qu’elle devienne vraiment sujet de son destin.

Un siècle et demi après Marx, le communisme est plus que jamais d’actualité. Dans notre pays qui s’est toujours passionné sur cette question, il serait bon que continue d’exister un parti communiste fort et influent, pour poursuivre, en France, la grande aventure du communisme, pour renforcer le courant révolutionnaire et que notre pays joue pleinement son rôle pour faire sortir l’humanité de sa préhistoire en prolongeant et actualisant les valeurs universelles et singulières nées de la Révolution de 1789.

Les origines du communisme

Ce n’est pas Marx qui a inventé le communisme. L’idée de mettre en commun les biens nécessaires à la subsistance des membres d’une société remonte au moins à Platon, 400 ans avant Jésus Christ. Plusieurs communautés chrétiennes ont adopté les principes du communisme, jusqu’au Vème siècle, quand l’église catholique a déclaré hérétique la propriété sociale.

C’est le révolutionnaire français Babeuf qui a inventé le communisme moderne. Quelques années après le formidable soulèvement populaire de 1789, il constate que la Révolution française a libéré les hommes des contraintes du féodalisme en droit : les hommes naissent libres et égaux, mais pas en fait. Il attribue cette inégalité persistante à la propriété privée des moyens de production. Il organise en 1795 la Conjuration des Égaux dont Marx dira qu’elle fut l’ancêtre du parti communiste.

Des ethnologues, au XIXème siècle, ont observé un communisme primitif dans des sociétés vivant de la chasse et de la cueillette. Ces sociétés produisaient strictement le nécessaire à leur survie et connaissaient un développement limité. Les tâches étaient réparties entre tous les membres de la collectivité : de chacun selon ses capacités. Les produits étaient distribués non pas de façon égalitaire : la même quantité pour tous, mais de façon équitable : à chacun selon ses besoins. Certains ethnologues ont estimé à quatre heures le temps de travail journalier nécessaire pour assurer cette subsistance.

De chasseurs-cueilleurs, les humains sont devenus agriculteurs avec le développement de l’outil. Celui-ci a bouleversé l’ordre immuable en permettant de produire au-delà des besoins de la société. Sans doute cela a-t-il permis de se prémunir contre les disettes dues aux aléas naturels. Toujours est-il que cette production supplémentaire a modifié l’équation de base de la société : le travail de tous n’était plus nécessaire. Dès lors, qui travaille, qui organise l’activité, la répartit, qui assure la gestion des stocks ? De naturelle, la division du travail est devenue sociale. Les rapports de force autour de ces questions ont abouti à l’appropriation privée des sols. Les sociétés esclavagistes, féodales reposent sur cette propriété privée de la terre.

La combinaison du travail et de l’outil, en modifiant fondamentalement le rapport de l’homme à la production de ce qui lui est nécessaire pour vivre, ouvre la voie à une accumulation primitive de richesses. Mais elle engendre une contradiction fondamentale au sein de la société entre les producteurs et ceux qui, au nom de l’appropriation privée des sols, vivent sur le dos des producteurs. Ce faisant la société se divise en deux classes : celle qui détient les moyens de productions et celle qui les met en œuvre.

La lutte des classes est le moteur de l’histoire

Il faut préciser que la théorie marxiste de la lutte des classes ne se limite pas à décrire les affrontements historiques entre des groupes humains aux intérêts divergents mais plus fondamentalement, elle observe la permanence d’une contradiction fondamentale, constitutive de toutes les sociétés humaines, entre l’intérêt général : la subsistance de la société, et la propriété privée des moyens de production. En ce sens, Marx a pu dire que la lutte des classes est le moteur de l’histoire : «L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes.» (Le Manifeste du parti communiste, de Karl Marx et Friedrich Engels, 1848.) Qu’aujourd’hui cette propriété prenne des apparences «anonymes» via les mécanismes bancaires et financiers ne changent rien au fond. Le capitalisme, c’est toujours la propriété privée des moyens de production.

