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6eme rencontres Internationalistes de Vénissieux 8 et 9 Novembre 2013

REFLEXIONS SUR LA MONDIALISATION

Li Qiqing, professeur et chercheur en sciences économiques au Bureau central des traductions de Chine
Tuesday 12 November 2013

La mondialisation est omniprésente. Qu’on le reconnaisse ou non, elle influence profondément la marche de l’histoire du monde. Ma contribution a pour objectif de l’observer dans son ensemble et sous ses différents aspects.

1. GENESE DE LA MONDIALISATION

La mondialisation est au fond le prolongement de la socialisation de la production. En ce sens, elle ne représente rien de nouveau dans l’histoire du monde. Marx l’avait déjà prévue il y a 150 ans. Dans le Manifeste, il dit : “par l’exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays” [1] . La bourgeoisie avait pour vocation d’établir un marché mondial unifié, débarrassé de tout obstacle aux échanges. On se rappelle à juste titre que l’économie mondiale était déjà intégrée sur le plan commercial au début du 20ème siècle. La mondialisation s’inscrit donc dans la continuité d’un processus amorcé il y a déjà 360 ans, c’est-à -dire, depuis la révolution bourgeoise, et qui a pris son élan décisif avec la libéralisation financière dans les années 80 et la fin des deux marchés parallèles (Staline) après la guerre froide. Elle correspond à une nouvelle phase de développement du capitalisme et ne fait que lui restituer sa vocation originelle, transnationale plus qu’internationale, qui est de se jouer des frontières comme des Etats, des traditions comme des nations, pour mieux soumettre toute chose à l’unique loi de la valeur.

2. CARACTERISTIQUES DE LA MONDIALISATION

Ceci dit, la mondialisation présente aujourd’hui des caractéristiques spécifiques, on en relèverait trois principales :

  • (1)La prédominance des Etats-Unis. La mondialisation se déploie dans un espace hiérarchisé. Les Etats-Unis dominent les autres en raison tant de la dimension des marchés que de l’hégémonie militaire. L’Amérique utilise des organisations internationales tels que le FMI, l’ OMC et la BM comme instruments pour réaliser ses propres fins. Elle prêche le libre-échange, tout en sachant bien se protéger et protéger ses entreprises. Elle stipule les règles du jeu et joue un rôle d’arbitre.
  • (2)L’ampleur sans précédent de la mondialisation. La mondialisation n’est pas un phénomène nouveau, mais l’ampleur du phénomène actuel n’a rien à voir avec ce que l’on a connu dans le passé, car aujourd’hui la mondialisation touche la grande majorité des activités humaines. Il ne s’agit pas seulement de mondialisation des marchés, mais de mondialisation de la production avec une très forte mobilité transnationale des facteurs (moyens de production, main-d’œuvre, capitaux) qui y participent. Par ailleurs, la mondialisation est aussi financière par la connexion en réseau des marchés obligataires et boursiers. La croissance spectaculaire des transactions financières (2000 milliards par jour !) en est une preuve des plus significatives. Elle est politique par l’aliénation et l’érosion de la souveraineté des Etats-nations. Elle est culturelle par le circuit des produits culturels à l’échelle mondiale et la diffusion des idées et des façons de penser. Elle est également écologique par la pollution qui s’aggrave de jour en jour et qui franchit toutes les frontières. Elle est enfin militaire, car l’absence de sécurité collective menace toute la planète. En un mot, elle déborde largement la sphère économique et touche presque toutes les activités humaines. L’ampleur de la mondialisation se multiplie par interaction entre la base économique et la superstructure.
  • (3)L’asymétrie de la mondialisation. La mondialisation est loin d’être universelle et homogène ; bien au contraire, une de ses particularités importantes est d’être asymétrique, car les pays qu’elle embrasse ne se trouvent pas sur un pied d’égalité. Le libéralisme préconise que le marché est le seul garant des meilleurs produits aux meilleurs prix, et donc de l’accroissement des richesses globales. Ce postulat repose sur deux prémisses fausses, car il sous-entend que tous les produits (ou services) sont de même nature et que tous les partenaires de l’échange sont à égalité. En réalité, c’est la loi de la jungle qui régit le marché. Elle profite aux plus forts tout en portant préjudice aux plus faibles. Si on faisait un bilan statistique approximatif de la mondialisation, on arriverait à la conclusion que, dans l’ensemble, elle a enrichi environ 30% de l’humanité, les 70% restants se trouvant marginalisés et exclus.

3. INFLUENCES DE LA MONDIALISATION

Tout n’est pas rose, la mondialisation est une arme à double tranchant. Si la mondialisation s’avère un excellent moteur de croissance, elle est, par contre, un mauvais instrument de distribution des richesses sociales. La production mondiale, de même que celle de la plupart des pays, augmente avec la mondialisation, mais les inégalités et la pauvreté s’accroissent également. Le monde est en phase de polarisation avec un fossé de plus en plus large entre les pauvres et les riches à l’échelle internationale.

Les chiffres sont éloquents. Au cours des trente dernières années, la part des 20% des plus pauvres dans le revenu mondial est tombée de 2.3 % à 1.4%. Dans le même temps, la part des 20% les plus riches passait de 70 à 85%. L’écart de revenu entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres a ainsi doublé, passant de 30 /1 à 60/1. La proportion d’individus habitant des pays ayant connu une croissance annuelle de leur revenu supérieure à 5% a plus que doublé (passant de 12 à 27%), mais la proportion de la population mondiale connaissant une croissance négative de ce revenu a plus que triplé, passant de 5% à 18%.

