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la propriété publique est-elle nécessaire aux services publics ?

Après son 33ème congrès, le PCF ne propose plus de nationalisations
понедельник 1 Май 2006 — Последнее обновление понедельник 28 Сентябрь 2020

Dans la préparation du 33ème congrès du PCF, des débats nombreux ont portés sur les propositions utiles pour s’attaquer à la domination du capital sur le travail, et notamment sur deux formules proposées dans la base commune de discussion, la «distribution gratuite d’actions aux salariés» et la «modulation des cotisations sociales en fonction de la politique de l’emploi menée par l’entreprise». Ces deux formules cristallisent le débat sur les formes alternatives à l’actionnariat capitaliste qui tirent les leçons des expériences de nationalisation du siècle dernier.

Il est utile de constater ce que sont devenus ces deux sujets dans le texte finalement voté par le 33ème congrès et devenu donc le programme politique du PCF.

La proposition de distribution d’actions gratuites semble avoir été abandonné, le texte annonçant que «L’actionnariat salarial actuel sera mis en extinction.». Mais le paragraphe poursuit en évoquant «les distributions d’actions gratuites actuelles», qui devront être «émancipées des marchés financiers», feront l’objet de règles particulières, les titres étant «non négociables», sauf cession à des «Fonds non spéculatif dans l’entreprise géré par les salariés et leurs organisations»… En quelque sorte, il reste nécessaire de gérer l’actionnariat salarié. D’ailleurs l’épargne gérée par les assurances, FCP et autres SICAV doit être «mobilisée au service de l’emploi et d’une nouvelle croissance réelle». Cette épargne est bien sûr largement une épargne de salariés.

On n’est donc plus très sûr de comprendre ce que veut dire le texte. Sur le fonds, est-ce une bonne chose ou non que les salariés soient actionnaires, que ce soit de leur entreprise ou d’une autre ? Le capitalisme «populaire» ou des millions de salariés pèserait sur les décisions à travers leur présence dans le capital est-il un piège ou une voie possible de transformation sociale ? Le projet du PCF repose-t-il en partie sur une participation des salariés au capital ? Une forme possible de la visée communiste du PCF peut-elle être des entreprises gérées démocratiquement par des salariés-actionnaires ayant exclu du pouvoir le capital financier ?

Le texte peut paraître refuser la notion d’actionnaires dans le deuxième engagement qui annonce sans ambiguïté: «Dans la mondialisation capitaliste, le pouvoir est confisqué par le capital et les actionnaires. C’est la dictature des marchés financiers. La démocratie sociale reste à inventer pour rendre effectif le droit constitutionnel à l’emploi pour tous, qui doit primer sur l’exigence de rentabilité et le pouvoir des actionnaires.». Le constat est donc sans équivoque sur la dénonciation du rôle actuel des actionnaires. Tout le problème est bien sûr de définir ce que peut être cette démocratie sociale qui doit faire primer l’emploi sur la rentabilité. Repose-t-elle sur un rôle nouveau des actionnaires, et parmi eux des salariés ?

La question est d’autant plus pertinente que le texte porte un jugement ambigu sur l’alternative classique de la «nationalisation» en écrivant - «Une propriété publique étendue, si elle ne suffit pas comme l’a montré les dérives de l’étatisation, reste toutefois indispensable». Ces «dérives de l’étatisation», semblent porter entre autres sur l’expérience des nationalisations en France. Mais comment combattre ces dérives ? Et s’agit-il de combattre ces dérives ou l’étatisation elle-même ? La phrase suivante est indicative. Pour «contrer la puissance des marchés financiers», «l’Agence des participations de l’Etat, démocratique, transparente et représentative, aura deux finalités fondamentales : sécuriser et promouvoir l’emploi, la formation et la recherche dans les entreprises au capital desquelles l’Etat participe ; développer les territoires en répondant efficacement aux besoins de leurs populations". La réponse aux dérives est donc le rôle d’une agence des participations de l’état, clairement considéré comme un actionnaire, dont les participations à coté d’autres actionnaires sont contrôlées par cette agence.