C’est un singulier paradoxe de noter que l’accumulation des richesses a donné naissance à la pauvreté. Celle-ci se mesure à l’aune du développement de la société. Cela n’aurait aucun sens d’essayer de comparer le niveau de vie d’un ouvrier français avec un chasseur-cueilleur de la préhistoire. Mais à regarder de plus près, entre un chasseur-cueilleur d’antan et un pauvre actuel, qui vit le mieux ? Certains ethnologues qualifiaient ces sociétés primitives de sociétés d’abondance. Les règles graduées qui mesurent le niveau de vie des pays : le PIB, ou des individus : 3 milliards de terriens vivent avec moins de 1 dollar par jour, ne traduisent pas le fait majeur que les producteurs sont, mondialement, de plus en plus nombreux à payer un tribut toujours de plus en plus lourd aux propriétaires des moyens de production.

À partir de la fin du Moyen Âge, les développements des sciences et des techniques ouvrent la voie à un nouveau type de croissance qu’accompagne, au plan culturel et idéologique la philosophie des Lumières. L’importance des produits manufacturés grandit par rapport aux produits agricoles. La circulation des marchandises prend le pas sur la distribution des denrées alimentaires. À une logique de domination par la maîtrise du territoire – logique immobilière – s’oppose une logique de libre-échange.

La propriété privée des sols apparaît de moins en moins garante de la domination de classe sur les producteurs au regard de la propriété privée des moyens de travail. Quand le seigneur veut préserver son fief et les serfs qui lui sont attachés, le capitaliste veut trouver sur le marché un travailleur «libre» de vendre «librement» sa force de travail. La liberté devient une condition du développement économique tout autant qu’un moyen de perpétrer l’exploitation du travail. «La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire», lit-on dans le Manifeste de 1848. La notion de liberté est une valeur universelle. Elle est en même temps profondément attachée au développement du capitalisme. C’est au nom de la liberté que le mode de production féodal cède le pas devant le mode de production capitaliste.

Notons en passant que la spéculation immobilière ou foncière actuelle est un avatar et une subsistance du féodalisme, ainsi que Marx l’a analysé dans le livre III du Capital. Quand les marchandises sont clouées au sol – telles les biens immobiliers –, elles ne peuvent pas circuler librement. Le propriétaire terrien prélève alors sur les profits une rente foncière qui s’apparente aux tributs du Moyen Âge. Le fait n’est pas sans conséquence : la spéculation immobilière est un parasite pour le capitalisme, ce qui n’empêche nullement les capitalistes d’en jouer à tour de volée.

L’accumulation de richesses liée à la propriété privée des sols se limite pour l’essentiel, aux capacités de la terre. Dans ce contexte, le développement des moyens de travail apparaît secondaire. Le capitalisme naissant, au contraire, se concentre sur ces moyens de travail pour produire plus et plus vite les marchandises les plus attrayantes. Le capitalisme est la rencontre historique entre la force de travail et le génie créateur humains. C’est la base de sa fortune. L’accumulation capitaliste consiste non seulement à posséder toujours plus d’usines et de machines pour produire plus de marchandises, vendre plus et s’enrichir davantage mais aussi à incorporer la technologie pour gagner en performance, abaisser ses coûts et vaincre la concurrence. De là vient la dictature du moindre coût.

Grandeur et décadence du capitalisme

Le capitalisme est un mode de production qui développe les forces productives de façon sans précédente dans l’histoire, à marche forcée et à coups de triques. La révolution capitaliste en France et en Europe a emprunté des voies politiques très diverses. Mais elle repose sur un même socle : le développement des forces productives. Il faut garder cela sans cesse à l’esprit. Autant les volontés politiques peuvent agir sur les modes de production, autant le degré de développement des forces productives fixe les limites historiques de l’intervention humaine. Le capitalisme a su s’imposer parce qu’il s’est montré le mieux apte à mettre en œuvre les évolutions créatrices de la société. Le capitalisme ira en perdant de sa puissance parce qu’il se montre incapable d’assurer une gestion mondiale raisonnée et équitable des ressources de la planète – ce qui suppose un effort sans précédent pour l’innovation et la technologie – et, par conséquent, il s’avère incapable, à terme, d’assurer la pérennité de l’espèce humaine. La logique ancestrale du dominant/dominé perd peu à peu de sa pertinence historique.

