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6e rencontres Internationalistes de Vénissieux 8 et 9 Novembre 2013

LE DEVELOPPEMENT DU SYNDICALISME EN CHINE

Zhang Wencheng, Bureau central de traduction à Beijing
Mardi 12 novembre 2013

On recense actuellement en Chine 2 665 000 organisations syndicales de base, qui comptent 280 millions de membres : c’est la plus grande organisation de masse du pays, et la plus grande organisation syndicale au monde. En tant que force importante dans l’édification et le développement du socialisme à la chinoise, les syndicats jouent un rôle important dans la vie économique, politique et sociale du pays. Nous allons exposer ici brièvement la question des syndicats en Chine en nous concentrant sur trois points : (1) l’évolution et les caractéristiques des syndicats chinois, (2) la situation actuelle des syndicats en Chine ; (3) les problèmes rencontrés par le syndicalisme en Chine et ses mutations novatrices.

1. L’EVOLUTION ET LES CARACTERISTIQUES DES SYNDICATS CHINOIS.

Le développement des syndicats chinois est à l’image du développement du socialisme en Chine : un long chemin sinueux. Les débuts de la république populaire de Chine se caractérisent par la coexistence des secteurs public et privé au sein de l’économie, par l’inachèvement des institutions gouvernementales, et aussi par la très grande importance accordée aux syndicats. En 1950 voit le jour la première loi syndicale. Mais lorsque le gouvernement commence à fonctionner à plein régime et qu’en particulier l’économie planifiée est introduite dans le pays, la position de la confédération syndicale panchinoise (ACFTU) s’affaiblit, et le rôle des organisations syndicales à la base est cantonné dans trois fonctions : la production, la vie quotidienne et l’éducation. Durant la période de la Révolution culturelle, comme on met exagérément l’accent sur la direction du parti et le rôle de pont et de courroie de transmission des syndicats, ceux-ci deviennent de simples fantoches.

Après la réforme et l’ouverture, en particulier après la transition vers une économie de marché, à la faveur de la recomposition économique et de la diversité des intérêts, et de la nouvelle complexité des relations de travail, les syndicats sont de nouveau pris au sérieux. La nouvelle loi sur les syndicats de1992 et sa révision de 2001 redéfinissent les droits et les responsabilités syndicales, ainsi que la nature de leurs activités. Les activités syndicales se redéploient alors conformément à la loi et prennent plusieurs caractéristiques uniques, propres à la Chine.

  • Primo, les syndicats chinois acceptent la direction du Parti communiste et respectent strictement les « quatre principes cardinaux". Ces principes sont gravés dans la loi sur les syndicats et les statuts des syndicats. Les organisations syndicales sont contrôlées par les comités du Parti de même niveau et par la structure syndicale de niveau supérieur, étant entendu que le comité du Parti a le dernier mot.
  • Secundo, il existe une organisation nationale unique en vertu du principe du centralisme démocratique. Sa structure se subdivise en trois niveaux : province, région et district. Le congrès national des syndicats et le comité exécutif de la confédération chinoise des syndicats (ACFTU) qui en émane sont les organes de direction suprêmes du syndicalisme chinois.
  • Tertio, les syndicats sectoriels et les syndicats locaux fonctionnent en binôme. La création de syndicats sectoriels nationaux est soumise à l’approbation de l’ACFTU. La Chine compte actuellement dix syndicats sectoriels nationaux, dont trois appliquent déjà le nouveaux système de direction bicéphale mais avec prédominance du syndicat sectoriel, et sept avec prédominance du syndicat local.
  • Quarto, l’accent est mis sur la nécessaire harmonie entre les intérêts des travailleurs et employés d’une part et l’intérêt général de l’autre. Les syndicats, en sauvegardant l’intérêt général, sont censés mieux représenter et défendre les intérêts des travailleurs. Il est inadmissible en Chine que les syndicats poursuivent des intérêts égoïstes au dam des intérêts de la collectivité.
  • Quinto, les syndicats jouent un rôle important dans le développement économique et social. Les syndicats doivent se mobiliser et organiser les travailleurs pour qu’ils participent activement à l’édification du pays et à la réforme. Ils font tous leurs efforts pour promouvoir le développement national dans les domaines économique, politique, culturel et social. Sexto, les syndicats s’appliquent à établir des relations de travail harmonieuses et à résoudre les conflits du travail par la négociation et dans le respect de la loi en renonçant à tout extrémisme dans leurs moyens.

