- La France n’est certes pas, en matière de déliquescence de la force communiste organisée, un cas unique. Parmi ceux des PC qui jouaient dans la cour des grands dans un pays capitaliste, la dégringolade italienne est plus spectaculaire encore : une influence énorme en 1960, la mutation en une chose («a cosa) à peine réformiste en fin de siècle, et l’effondrement des communistes de»Rifondazione«, punis d’avoir cédé au crétinisme ministériel en compagnie d’une gauche convertie au»marché", à l’Europe des capitaux, voire au cléricalisme. Pour la première fois depuis l’exécution de Mussolini, il n’y a plus aucun communiste au parlement à Rome, et l’héritage de la résistance antifasciste est tous les jours démantelé.
- Certains PC européens tentent la renaissance en se diluant dans un fourre-tout politique où des communistes côtoient écolos antinucléaires, sociaux-démocrates de gauche et pacifistes prédicants. Cela peut marcher électoralement un temps comme en Allemagne, Die Linke s’y nourrit des souvenirs nostalgiques de la défunte RDA.
Mais cela n’a qu’un temps : déjà l’alignement opportuniste de Die Linke sur les sociaux-démocrates à Berlin s’est traduit par une baisse de son influence, notamment dans les milieux ouvriers de l’Est de la capitale.
- En fait, on fait le même constat de déclin partout où la tactique dite «d’union de la gauche» a abouti à une allégeance au réformisme : en Espagne, «Izquierda Unida», avatar opportuniste du PC espagnol d’autrefois, fait des scores électoraux infimes.
- Les manifestations dites «d’indignés» en Espagne sont révélatrices à plusieurs titres : certes, elles expriment une prise de conscience des méfaits du capitalisme, mais elles ont été surmédiatisées par les télés dévouées au capital parce qu’elles se disaient réfractaires à tout syndicat, à toute organisation politique. Elles révèlent en tout cas l’incapacité des communistes espagnols de mobiliser des volontés anticapitalistes (1)
- Les seuls PC européens qui conservent une influence forte sont ceux ancrés dans leur identité communiste, et qui savent aussi animer les luttes sociales et politiques, au-delà des compétitions électorales : c’est le cas avant tout aujourd’hui du PC grec (KKE), acteur essentiel à Athènes face à un gouvernement d’austérité imposé par l’Europe supranationale. C’est le cas aussi du PC portugais, actif dans les luttes malgré quelques difficultés électorales ; c’est le cas aussi du Parti Belge du Travail, au passé maoïste, mais devenu un parti marxiste très présent dans les luttes sociales et contre le séparatisme d’extrême droite en Flandre, même si le système électoral en vigueur lui donne peu d’élus.
- Dans les pays qui ont restauré le capitalisme après 1989, les ex-PC au pouvoir d’Europe de l’Est se sont convertis pour la plupart au réformisme européen le plus plat, aux vertus conjuguées du marché et de l’OTAN, et certains de leurs cadres ont endossé sans états d’âme les habits de manager du capital. De Sofia à Varsovie, en passant par Budapest ou Tallin, ces «ex» avides de pouvoir disposés à tous les reniements, ont donné des arguments à l’extrême droite, et disqualifié pour des décennies l’idéal communiste. En Pologne, en Bulgarie, en Ukraine, en Yougoslavie, Albanie, Croatie, Slovénie, les organisations réellement communistes sont des petits groupes courageux, sans grande influence. En Hongrie, le PCH renaissant est encore très impuissant face aux «ex-communistes» qui, par leur soutien à l’Europe supranationale et à la régression sociale ont préparé le terrain à le droite xénophobe, aujourd’hui au pouvoir.
- De ce naufrage surnagent pourtant les PC Tchèque et de Russie, qui parviennent parfois à 20% des électeurs. Mais ils sont souvent tiraillés entre un rôle efficace d’animateurs des luttes populaires et pour la paix, et les nostalgies inefficaces d’un «socialisme réel» qui avait, certes, bien des qualités mises à mal depuis (le plein emploi par exemple) mais ne fait guère rêver les jeunes générations : ses erreurs bureaucratiques ont durablement discrédité l’idée même du communisme dans une partie des peuples d’Europe ; de plus, les communistes sont criminalisés par les gouvernements d’Europe centrale et de l’Est et les médias à leurs services. Dans cette partie de l’Europe, citons le cas particulier du PC de Moldavie qui conserve une forte influence et frôle la majorité électorale, parce qu’il incarne la défense de l’indépendance moldave menacée par le nationalisme roumain.
- Dans ce contexte, on ne peut prévoir les échéances d’une renaissance nécessaire des PC d’Europe ; on peut simplement l’affirmer possible si nous nous en donnons la peine ensemble. Quelques signes positifs apparaissent timides : de bons résultats électoraux récents en Lettonie ; les tentatives qui se dessinent en Italie de la reconstruction d’un parti communiste.
- Le chemin du renouveau est encore très long et ardu : raison de plus pour ne pas snober les efforts courageux de tous ceux qui se battent partout en Europe pour la reconstruction d’une force communiste. En ce sens, on ne peut que regretter le choix politique de la direction du PCF de refuser systématiquement de participer aux rencontres internationales des organisations communistes. Ainsi, les 11 et 12 Avril 2011, 37 organisations communistes d’Europe se sont retrouvées à Bruxelles pour condamner l’agression impérialiste contre la Lybie, sans le PCF. Les arguments avancés par les responsables du PCF pour refuser sont inacceptables : «on ne mêle pas sa voie à celle des groupuscules non représentatifs». Absurde : comment parler de groupuscules quand il s’agit du PC de Biélorussie, du PTB de Belgique, de l’AKEL de Chypre dont le président de la République Chypriote est membre, du PC Tchèque, du KKE Grec, du PC de Russie, du Parti du Travail de Suisse, du PC Ukrainien… «Nous avons des désaccords» m’a-t-on dit. Mais depuis quand les divergences entre communistes empêchent-elles la discussion et l’action commune pour la paix?
- En fait, ce refus du PCF relève d’un choix politique dramatiquement erroné, confirmé par sa participation au «Parti de la Gauche Européenne», qui approuve dans ses statuts «l’Europe supranationale», alors que depuis sa naissance, elle n’est que l’instrument du capitalisme contre les peuples. De plus, ce PGE se fixe pour objectif de réunir avec des partis communistes, d’autres qui relèvent de la social-démocratie ou des verts, sur des objectifs politiques communs, qui ne peuvent être que réformistes.
Un choix politique que les communistes soucieux de promouvoir leur idéal ne peuvent accepter. La solidarité militante entre les communistes d’Europe et du monde, pour combattre et vaincre le capitalisme et l’impérialisme, est un impératif absolu.
(1) Les élections législatives espagnoles du 20 novembre 2011 l’ont malheureusement confirmé, quoi qu’on en ait dit. Le Parti socialiste, coupable d’avoir parrainé le chômage et la régression sociale a perdu 4 millions et demi d’électeurs. Izquierda Unida, «Front de gauche» réunissant écologistes et communistes, n’en a récupéré qu’une petite partie (environ 500.000 voix) même si cela a quasiment doublé son pourcentage (passé de 3,6% à plus de 6%).