Il y a bien sûr des raisons électorales et politiques à ce résultat. C’était la première campagne électorale nationale du PCF depuis 12 ans. Le PCF avait obtenu 3,37% avec Robert Hue en 2002 et 1,93% avec Marie-Georges Buffet en 2007. Le résultat de 2,5% de Ian Brossat ne marque pas de vrai redressement, mais il dément tous ceux qui annonçaient la disparition du PCF. Il est trop tôt pour parler du retour, mais le PCF frappe à la porte.
Pour beaucoup d’électeurs en colère contre une société inégale et injuste, en colère contre toutes les droites, Macron, Wauqiez ou Le Pen, en colère aussi contre un parti socialiste qui porte une responsabilité historique dans l’échec de la gauche, la figure de Mélenchon reste la première image de la contestation, notamment dans les nouvelles générations. Beaucoup de ceux qui faisaient l’électorat communiste ont pris l’habitude de voter Mélenchon, tout comme d’ailleurs il y a 40 ans, beaucoup de travailleurs avaient pris l’habitude de voter socialiste… Ian Brossat a bien raison d’affirmer que nous n’avons pas d’ennemi à gauche, que les communistes sont les premiers artisans du rassemblement populaire, dans les luttes comme dans les élections locales. C’est justement pour cela qu’ils ont besoin de plus de forces, militantes comme électorales.
Il faut mesurer l’ampleur de la bataille médiatique, d’un coté pour enfermer le débat dans la fausse alternative Macron-LePen, de l’autre pour capter ceux qui refuse ce faux duel dans un vote pour une urgence climatique sans contenu. Rappelons-nous la violence contre les manifestations de lycéens en novembre et le soutien institutionnel et médiatique aux marches lycéennes pour le climat en avril-mai… C’était un piège à trois branches, le RN pour stériliser le vote populaire, LREM pour capter toutes les bourgeoisies, et EELV pour capter la gauche urbaine… Cette bataille a eu comme conséquence de réduire toute les forces de gauche, les verts commençant immédiatement à se placer au centre !
Mais au fonds, les communistes savent qu’il y a une raison stratégique à ce résultat décevant, et elle apparait avec force dans les études sociologiques du vote. Le PCF ne mobilise à cette élection que 1% des électeurs ouvriers, 4 fois moins que la France Insoumise, sans parler de l’abstention ou du vote RN… C’était une des questions du 38eme congrès du PCF, mais il ne suffit pas d’avoir conscience d’un tel défi pour le relever, encore moins pour le gagner. Ce devrait être le sujet principal de discussion du PCF. Il ne suffit pas de proposer d’élire une ouvrière au parlement, il faut que les ouvriers, les travailleurs en général, se reconnaissent en tant que classe sociale qui a besoin de ses propres représentants, besoin donc d’un parti, non pas seulement pour avoir un député, mais pour avoir ses propres dirigeants dans une bataille sociale difficile face au patronat. Que pensent les grévistes de l’entreprise JST à Lyon, qui ont du se résoudre à reprendre le travail quelques jours avant l’élection, sans rien avoir obtenu ? Les communistes les ont évidemment soutenus, mais comment les aider à prendre conscience de leur propre rôle ? La question fondamentale est bien celle de la nature d’une autre société, de la difficulté des communistes à dire clairement au monde du travail que leur projet n’est pas seulement un autre fonctionnement de la république. Comment dire aux travailleurs qu’ils sont ceux qui doivent exiger une autre société, une société dans laquelle ce ne sont plus les capitalistes qui dirigent. Nous ne pouvons pas ne pas dire clairement que ce n’est plus une société capitaliste? Pour comprendre l’originalité des communistes, leur utilité et donc leur différence avec les écologistes, insoumis et socialistes, il faut réaffirmer que nous travaillons pour le socialisme. Cela devient une exigence politique!
Dans ce projet de société, le enjeux économiques et démocratiques doivent être centraux. Le PCF doit mener la bataille des idées contre le catastrophisme écologique qui conduit trop de citoyens à considérer que l’urgence est de 「sauver la nature」 et non pas de défendre nos droits au logement, à la mobilité, à l’accès à la culture, à l’éducation, à la santé. Non, l’écologie n’est pas un choix politique, mais la science du socialisme du XXième siècle, pour une société qui maitrise son empreinte sur la nature, mieux, qui 「cultive」 la nature, notre seul lieu de vie. Longtemps, les agronomes soviétiques ont développé une 「bio-agriculture」 basée sur la qualité des sols, avant de se laisser envahir par l’agrochimie importée du capitalisme. Pour 「sauver la planète」, il faut faire comprendre que l’urgence est de faire reculer la domination du capitalisme!
L’enjeu pour les communistes est bien de faire vivre la réorientation décidée au 38eme congrès ! Ils l’on fait dans cette campagne, avec leurs forces, qui sont insuffisantes, mais chacun a pu remarquer les progrès dans l’unité des communistes. Ceux qui sont restés sur le coté, parce-qu’ils souhaitaient un accord avec les socialistes ou avec les insoumis, ne peuvent que le constater. C’est un premier succès du congrès. Mais il révèle aussi la réalité de l’affaiblissement du parti dont le texte du 「manifeste」 demandait avec raison un vrai bilan. Et il confirme que sur trop de sujets, les idées communistes, et leur fondement scientifique, sont peu visibles, largement méconnues, au-delà de généralités humanistes qui n’aident pas les travailleurs à comprendre notre originalité. Que dit aux travailleurs ce slogan 「l’humain d’abord」 hérité du Front de Gauche et que tout le monde peut revendiquer? Ian Brossat avait présenté sa colistière par une formule choc 「l’ouvrier d’abord」. Au-delà de la formule, c’est une question de fonds posée aux communistes. Comment redevenir le parti de ceux qui n’ont rien d’autres à perdre que leurs chaines ?