Marx à mis en évidence qu’en se développant, le capitalisme creusait sa propre tombe. Plus il devient puissant, mondial et riche, plus il accumule la fortune à un pôle de la société et plus il se fragilise. C’est le colosse au pied d’argile. Il devient de moins en moins capable de poursuivre le développement des forces productives, allant jusqu’à les détruire et en nier l’utilité. À l’aube du XXIème siècle, nous vivons pleinement le scénario fondamental du marxisme, n’en déplaise à ceux qui n’ont de l’histoire qu’une vision à courte vue. En même temps ce scénario nous met dans l’obligation d’écrire nous-mêmes les épisodes de notre temps.

Le concept clé qui rend compte à la fois de la puissance ascendante du capitalisme et de ses limites, c’est la baisse tendancielle du taux de profit. Si le génie créateur humain a permis de passer de la faux à la moissonneuse-batteuse, de la machine, à la machine-outil et au robot, du boulier à l’ordinateur, c’est la sueur et la pensée des hommes qui a donné corps et consistance à ces innovations. Comme à l’aube des temps, le travail des hommes produit plus que la société n’a besoin pour vivre. C’est la croissance. La force de travail de l’ouvrier produit plus de marchandises qu’il n’en a besoin pour assurer son existence sociale. Le surplus, la plus value, la valeur ajoutée, prend sa forme palpable sur le marché sous la forme sonnante et trébuchante du profit que le capitaliste s’approprie au nom de la propriété privée des moyens de production. (Lire à ce propos Salaire, prix et profits, rapport de Karl Marx au conseil général de l’Association internationale des travailleurs, AIT, en 1865, qui résume sa conception de l’exploitation capitaliste de la force de travail.)

Cela étant, le capitalisme vit un drame cornélien. Pour être compétitif, il doit sans cesse incorporer les nouvelles technologies dans sa production et investir massivement dans des machines toujours plus performantes au détriment du travail vivant. Ainsi vend-il plus et mieux. Mais son taux de profit baisse puisque la plus value ne résulte que du travail vivant. C’est une observation sur laquelle les économistes s’accordent.

Depuis qu’il existe, le capitalisme cherche la parade. La plus ancienne de ses parades, c’est la guerre et le colonialisme. C’est le moyen d’exporter et d’imposer par la force ses lois dans des pays où subsistent des modes de production plus anciens. «Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations.» (Le Manifeste.)

Les cendres et les ruines sont autant de larmes pour les peuples mais autant de chantiers de reconstruction où excelle le savoir faire du capital. Mais la guerre a ses limites, elle n’est bonne que chez les autres. Le plus puissant capitalisme du monde, le capitalisme US n’a jamais connu sur son sol d’agression étrangère à l’exception notable des attentats du 11 septembre. Il n’est écrit nulle part qu’il en sera toujours ainsi. Il ne faut pas sous estimer la perte légitimité crédibilité du capitalisme occidental. De plus, la guerre, en pratiquant la saignée comme les médecins de Molière, ne règle pas le problème de fond de la baisse tendancielle du taux de profit.

Les impasses de la société de consommation

Autre parade : la société de consommation. Produire à satiété des biens à destination des producteurs. Depuis la première voiture «populaire» de Ford, le T Lizzie, au début du XXème siècle, jusqu’à la gabegie de consommation de l’après 1968, le capital réalise une partie de ses profits directement sur le dos des salariés qu’il exploite, engendrant dans des mouvements parallèles un accroissement surréaliste des besoins et une frustration grandissante de ne pouvoir les satisfaire. Dans cette perspective, tout à vocation à être marchandisé, même ce qui, a priori, semblerait devoir ne pas l’être. Par exemple le sport, le jeu, les loisirs, le sexe, la drogue ou encore, dans un tout autre domaine, la personne humaine. Ces nouveaux territoires marchands sont de véritables eldorados de profits qui, assortis d’une force de frappe médiatique sans précédent historique, renforcent à la puissance mille l’aliénation. L’être humain – être social – subit un conditionnement individualiste exacerbé qui va de pair avec la négation des solidarités les plus élémentaires. Mais gare au retour de manivelle si la belle mécanique de la consommation vient à se gripper durablement.