Telles sont les principales caractéristiques des syndicats chinois. Elles sont le fruit des recherches faites par les syndicats pour mieux "coller" aux particularités du développement national. Cela explique les différences très nettes qui existent entre les syndicats chinois et ceux de l’URSS, ou encore ceux des pays industrialisés de l’Occident.

2. LA SITUATION ACTUELLE DES SYNDICATS EN CHINE

Les fonctions principales des syndicats chinois sont : représenter et défendre les droits et intérêts légitimes des travailleurs ; organiser les travailleurs pour qu’ils participent à la prise de décision, à la gestion et au contrôle démocratiques de leur unité de travail ; mobiliser et organiser les travailleurs pour qu’ils participent à la réforme et à la construction du pays, et s’efforcent de réaliser les diverses tâches à eux confiées ; former les travailleurs afin qu’ils améliorent continuellement leur éthique professionnelle, leur compétence technique, leurs connaissances scientifiques et leur bagage culturel. Au cours des dernières années, les syndicats ont connu un grand développement dans tous les secteurs. Nous insisterons ici sur les développements récents qu’ont connus les syndicats sur les plans de l’organisation, de la négociation collective et de l’établissement de relations de travail harmonieuses.

(A) Développement et nouveautés dans les organisations de base

À la fin juin 2013, le nombre d’organisations syndicales nationales de base s’élevait à 2 753 000, couvrant 6 378 000 unités de travail. Le taux de syndicalisation du personnel était de 81,1 %. Cela représente 280 millions de personnes affiliées. Les syndicats paysans comptent quant à eux 109 millions de membres, soit plus de 40 % du nombre total des travailleurs ruraux, qui sont 260 millions en Chine.

  • Premièrement, le syndicalisme commence à percer dans les entreprises étrangères. En 2006, les travailleurs du magasin de la chaîne Wal-Mart à Jinjiang (province du Fujian) ont créé leur syndicat, mettant ainsi fin à la résistance acharnée de la multinationale américaine à tout essai d’organisation de son personnel. Par la suite, tous les magasins Wal-Mart à travers la Chine se sont dotés d’un syndicat. En 2012, parmi les 3 053 entreprises installées en Chine par les 500 plus grosses firmes commerciales du monde, 91,9 % possédaient un syndicat.
  • Deuxièmement, on constate un essor des fédérations syndicales à la base. Au cours des dernières années, les syndicats et les petites entreprises non publiques ont travaillé à établir au niveau des districts des fédérations syndicales à caractère régional ou sectoriel. On observe en particulier dans les petites et très petites entreprises de moins de 25 salariés un développement fulgurant des organisations syndicales. Il existe désormais 121 400 fédérations syndicales, implantées dans 3 129 700 petites et très petites entreprises ; 40 000 organisations syndicales au niveau des bourgades ou des quartiers, et près de dix mille fédérations à ces mêmes niveaux. Ont également apparu des syndicats nouveaux comme les syndicats de marché, les syndicats de projet, les syndicats de bâtiment et les fédérations syndicales des secteurs agricoles. On voit donc se former à l’échelle nationale un réseau à trois niveaux : bourgades ou quartiers, villages et petites entreprises.
  • Troisièmement, on recrute des syndicalistes de métier afin de mettre de l’ordre dans les syndicats. Ces dernières années, l’ACFTU a recruté plus de 30 000 professionnels. Ceux-ci remplissent les fonctions de président ou de cadre au sein des organisations syndicales de base et dans les fédérations, où ils font pour les travailleurs des petites entreprises non publiques ce que les anciens syndicalistes n’osaient ou ne pouvaient pas faire, ce qui a permis aux syndicats de cesser d’être des organisations fantoches.

(B) La négociation collective comme principal moyen

Grâce à la mise en œuvre de la loi sur le contrat de travail, les syndicats ont redéployé leur activité en la centrant sur la négociation collective, faisant des progrès significatifs dans ce domaine.