On très loin de la nationalisation qui faisait de Renault à la sortie de la guerre une régie nationale avant sa transformation en SA en 1990 par Michel Rocard premier ministre puis sa privatisation en 1996 par la droite, très loin des arsenaux d’état qu’il a fallu «désétatisé» en 1990 (par la gauche) après le regroupement en 1971 (par la droite) des activités industrielles du ministère de la défense en un groupement (le GIAT) qui passera de 17000 salariés a 2500 aujourd’hui très loin encore d’EDF dont le statut d’établissement public issu de la loi de nationalisation dfe 1946 a du être transformé en société anonyme selon les accords de Barcelone (Jospin), mis en œuvre il y a peu (Sarkozy..) pour qu’on puisse parler d’actionnaires…

En fait, le texte n’utilise strictement jamais le mot de «nationalisation». Le rejet des «dérives» de l’étatisation a donc emporté le bébé avec l’eau du bain, le PCF ne propose plus de nationalisations comme forme d’appropriation sociale.

Pourtant, le texte affirme : "Dans chaque grand secteur relevant du service public, il y a besoin de maintenir ou de créer un opérateur public fonctionnant sur des principes en rupture avec ceux des groupes privés". Mais alors qu’est-ce qui caractérise un opérateur public ? un actionnariat public important, majoritaire ? Sous quelle forme sans nationalisation ? Une «agence de contrôle de l’état» suffit-elle à assurer son caractère public quelquesoit la part d’actionnariat public ?. Qu’est-ce qu’une «propriété publique» et comment passer d’une propriété «privée» a une propriété «publique» sans nationalisation ? Le texte ne répond pas puisque le mot de «propriété» n’est utilisé qu’une seule fois pour parler de «propriété publique».

Jean-Claude Gayssot avait comme ministre défendu l’idée que l’introduction d’actionnaires privés minoritaires n’était pas une privatisation. On se demande finalement si dans cette logique, la propriété publique ne serait pas conciliable avec un actionnariat privé ? En tout cas, cette idée est proche de celle très répandue que l’essentiel sont les engagements de services publics que peut prendre même une entreprise privée.

De fait, ce qui nous est proposé est bien dans la poursuite de cette vieille idée que la propriété n’est pas l’élément déterminant et qu’au contraire, ce sont les objectifs et la démocratie de la gestion qui sont essentiels, quelque soit la forme de propriété publique ou privée. Cette idée est d’autant plus dangereuse que son aboutissement est le Blayrisme qui privatise à tour de bras pour assurer une meilleure efficacité au service du public, y compris ce qui semble rester en France trop symbolique, le système scolaire primaire.

Comme il faut bien dire comment on peut faire du public sans remettre en cause la propriété privée, on insiste à plusieurs reprises sur les droits des salariés. «Nous proposons de donner de nouveaux droits, de nouveaux pouvoirs aux salariés, de créer un système de Sécurité d’emploi ou de formation pour chacun-e (SEF)» ou encore de manière plus fondamentale «La citoyenneté à l’entreprise sera constitutionnelle, avec des droits d’intervention et de décisions des salariés et de leurs organisations et institutions représentatives, dans la gestion des entreprises». Mais la formule montre bien que si les salariés ont des droits, c’est pour se défendre contre la précarité avec la SEF ou pour intervenir dans la gestion, donc dans une gestion qui n’est pas la leur de droit car elle n’est pas encore leur propre propriété. Cette gestion reste un compromis entre travail et capital dont la propriété n’est pas mise en cause, Ces droits sont donc des droits dans le cadre du système capitaliste. Ils sont certes indispensables comme support de l’action, de la mobilisation, de la négociation et finalement du compromis dans le cadre de rapports des forces entre capital et travail, mais comment peuvent-ils être le projet communiste alternatif au capitalisme ?

Traiter réellement la question de la propriété et donc du mode de gestion lui-même suppose de combattre cette illusion que la gestion serait séparée de la politique, que l’entreprise serait une entité par elle-même, pour elle-même, alors qu’elle n’est qu’une forme d’organisation sociale dans laquelle des êtres humains, fournisseurs, salariés, clients, usagers, voisins… ont des intérêts et des engagements, forme d’organisation qui peut être remplacée par d’autres.. Qui se demande s’il faut trouver des actionnaires à l’école ? L’école, l’hopital, le théatre… sont-ils des «entreprises». Et quelle différence avec une centrale électrique, un réseau de transport, un éditeur de logiciel, ou même une entreprise de fabrication et maintenance d’ascenseur ?