La contradiction capital/travail prend des allures du syndrome du serpent qui se mord la queue : pour accroître les profits, il faut vendre plus ; pour vendre plus, il faut augmenter les salaires ; mais augmenter les salaires, c’est prendre le risque de diminuer les profits ou d’augmenter les prix ; et quand les prix augmentent, les ventes diminuent, menaçant, là encore, les profits. Non, vraiment, le capitalisme ne peut pas augmenter les salaires ! Pourtant, que ne ferait-il pas pour nous vendre tout et n’importe quoi !

Le «marché libre et non faussé» devient de plus ne plus une supercherie, celui-là même dont nous vante les louanges un traité constitutionnel, que les peuples européens, décidément, rejettent. Le marché des biens c’est d’abord la pompe à fric des marchés spéculatifs et financiers. La «libre concurrence» ne leur convient que lorsqu’ils peuvent exercer leur domination sans partage. Le capitalisme a mis en place toute une idéologie du marché pour coiffer le marché réel qui lui a assuré son essor à ses origines. Carrefour ne vend pas moins cher que ses concurrents de la petite et moyenne distribution mais l’enseigne a infiniment plus de moyens que les autres pour faire croire le contraire aux consommateurs et fausser ainsi le jeu de la concurrence.

Les patrons de la grande distribution ont largement déserté le terrain de la production pour s’investir dans le commerce et la finance. Ils répondent en cela à la tendance mondiale qui pousse les capitalistes à accumuler des profits en jouant des mécanismes spéculatifs et des rapports de force. En position de grands donneurs d’ordre, ils s’ouvrent une voie royale pour aspirer les profits sans extorquer eux-mêmes la plus-value qui se réalise dans la production.

La spoliation financière généralisée

C’est la dernière parade en date du capitalisme : la spoliation pure et simple par les mécanismes bancaires, financiers et spéculatifs. La finance qui devrait être au service de la production devient une arme pour assurer la domination des puissants, quitte à détruire des pans entiers de la production. Le capitalisme se voit obligé de brûler ce qu’il a adoré pour tenter de pérenniser ses profits. Certes, la finance lui permet de se propulser à la vitesse de l’éclair dans n’importe quelle région du monde pour y exploiter une main-d’œuvre encore docile et bon marché et extorquer une plus value massive dont il a besoin. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il s’affaiblit sur ses bases historiques nationales, plongeant les peuples des pays «développés» dans des nouvelles formes de misère.

Actuellement les fonds de pension et autres grands actionnaires exigent une rentabilité financière du capital supérieure à deux chiffres quand la croissance réelle de l’économie est cinq fois moins élevée. Seul effet «positif», la part des dividendes versés aux actionnaires est passée de 2,3 % à 8 % du revenu national, en France, en 30 ans !

Mais là aussi le capitalisme touche ses limites. L’argent ne produit pas de l’argent. La bulle internet, au début des années 2000, a montré aux dépens de certains que sans production réelle il n’était pas d’enrichissement possible. En clair, le capitalisme est condamné à produire pour exister mais plus il produit, plus il se nie. En généralisant à l’échelle mondiale l’exploitation capitaliste de la force de travail, il crée l’armée de ses «fossoyeurs» pour reprendre le mot de Marx, d’où le célèbre mot d’ordre du Manifeste : «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !» Il court après l’innovation pour produire moins cher mais il la détruit dans le même temps pour préserver sa rentabilité. Il concentre les richesses entre des mains toujours plus réduites et altières et condamne des milliards d’êtres humains à des vies de misère. Le capitalisme, qui se targue d’être le nec plus ultra de la civilisation, engendre la barbarie en creusant les inégalités comme jamais dans l’histoire de l’humanité.

«Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l’amélioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu’aux nations les plus barbares. Le bon marché de ses produits est la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine et contraint à la capitulation les barbares les plus opiniâtrement hostiles aux étrangers. Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production ; elle les force à introduire chez elle la prétendue civilisation, c’est-à -dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle se façonne un monde à son image.» (Le Manifeste.)