  • Premièrement, la portée de la négociation collective a été étendue. À la fin septembre 2012, un total de 2 245 000 conventions collectives avaient été signées ; dans plus de 70% des 31 provinces, régions autonomes et municipalités relevant directement du pouvoir central du pays ont été conclus des accords salariaux sur la base de négociations entre syndicats et employeurs. Cela représente un total de 5 792 000 entreprises, soit une augmentation de 978,6 % par rapport à 2003 ; le nombre de travailleurs couverts est de 26 719 700, soit une augmentation de 298,4 %, toujours par rapport à 2003.
  • Deuxièmement, les négociations salariales collectives sont au cœur de la négociation collective. À la fin septembre 2012, 1 229 000 accords salariaux collectifs avaient été conclus. Ils couvrent 15 029 500 travailleurs dans 3 081 000 entreprises, ce qui représente, par rapport à 2003, une augmentation de 951,5 % et de 320 % respectivement. Plus de 90 % des 500 plus grosses entreprises mondiales en Chine ont mené des négociations collectives sur les salaires.
  • Troisièmement, les négociations salariales collectives sectorielles sont devenues une priorité. À la fin septembre 2012, on avait signé 208 000 contrats collectifs sectoriels dans 970 000 entreprises, concernant 3 761 800 travailleurs, soit une augmentation de 420 % , 623,9 % et 202,5 % par rapport à 2003.
  • Quatrièmement, on a amélioré le système des négociations salariales collectives, et la compétence des négociateurs s’est améliorée. À la fin de 2012, le pays comptait 14,9 millions d’experts en matière de négociation collective, dont plus de 2 000 à plein temps. Cinquièmement, un mécanisme tripartite à la chinoise pour la coordination des relations de travail a été mis en place pour l’essentiel. En 2001, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et l’ACFTU ont créé, de concert avec l’Association chinoise des entreprises et l’Association des entrepreneurs chinois, un système de concertation à trois pour harmoniser les relations du travail. Depuis lors, ce mécanisme tripartite n’a cessé de s’étendre. À la fin août 2012, 17 193 structures de concertation à tous les niveaux avaient déjà vu le jour, dont 419 au niveau des villes (préfets), 3 556 au niveau des districts (villes), et 13 078 au niveau des quartiers (communautés). Actuellement, toutes les villes (préfets) de Chine en possèdent. Ce mécanisme tripartite joue un rôle de plus en plus important dans l’élaboration des lois et des politiques, dans la coordination des positions et les échanges d’information, dans l’établissement de mécanismes, dans la médiation de conflits, dans le conseil et dans la surveillance de l’application de la loi.

© Créer des relations de travail harmonieuses dans les entreprises.

Créer des relations de travail harmonieuses vise à promouvoir le développement global du pays et les solutions gagnant-gagnant, ainsi qu’à favoriser l’expansion des entreprises. Les actions en vue d’instaurer des relations de travail harmonieuses ont commencé en 2006. À ce jour, les activités de ce type au niveau des villes et des régions ont atteint le nombre de 407 (99,26 % du total) ; dans les districts et les petites villes, on en a recensé 2 827 (95,21 %). Le nombre d’entreprises et de parcs industriels participant à ces initiatives s’élève à 996 000 et 3 324 respectivement.

À la fin 2008, l’ACFTU et la structure tripartite de concertation ont lancé des négociations réunissant syndicats, employeurs et travailleurs dans les régions de la façade côtière du pays afin de parvenir à des « accords communs ». Selon les situations, on a encouragé les entreprises à ne pas licencier du personnel, à en licencier moins, à ne pas réduire les salaires, à les réduire dans une moindre mesure, ou à les renégocier avec les travailleurs. À la fin 2009, le nombre des actions menées afin d’arriver à des accords communs dans ces entreprises avaient atteint plus de 630 000, couvrant 8 427 900 travailleurs, soit 45,6 % des salariés des entreprises. À la fin 2009, la Chine avait déjà pris fermement les devants dans l’économie mondiale, et le pouvoir syndical s’y est établi de manière irrévocable.

3. LES PROBLEMES RENCONTRES PAR LE SYNDICATS ET LEUR SOLUTION

Les syndicats chinois tout en se développant ont aussi rencontré quelques problèmes. Nous allons nous concentrer ici sur trois d’entre eux.

(A) Le développement de la négociation collective sur les salaires est limitée par de nombreux facteurs.