Réduire l’entreprise a ce qu’elle est dans le capitalisme conduit à un piège concernant les salaires et les cotisations sociales. Car si ce n’est pas la propriété qui est à la base de l’exploitation, alors une «autre gestion» serait possible, tout comme certains pensent qu’une «autre politique» est possible dans le capitalisme. On cherche alors à favoriser les bonnes gestions d’entreprises que ce soit par l’impôt : «Le barème de l’impôt serait progressif. Son taux serait modulé selon la part des bénéfices réinvestis dans la modernisation de l’outil de travail et la recherche avec un progrès de l’emploi, des salaires, de la qualification, tandis que la part distribuée aux actionnaires et/ou placée sur les marchés financiers serait pénalisée» Là encore, le pouvoir des actionnaires de décider des investissements est simplement «régulé» par une taxation différenciée. Mais les actionnaires sont toujours là avec leurs intérêts propres, leurs moyens, leurs médias pour conforter leur bataille contre le travail. Et le capitalisme a déjà produit ses experts pour jouer des lois et des règlements (il existe ainsi une raison sociale «optimiseur de coûts sociaux»), il continuera à le faire et comme toujours les plus gros s’en sortiront toujours mieux !

Cette illusion conduit de la même manière à oublier que les cotisations sociales sont du salaire et donc à proposer de moduler les cotisations… donc le salaire total, en fonction de la politique de l’entreprise ! Le texte réaffirme «A l’opposé des politiques systématiques d’exonérations de cotisations, nous affirmons le besoin d’une extension du montant de ces prélèvements, tant par l’augmentation de certains taux de cotisation, par la croissance de l’assiette salaires, par la création d’une assiette supplémentaire sur les profits financiers des entreprises, par des outils de modulation poussant à faire croître la base emploi et qualifications, par l’extension de mécanismes de bonus/malus, mais aussi par la création de cotisations nouvelles»

Mais si cette modulation semble si efficace pour «peser» sur la politique du patronat, c’est bien parcequ’on croit que le patronat peut choisir de mener une politique plus ou moins «sociale», qu’on ne voit pas que les entreprises de main d’œuvre et les entreprises à fort actif ne sont différentes que de leur position dans l’organisation technique du travail et certainement pas de la nature de leur capital ou de leurs actionnaires, que très souvent, c’est le même patronat qui joue des répartitions de marge entre secteurs pour optimiser ses impôts en se jouant des «régulations» que prétendent lui imposer ces réformes…

En résumé, on ne peut mettre en cause le capitalisme sans mettre en cause la propriété privée, on ne peut combattre la précarité et l’exploitation sans remettre en cause les logiques d’investissements et de marché, les choix technologiques et de partenariat, on ne peut construire d’appropriation sociale sans exclure le capital de la recherche de sa reproduction élargie, donc sans le priver du droit d’exister pour lui-même. Si le capital en tant qu’accumulation de moyens n’est plus le support d’une classe sociale mais l’outil de la décision politique des citoyens, il ne peut appartenir de manière fractionnée à des actionnaires, mais il doit comme l’eau, l’énergie ou l’espace être un «bien public» inaliénable ! La nationalisation qui donne la propriété des composantes essentielles du capital au peuple est un outil essentiel d’un projet communiste. L’expropriation des actionnaires principaux est une exigence pour renverser le rapport des forces et saper les bases du pouvoir de la grande bourgeoisie. Cela ne règle en rien la question concrète de l’appropriation sociale, de la démocratie sociale dans les décisions technologiques et économiques, mais cela leur est un préalable indispensable.

Sur ces deux sujets, la conférence fédérale du rhône avait modifié le texte de la base commune a la quasi unanimité, rejetant et la modulation des cotisations sociales et la notion d’actionnariat salarié. Michel Laurent, représentant la direction nationale, avait tenté de défendre le texte, puis Louis Levêque, adjoint au maire de Lyon. Visiblement, ils étaient les seuls à être «dans le coup du 33ème congrès» !

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