Comprendre le monde pour le transformer

La baisse tendancielle du taux de profit se résume donc à un double mouvement. Les développements technologiques réduisent la part du travail vivant dans le processus de production : la plus value diminue, les profits baissent. Pour contrecarrer cette baisse le capitalisme cherche sans cesse à étendre la sphère marchande à la fois par une expansion géographique et une marchandisation exacerbée de tout ce qui lui tombe sous la main. La masse de plus value et les profits augment. Mais tendanciellement, au fur et à mesure que les forces productives se développent et que la productivité du travail s’accroît, le rapport entre le bénéfice et l’investissement s’amenuise, la rentabilité du capital s’étrique.

Ce point théorique a des conséquences essentielles. Il permet de donner à la fois une assise et un cap à l’objectif de transformation révolutionnaire de la société en la distinguant de l’adaptation réformiste, tout autant que de l’aventurisme de gauche ou des utopies sans lendemain. Sans la claire maîtrise de ces questions théoriques, il est impossible de comprendre ce qui s’est passé en URSS puis dans les pays satellites, ou encore ce qui se passe en Chine actuellement, en Inde, en Amérique du sud ou enfin d’imaginer une issue au capitalisme dans un pays développé comme la France.

Marx a émis l’hypothèse que, peu à peu, les conditions se réunissent pour aller vers un nouveau mode de production fondé sur la propriété sociale des moyens de production et la maîtrise par les producteurs des conditions de la production et de la distribution des biens. S’il est un grief que l’on peut faire au Parti communiste français, c’est bien d’avoir renoncé à explorer les voies de l’autogestion comme il l’avait entrepris au milieu des années 1970.

Il y avait là une opportunité historique pour explorer des chemins nouveaux, au lieu de quoi le PCF a déserté le terrain de l’entreprise pour s’enfermer dans la voie institutionnelle. Après plus de vingt ans de règne de la gauche, en France, il devrait pourtant être clair que la prise du pouvoir d’État institutionnelle ne mène à rien sans le renversement du système capitaliste dans les entreprises. Parallèlement à la conquête du pouvoir d’État, indispensable pour impulser les grandes réformes économiques et maîtriser la finance, la prise du pouvoir par les salariés dans les grands secteurs de l’industrie et de la banque est indispensable.

Le Parti communiste a étudié avec une grande attention les évolutions de la classe ouvrière et du monde de travail en relation avec les révolutions technologiques successives. Il a élaboré des concepts de grande portée tels le capitalisme monopoliste d’État ou les critères de gestion qui n’ont rien perdu de leur pertinence. Aujourd’hui, il laisse le terrain en friche et c’est dommageable.

Mais il évacue aussi la question de la grande bourgeoisie. La classe des propriétaires des moyens de production, des moyens financiers, des grands médias – bien souvent en lien avec les industries d’armement – aurait-elle disparu ? Sarkozy ne serait-il pas leur représentant le plus fidèle en France, tout comme Merkel en Allemagne, Berlusconi en Italie ou, jusqu’il y a peu, Blair en Angleterre ? Que sous le coup des luttes sociales, les classes dominantes aient été amenées à redistribuer une partie du profit directement ou par le biais des états ne change pas fondamentalement la donne. Il y a bien une classe qui domine la société et impose sa loi, qui accumule des richesses faramineuses et n’a même plus honte de l’étaler au grand jour. Les ogres de la finance ne sont pas des personnages de contes d’enfants. Ils existent bel et bien dans la réalité. Il ne faut jamais se lasser de les montrer du doigt.

Combattre la grande bourgeoisie, contester sa domination, son idéologie

Voilà bien une question qui distingue radicalement le courant réformiste du courant révolutionnaire. Le courant réformiste cherche à peser pour une redistribution plus favorable aux classes populaires, notamment en multipliant les politiques d’assistance. Si dans sa version la plus progressiste – ce qui est loin d’être le cas du Parti socialiste en France actuellement –, il reconnaît la pertinence de l’analyse marxiste, il s’enferme dans une vision déterministe de l’histoire, déniant aux pratiques humaines conscientes la possibilité de renverser l’ordre du capital.

Le courant révolutionnaire, en revanche, met en cause la domination de la grande bourgeoisie ainsi que le droit et les pouvoirs qu’elle s’est donnés de posséder de façon privée les biens nécessaires à la vie et au développement de la société. Ce faisant il en appelle à l’action de la classe ouvrière, du monde du travail, des classes populaires dans un mouvement de responsabilisation et d’émancipation aussi bien individuel que collectif.