  • Tout d’abord, la négociation collective au sein des entreprises est limitée par des obstacles institutionnels. On sait que les négociations salariales se font entre des entreprises et des syndicats, mais comme les entreprises appartenant à l’État ne disposent de fonds que dans la mesure exacte où la commission chargée de gérer les avoirs de l’État leur en donne, il leur est difficile d’augmenter les salaires si des sommes correspondantes ne leur viennent pas d’en haut. La marge de manœuvre des syndicats lors de la négociation salariale en est réduite d’autant.
  • Deuxièmement, la négociation collective se heurte à des restrictions d’ordre sectoriel. Un exemple : l’industrie du taxi en Chine est un secteur semi-public. L’entrée dans la profession, sa surveillance, les tarifs au kilomètre, les frais de gestion et les subventions pour le carburant, tout est fixé par des services de l’État. Par conséquent, la convention collective de l’industrie du taxi ne peut être négociée directement avec le syndicat de la compagnie de taxi, mais doit l’être par les associations de l’industrie du taxi et les syndicats avec les ministères compétents.
  • Troisièmement, la négociation collective dans l’industrie se heurte à la faiblesse des syndicats industriels. Les syndicats chinois ont longtemps été faibles. Dans les années 80, l’ACFTU ne comptait que 15 syndicats industriels, et chacun d’eux ne comptait tout au plus que de 10 à 20 employés. Ensuite, dans les année 90, le nombre des syndicats industriel est tombé à dix, dont sept syndicats affiliés à l’ACFTU, avec un personnel de trois à cinq personnes. Les syndicats industriels au niveau provincial sont très peu développés. Cette situation est évidemment peu propice à l’expansion de la négociation collective dans l’industrie. Quatrièmement, le manque de syndicalistes compétents, surtout en matière de négociations salariales.

(B) Il existe une variété de facteurs qui influent sur la médiation des différends du travail et son efficacité.

  • Premièrement, seulement de 50 à 60 % des entreprises ont mis en place une commission de conciliation. Beaucoup en sont dépourvues.
  • Deuxièmement, la médiation manque de force, beaucoup de médiateurs du personnel sont des non-professionnels qui exercent cette activité dans leur temps libre.
  • Troisièmement, les syndicats n’ayant aucune autorité judiciaire, même si la médiation aboutit, elle reste difficile à appliquer.
  • Quatrièmement, lorsque la médiation ou l’arbitrage n’aboutit pas, de nombreux travailleurs, en particulier les migrants, ne veulent pas aller en justice de peur qu’en cas de victoire, leur employeur ne se venge sur eux.

© Le statut des dirigeants syndicaux n’est pas propice à l’exercice des fonctions syndicales.

  • Premièrement, avant la réforme des entreprises d’État, le chef du syndicat était généralement un cadre de niveau intermédiaire, payé quasiment comme les autres travailleurs. Depuis la réforme, le chef du syndicat est entré dans la direction de l’entreprise et touche un salaire beaucoup plus élevé que la moyenne des travailleurs. Il en résulte que lorsque les travailleurs sont en conflit avec l’entreprise, la direction du syndicat est tentée de prendre le parti de celle-ci.
  • Deuxièmement, les dirigeants syndicaux dans les entreprises privées ne bénéficient pas d’une protection suffisante du gouvernement, ce qui les rend vulnérables. Lorsque les travailleurs sont en conflit avec le patron, il leur est difficile de les défendre. Deux méthodes ont été suivies pour résoudre ce problème : d’abord, comme nous l’avons dit plus haut, on recrute des chefs de syndicat professionnels dans la société. L’autre méthode consiste à faire appel, en cas de mollesse du syndicat concerné, à une structure syndicale de niveau supérieur, qui vient alors en aide aux travailleurs en difficulté.

On peut dire d’une manière générale que ces problèmes sont des problèmes de croissance, des signes que l’on progresse. Pourvu que la réforme se poursuive, que l’on développe le pays, que l’on continue à faire des recherches pour améliorer le fonctionnement des syndicats, il ne fait aucun doute que ces difficultés finiront par être surmontées. La Chine est encore à l’étape de la modernisation, les syndicats ont donc un vaste espace pour se développer. Tout porte à penser que le chemin du syndicalisme socialiste à la chinoise deviendra de plus en plus large.

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