Nous, républicains convaincus, issus de divers horizonsNous qui pensons que «notre» République est aujourd’hui menacée, fatiguéeNous qui souhaitons la défendre, et qui souhaitons défendre aussi en son sein la culture, l’éducation, l’environnement, la justice et la laïcitéNous qui hésitons entre plusieurs voies envisageablesPremièrement, la rénovation de la cinquième République, purement et simplement, avec un ravalement obligé de ses façades (Constitution, institutions…)Deuxièmement, l’invention d’une nouvelle ère, avec la création d’une sixième République et tout ce que cela implique d’audace et d’imaginationNous par-delà nos différencesNous qui pensons que la démocratie est en dangerNous, citoyens ordinaires, électeurs, militantsNous, encore, citoyens responsables, motivésNous sommes convaincus que non seulement tout est toujours possible, mais que tout reste à faire, à bâtir ensembleNous, individus «solitaires et solidaires»Nous qui refusons les récents basculements dans l’imaginaire collectifNous qui pensons que le valorisant doit rester le peuple, la nation, l’État, et non être remplacé par l’argent ou l’aventureNous qui pensons que les finances publiques sont un moyen, et non une fin en soiNous sommes convaincus que les visions, les perspectives et les projets doivent reprendre leur place à table, en politique comme ailleursDans un pays «moderne» comme le nôtre, les comptables ne doivent plus, à eux seuls, détenir tous les pouvoirs entre leurs mainsNous pensons, pareillement, qu’il y a forcément un lien de réciprocité entre la crise morale et la crise économiqueUn pays tout entier absorbé par l’économie, loin de décourager le fanatisme et la violence, les provoqueLa jeunesse des banlieues, celle qui s’enrôle dans le «djihad» notamment, a perdu toute raison de vivre et d’espérer, ainsi que sa place sur placeElle n’a pas trouvé une cause avec du sensUne société qui propose, en guise d’accomplissement, la course au fric et le «chacun pour soi» est un cadeau offert à l’obscurantismeNous rejetons les politiques qui bornent leur horizon au respect du seul taux de croissanceNous demeurons convaincus que l’imaginaire, les idéaux et les passions ne sont pas solubles dans le pouvoir d’achatNous souhaitons, à notre niveau, proposer un horizon de dépassement à la société française dans son ensembleNous, qui demeurons épris de liberté, d’égalité et de fraternitéEt si nous refusons de songer avec nostalgie à la grandeur de notre pays, nous nous dressons contre la liquidation de toutes les conquêtes sociales et politiques du passéAttention ! Rien n’est moins progressiste que le mépris du passéSans passé, sans 1789, sans 1848, sans la Commune, sans 1936, sans le CNR et Les Jours heureux, pas de futurToutes les renaissances sont des ressourcementsCeux qui ont oublié n’ont pas d’avenirL’ère du vide actuel est caractérisée par l’écroulement des mythes, celui de l’Europe sociale en particulierNous pensons que la construction européenne n’est pas incompatible avec l’avènement d’un socialisme démocratiqueNous pensons que la soumission à la mondialisation libérale réduit le citoyen au consommateurNous revendiquons le fait d’être depuis toujours passés par la vie, l’exil, le monde et la bagarreL’État, qui a perdu toute estime de soi et qui tourne le dos à la France périphérique, perd aujourd’hui sur tous les tableauxDans ce pays comme ailleurs, dans ce pays comme partout, il n’y aura pas de renaissance sans une réappropriation de l’histoire, toute l’histoire, et sans une réappropriation de la langue, de notre langue qui chaque jour davantage s’appauvritLa question du mieux doit cesser d’être enfouie sous la question du plusLa République est fatigué, la République est menacéeNous devons absolument la réinventer
Thierry Renard [Vénissieux, le 2 décembre 2014]