Est-ce possible en France, dans un monde où les interdépendances entre les États n’ont jamais été aussi fortes et dans une Union européenne qui apparaît toujours plus comme un carcan contre l’Europe ? L’argument des contraintes extérieures est spécieux. S’il ne s’agit pas de les nier, il n’y a aucune raison de s’abriter derrière pour renoncer à poser dans le débat public et national la question du renversement du capitalisme et du changement de société. «La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, bien qu’elle ne soit pas, quant au fond, une lutte nationale, en revêt cependant tout d’abord la forme. Il va sans dire que le prolétariat de chaque pays doit en finir, avant tout, avec sa propre bourgeoisie.» (Le Manifeste.)

Mettre à bas la grande bourgeoisie peut sembler hors de portée tant ses moyens de domination sont puissants, jusqu’à manipuler les consciences individuelles. Mais cette manipulation atteint ses limites : au nom de la liberté, chacun peut prendre la décision de résister, de ramer à contre-courant. Ces limites se manifestent sous un jour brutal dans les soutes du capitalisme, loin de la France, là où hommes, femmes, enfants produisent sans retour et sans espoir. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir ce qu’engendre l’étalage indécent et cynique, dans le monde entier, de la télévision américaine provoquant tout à la fois désir et frustration. Il faudrait être sourd pour ne pas entendre le grondement de la révolte.

Le PCF doit s’ouvrir à toutes les forces qui dans le monde contestent la domination capitaliste, en premier lieu desquelles, les partis communistes. Il est urgent que le Parti communiste français renoue des liens réguliers avec l’ensemble des partis communistes, des mouvements révolutionnaires et progressistes du monde. C’est quand même le B. A. BA de l’internationalisme !

Vers un mode de production nouveau

Marx appelait «socialiste» le nouveau mode de production qu’il voyait s’extirper d’un capitalisme incapable d’être au rendez-vous du futur. On peut ne pas avoir la religion des mots mais il vaut mieux continuer d’appeler un chat un chat. Le nouveau mode de production doit rompre avec le mode de production capitaliste. Il repose sur une appropriation sociale des moyens de production et la prise du pouvoir d’État pour déposséder en droit la grande bourgeoisie. Il réalise l’exigence du partage des pouvoirs avec les classes populaires et le monde du travail. Ses conditions d’existence ne cessent de grandir au fur et à mesure que s’exacerbent les contradictions du capitalisme.

Le PCF a admis depuis longtemps qu’une telle révolution ne surviendrait pas d’un «grand soir» ni d’une quelconque réédition des révolutions de 1789, 1848, 1870 ou 1917. Il s’agit d’un processus complexe qui résulte à la fois de volontés politiques fortes et de conditions économiques décrites plus haut. Sur la fin de sa vie, Engels imaginait possible le rachat des entreprises par les collectifs de travailleurs dès lors que la baisse du taux de profit en dissuaderait l’exploitation capitaliste. Si Engels n’a pas anticipé sur les parades du capital pour contrecarrer cette baisse, il a pressenti ce que la section économique du PCF a appelé, dans les années 1970, la «dévalorisation» du capital.

L’appropriation sociale des moyens de production et des moyens financiers est indispensable pour continuer de développer les forces productives dans le sens de la satisfaction des besoins humains fondamentaux : résorber la faim dans le monde, produire propre dans le respect de la planète et de ses ressources, toutes choses que le capitalisme est incapable de mener à bien à l’échelle planétaire. Il suffit de voir l’attitude des Américains à propos de l’émission des gaz à effet de serre ! Par exemple, le capitalisme est incapable de mettre à la disposition des peuples la révolution informationnelle. Il demeure fondamentalement dans une culture de guerre et de conflit quand la solidarité mondiale s’impose pour faire face aux défis du futur.

L’enjeu pour le XXIème siècle, c’est de relancer le développement des forces productives dans une autre logique que celle du d’un capitalisme financier mortifère : non plus dans une course effrénée à la consommation mais dans un partage équitable des richesses avec en ligne de mire la promotion des hommes. À ceux qui n’ont à la bouche que l’expression «développement durable», il faut rappeler sans relâche qu’il ne peut y avoir de développement sans production, sans développement d’une économie équitable. La France, petit pays à l’échelle du monde, mais forte de sa culture, de son histoire et de ses savoirs faire a une partition originale à jouer dans le concert mondial de la production notamment dans les domaines de l’innovation et du produire propre, pour construire de nouveaux lieux et de nouveaux modes de vie économiques.

