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Les semences, le marché, le socialisme…

Lundi 20 avril 2009

Les faucheurs volontaires anti-OGM se présentent désormais comme les « semeurs volontaires de biodiversité », agissant pour la biodiversité contre les multinationales agro-industrielles.

Ils dénoncent dans le même mouvement, les brevets sur le vivant avec lesquels des multinationales tentent d’imposer leur monopole, et des structures professionnelles ou institutionnelles qui organisent la distribution de semences, comme le « catalogue officiel des semences », outil public qui recensent les variétés reconnues et autorisées à la vente. Ces « semeurs volontaires » considèrent que « Les semences sont le bien commun des communautés rurales qui les ont sélectionnées et conservées », et qu’il faut défendre la liberté de semer, récolter et vendre ce que l’on veut. Bref, contre le marché capitaliste, ce mouvement défend le marché paysan. Curieux raccourci qui fait l’impasse sur toutes les expériences de réponses collectives, publiques, coopératives pour dépasser le capitalisme. Sur cette question des semences, est-il possible de « sortir du capitalisme » par le « marché paysan » ? Le capitalisme n’est-il pas né du marché lui même ?

Jusqu’au 19e siècle, les semences évoluaient par la sélection naturelle et par le tri des grains par le paysan. Quand une maladie s’attaque a une variété, que les graines récupérées sont de mauvaises qualité, le paysan perd ses semences, et doit chercher ailleurs, parfois loin de chez lui, de nouvelles semences. C’est ainsi qu’au 19e, le blé de Noé, venu d’Odessa, blé d’hiver et d’été, plus vigoureux et moins sensible que les blés de pays se répand. Il n’y a pourtant aucune multinationales des semences !

A partir de 1860, on commence à sélectionner les géniteurs pour des hybridations artificielles et dès le début du XXe, ce n’est plus l’observation par le paysan qui guide la gestion des semences, mais une technique de sélection reposant sur la génétique.

Très rapidement, ces variétés deviennent hégémoniques et supplantent les blés de pays. Ce sont justement les scientifiques, comme l’agronome Emile Schribaux qui s’inquiète en 1920 de l’appauvrissement génétique et insiste sur le besoin de biodiversité et de croisement avec des variétés lointaines, venues d’Amérique, de la méditerranée…

Dans le contexte du capitalisme en pleine révolution industrielle, des entreprises s’affirment et deviendront des multinationales des semences. Mais le capital n’est pas seul dans le capitalisme, notamment dans le rapport de force créé par le conseil national de la résistance. Des outils de recherche publique existent, comme l’INRA qui joue un rôle important pour introduire des résistances aux maladies par croisement.

Certains veulent nous faire croire que la nature serait le meilleur garant pour faire émerger des variétés résistantes aux aléas. Cela repose au plus profond sur l’idéologie de la sélection naturelle conçue comme « lutte pour la survie ». Ce sont les meilleurs qui survivent, donc il faut laisser faire la nature qui va éliminer les plantes faibles et « inventer » de nouvelles plantes, plus résistantes. [1] On sait les ravages que cette idéologie produit quand elle s’applique aux êtres humains, pourquoi l’accepter telle quelle quand il s’agit de semences ?

Si la diversité, la qualité, la robustesse, la productivité des semences sont des caractéristiques qui justifient un travail gestion des semences par leur sélection leur croisement…, la question est de savoir qui le fait, comment et surtout pour qui ?

Peut-on répondre a ces trois questions simplement par « le marché paysan » ? Comme si ce marché, même en supposant qu’il existe « idéalement », pouvait être un outil d’égalité ? Comment être porteur de l’intérêt général ? notamment celui des milieux populaires, des millions de familles qui ne peuvent consommer que la sous-qualité alimentaire des « hard-discounter » ? Les petits propriétaires paysans sont-ils porteurs « naturellement » de l’intérêt général ? ou est-ce le marché lui même qui serait « vertueux » ?

Face aux industriels, le paysan est contraint de vendre a bas prix pour que la plus grande valeur ajoutée possible soit accaparée par le capital. Mais seul face aux consommateurs, que fait le paysan ? Ne peut-on penser qu’il défend d’abord son intérêt propre, quitte à favoriser des prix élevés sur un volume réduit qui de fait privilégie les couches moyennes et aisées ?

Face à la loi glacée du profit qui régit le marché des semences (comme les autres marchés), la loi de la jungle de l’individualisme et l’idéalisme d’une nature « bonne » par elle même, sont des pièges mortels pour les anticapitalistes.

Les semences ne sont pas la propriété des « communautés rurales ». Elles sont un bien public, comme devrait l’être l’eau, l’air, l’énergie, l’information, la connaissance.

Le problème n’est pas la « propriété intellectuelle », qui est en France inaliénable et garantie à tout auteur de connaissance, et n’implique aucune propriété d’aucune sorte sur les objets réels qui font l’objet de la connaissance intellectuelle. Le problème est la propriété industrielle, l’appropriation privée de ces connaissances sous forme de brevet, licences ou tout autre moyen juridique d’interdire a un tiers la production de ces objets.

Défendons au contraire les idées fortes de solidarité, de coopération, de mutualisation, de services publics, bref de cette « collectivisation » qui faisait si peur dans les campagnes, quand le marché imposait ses logiques d’accumulation et de privatisation contre les tentatives coopératives ou républicaines.

Nous devons être porteur d’une perspective de sortir « par le haut » de la crise environnementale, par une approche de solidarité :

  • entre paysans pour mutualiser la gestion nécessaire des semences,
  • entre paysans, producteurs de produits transformés et consommateurs pour contribuer à la qualité des produits consommés tout en répondant à l’immensité des besoins humains, pour donner le droit au plus grand nombre a une alimentation de qualité gustative et nutritionnelle, riche et diversifiée.

Pour cela, nous devons nous battre pour un véritable service public des semences, ce qui suppose de combattre l’individualisme et le secret du marché, y compris chez les paysans qui voudraient en profiter. Proposons un nouveau type de « licence libre » sur les semences qui garantisse au consommateur la transparence nécessaire contre les appropriations et les malversations, qu’elles soient capitalistes ou artisanales, démocratisons la gestion du catalogue des semences, catalogue nécessaire à la solidarité et la transparence.

L’avenir de l’agriculture, ce n’est pas le mythe du village idéal, du petit paysan sympathique, du circuit court des quartiers chics et chers, c’est l’enjeu du développement accéléré de la science essentielle au XXIe siècle, l’écologie, pour répondre aux besoins des plus pauvres comme l’affirme la déclaration de Rio fondatrice du développement durable.

Cela ne peut se penser en dehors d’une perspective socialiste qui affirme l’exigence de nationalisation, d’outils publics de solidarité, au niveau atteint par une socialisation toujours plus large des processus de connaissance, de création, de production et de distribution, en agriculture comme dans toutes les activités économiques.

[1Pour ceux qui ont un doute, comment expliquer la destruction totale par le phylloxéra de deux millions d’hectares de vignes hétérogènes en quelques années à l a fin du 19e ? Pourquoi a-t-il fallu une intervention humaine pour créer de nouveaux croisements résistants ?

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