La fortune des 358 individus milliardaires en dollars que compte la planète est supérieure au revenu annuel cumulé des 45% d’habitants les plus pauvres de la planète. Les inégalités se sont aussi creusées au sein des pays. Avant la mondialisation, la solidarité sociale au sein des Etats- nations permettait à l’Etat de jouer un rôle redistributif, dans le but d’atténuer la montée des inégalités et les menaces de fracture sociale. L’impôt progressif et les politiques de lutte contre la pauvreté diminuaient quelque peu les gains des riches pour en donner une partie aux pauvres. Depuis la mondialisation, cette marge de manœuvre s’est fortement réduite car toute politique redistributive entraîne des conséquences défavorables à la compétitivité en augmentant les charges des entreprises qui, maintenant, peuvent choisir de s’établir ailleurs. La délocalisation des entreprises constitue donc une menace permanente. D’où l’affaiblissement de la position de négociation des ouvriers et du rôle des syndicats. Aux Etats-Unis, les classes inférieures ont ainsi vu leur revenu réel baisser substantiellement depuis deux décennies.

4. ATTITUDES A ADOPTER A L’EGARD DE LA MONDIALISATION

Après cette analyse dialectique, une question se pose à nous avec force : Comment affronter la mondialisation qui nous procure une occasion pour le développement et nous lance à la fois un défi sévère ? C’est une question difficile, mais à laquelle on doit impérativement trouver des réponses adéquates.

  • (1) Il ne faut pas avoir peur de la mondialisation. Il ne sert à rien de la craindre. La mondialisation est un fait sur lequel on ne reviendra pas. C’est un parcours irréversible. Je voudrais illustrer cet argument par une parabole : la mondialisation ressemble à une averse en train de tomber, pas d’imperméable pour se couvrir. Au lieu de rester passif, on doit s’y joindre et passer à l’action pour y faire face. Une des leçons historiques importantes pour les pays socialistes, c’est qu’il fallait savoir traiter d’une manière pertinente les relations avec les pays capitalistes. Déjà en 1881, Marx avait montré dans sa lettre à Zassoulitch cette possibilité : " La contemporanéité de la production occidentale, qui domine le marché du monde, permet à la Russie d’incorporer à la commune tous les acquêts positifs élaborés par le système capitaliste sans passer par ses fourches caudines.’’ [2] Bien entendu, les pays développés, notamment les Etats-Unis, disposant des technologies avancées et d’énormes capitaux occupent une place dominante dans la mondialisation, tandis que les pays en développement risquent de s’enliser dans une situation défavorable. Mais en sachant saisir l’occasion et éviter ce qui est pernicieux, ils pourraient quand même tirer le plus d’avantages possibles de la mondialisation.
  • (2) Il faut mener une lutte du tac au tac contre le néolibéralisme. La mondialisation elle-même est innocente, c’est le néolibéralisme qui est malfaisant. Il prêche le libre-échange prématuré qui pérennisera les avantages qu’en retirent les pays industrialisés. En réalité, les pays en développement ne peuvent que progresser lentement, étape par étape, vers l’instauration du libre-échange mondial. Et ils ne peuvent le faire que dans la mesure où une telle politique leur est bénéfique et non nuisible. Ils doivent protéger leurs industries naissantes jusqu’à ce qu’ils aient rattrapé leur retard. Pour le moment, les pays en développement devraient créer leurs propres blocs économiques régionaux, en libéralisant les échanges entre eux tout en négociant collectivement avec les pays développés sur les conditions du commerce et de l’investissement, ou, plus généralement, bâtir délibérément un ordre mondial dans lequel les règles du marché pourraient promouvoir l’égalité à l’intérieur des pays et entre les pays au lieu de la saper. Force est donc de contrôler les perversions du marché en tenant compte des intérêts des individus et des pays faibles.
  • (3) Il faut envisager l’avenir de la mondialisation avec l’optimisme. Si l’on analyse le phénomène de la mondialisation dans l’optique du matérialisme dialectique et historique, on arrive à la conclusion que la mondialisation est mue par la contradiction fondamentale qui existe tout au long du processus de transition du capitalisme au socialisme, à savoir la contradiction entre la propriété privée des moyens de production et la socialisation de la production, qui fera accéder le capitalisme à une société supérieure. Ainsi, le capitalisme prépare-t-il, malgré lui et à son insu, son antithèse : le socialisme. En ce sens on peut dire que la mondialisation est la sage-femme de la société suprême : le communisme. On n’a donc aucune raison d’en avoir peur, tout au contraire, on devrait l’accueillir à bras ouverts. En s’organisant et en se lançant dans le combat pour une construction citoyenne du monde, c’est un monde nouveau que l’on aura à gagner.

[1Karl Marx, Friedrich Engels, Manifeste du Parti communiste, Edition en Langues étrangères, Beijing, 1966, P.37

[2Karl Marx, Friedrich Engels, Manifeste du Parti communiste, Edition en Langues étrangères, Beijing, 1966, P.37

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