Il s’agit de valoriser l’innovation tout en défendant un art de vivre, de mettre nos valeurs et nos idéaux de 1789 au service d’un développement équitable, en mettant la question sociale au centre de gravité. Les questions sociétales, pour importantes qu’elles soient, ne doivent en aucun cas détourner l’attention de la question sociale fondamentale : de quoi vivent les êtres humains.

Il est clair que ce n’est pas la voie choisie par le groupe dirigeant des capitalistes français qui préfère se vautrer dans la spéculation plutôt que d’affronter les défis modernes de la production. Ce faisant, il brade la France. Sous Pompidou, dans les années 1970, notre pays était la troisième puissance scientifique mondiale. Elle est aujourd’hui en quatorzième position. Plutôt que de laisser lamentablement le porte-avions Clémenceau traîner sa rouille sur plusieurs mers du monde et essayer de s’en débarrasser honteusement en Inde, nous aurions pu le démembrer en France où l’on sait désamianter de façon sûre. Cela nous aurait permis de valoriser de nouveaux savoirs faire et de nouvelles compétences. Ou alors, soyons clairs : si le travail est un coût, il faut supprimer le travail !

Les fondements réels du communisme

Contradiction ultime, peut-être, du capitalisme : la mondialisation lui assure sa domination mais ne l’a pas guéri de son anarchie primitive. Face aux défis planétaires, le déficit d’interventions publiques est criant. L’ONU joue un rôle beaucoup trop limité. Les instances comme le FMI ne font qu’agir comme le renard dans le poulailler. 90 % de l’humanité subit des inégalités que l’idéologie même du capitalisme réprouve.

Du socialisme au communisme n’y a-t-il qu’un pas ? Le développement des forces productives et l’obligation faîte aux humains de gérer de façon ordonnée et raisonnée la planète Terre donne raison aux auteurs du Manifeste de 1848. Le besoin de mise en commun devient impérieux. Combien d’humains, par exemple, vont-ils encore être tués au cours de guerres absurdes au nom de la propriété privée du pétrole, de l’eau, des richesses naturelles ? Peut-on espérer développer les énergies du futur sans un contrôle public international tel qu’il existe déjà pour le nucléaire, par exemple ?

Continuerons-nous de courir après des marchandises de moins en moins utiles, de plus en plus futiles ou bien les humains sauront-ils se recentrer sur des valeurs plus communes qui, somme toute, leur assurent une vie plus sereine, plus fraternelle, plus libre ? Ne voit-on pas que, dans la folie du capitalisme cynique et sans pitié, quelques millions d’humains ont beaucoup – vraiment beaucoup trop – d’argent pour vivre, tandis que des milliards manquent encore de l’essentiel pour survivre ? L’équation des besoins est à revisiter non pour les ratiociner mais pour les délivrer de l’obsession consumériste du capital. Une étude de la Sofres, réalisée à l’échelle européenne, met en évidence un fort attachement à la gratuité, notamment des services publics et à l’intervention des États dans le jeu économique. «Le désir d’État se révèle massif dans toutes les sociétés européennes.»

La question du communisme repose sur une réalité essentielle qui se fait jour peu à peu : il est matériellement possible d’assurer à tous les êtres humains de la planète une vie à l’abri du besoin. Ce qui n’était qu’une utopie, il y a seulement quelques années, peut devenir un grand projet politique mondial, au regard du développement des forces productives. La mise en commun, sous l’égide de l’ONU, par exemple, des principales ressources de la Terre, le contrôle mondial de la distribution alimentaire, de la distribution sanitaire, tout cela devient réaliste, au prix d’un immense combat pour renverser l’anarchie dévastatrice du capital. Le bras de fer est engagé, autrement plus dense que la guerre froide des années 1950, mais combien plus prometteur.

Vénissieux, le 10 juillet 2008.

André GERIN

Ce texte est accessible sur le site officiel du congrès : Cliquer sur le lien

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