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QUELQUES VERITES SUR BOLKESTEIN

Ils ont voté OUI… à la directive Bolkestein…
Mardi 8 mars 2005 — Dernier ajout dimanche 6 mars 2005

les députés européens français présents lors du vote (résolution A5-0026/2003 ; 13/02/2003) :

  • Danielle Darras (PS)
  • Olivier Duhamel (PS)
  • Catherine Lalumière (PS)
  • Michel Rocard (PS)
  • Martine Roure (PS)
  • Gérard Onesta (Les Verts)
  • Yves Piétrasanta (Les Verts)
  • Marie-Hélène Descamps (UMP)
  • Alain Lamassoure (UMP)
  • Margie Sudre (UMP)

Ceux qui n’ont pas voté OUI…

  • VOTE CONTRE : BORDES, CAUQUIL, LAGUILLER ( LO)
  • ABSTENTION : CAUDRON (socialiste indépendant), AINARDI, BOUDJENAH (PCF)

Source : site du parlement europÈen, chapitre PV déroulement de séance par date, séance du 13 02 2003, page 25 :

QUELQUES VERITES SUR BOLKESTEIN

La « proposition de directive sur les services dans le marché intérieur » conçue par les services de la Commission européenne sous la direction du Commissaire Frits Bolkestein, donne lieu, en particulier en France, à de bien étranges manipulations politico-médiatiques qui brouillent la réalité des faits et trompent les citoyennes et les citoyens appelés à se prononcer sur le « traité établissant une Constitution pour l’Europe. » Chacun se démène aujourd’hui pour apparaître comme le plus résolu et le plus ancien à s’opposer à cette proposition. Il est bon de rappeler les faits afin d’apprécier la sincérité des oppositions claironnées ici ou là .

LES ORIGINES

Tout commence à Lisbonne où les Chefs d’Etat et de gouvernement (pour la France, le tandem Chirac-Jospin ; pour la Belgique, le gouvernement soutenu par les libéraux, les socialistes et les écologistes) adoptent une "stratégie" en vue de faire de l’Europe "l’économie la plus compétitive du monde. » La compétition devient la valeur de référence de l’Union européenne. Une cible : les services à libéraliser en allant au-delà de ce que prévoit l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) qui n’épargne pourtant aucun secteur, mais qui exige, même dans le cadre de l’Union européenne, l’accord explicite de chaque Etat membre.

Le 13 février 2003, le Parlement européen adopte une résolution dont

  • au point 35, il "se félicite des propositions visant à créer un instrument horizontal pour garantir la libre circulation des services sous forme de reconnaissance mutuelle. »
  • au point 39, il considère que "les principes du pays d’origine et de la reconnaissance mutuelle sont essentiels à l’achèvement du marché intérieur des biens et des services"

Ainsi, la directive sur les services dans le marché intérieur et son principe du pays d’origine tant décriés aujourd’hui ont été voulus par une majorité du Parlement européen. Une majorité impossible s’il n’y avait eu les voix des sociaux-démocrates et des Verts. Dans cette majorité de députés européens qui ont réclamé cette directive ("instrument horizontal") et ce principe du pays d’origine, on trouvait, parmi les députés européens français présents lors du vote (résolution A5-0026/2003 ; 13/02/2003) :

  • Danielle Darras (PS)
  • Olivier Duhamel (PS)
  • Catherine Lalumière (PS)
  • Michel Rocard (PS)
  • Martine Roure (PS)
  • Gérard Onesta (Les Verts)
  • Yves Piétrasanta (Les Verts)
  • Marie-Hélène Descamps (UMP)
  • Alain Lamassoure (UMP)
  • Margie Sudre (UMP)

Aujourd’hui, l’UMP, le PS et les Verts dénoncent ce qu’ils ont demandé hier parce que cette proposition de directive illustre trop clairement le modèle néolibéral que va imposer le traité constitutionnel qu’ils soutiennent.

LA PROCEDURE

1) Le 13 janvier 2004, la Commission européenne adopte la proposition : parmi ceux qui l’approuvent : les Français Michel Barnier (UMP) et Pascal Lamy (PS), le Belge Philippe Busquin (PS), l’Allemande Michaele Schreyer (Les Verts). La proposition, dont le contenu appartient à une matière pour laquelle la procédure de codécision s’applique, est ensuite envoyée à la fois aux gouvernements et au Parlement européen.

2) Pour l’examen intergouvernemental, c’est dans le cadre du Comité des Représentants Permanents (COREPER), qu’un groupe de travail est constitué. Il rassemble des représentants de la Commission européenne et des gouvernements. Il se réunit à six reprises entre le 27 février et le 26 mai. D’autres réunions auront encore lieu par la suite. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que PAS UN SEUL GOUVERNEMENT NE DEMANDE LE REJET DE LA PROPOSITION (voir sur www.urfig.org).

3) Bien plus, lors du Sommet européen de printemps, les 25 et 26 mars 2004, à Bruxelles, les Chefs d’Etat et de gouvernement (dont, parmi ceux-ci, le Président Chirac et les chefs des gouvernements français, luxembourgeois et belges), adoptent un texte dans lequel on peut lire, à propos de la stratégie de Lisbonne : « Dans le secteur des services, qui demeure fortement fragmenté, une concurrence accrue s’impose pour améliorer l’efficacité, accroître la production et l’emploi et servir les intérêts des consommateurs. L’examen du projet de directive sur les services doit être une priorité absolue et respecter le calendrier envisagé. »

4) Au Parlement européen, c’est le 31 août 2004 que la « commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs » est saisie pour la première fois de la proposition. Il apparaît que le PPE (dont font partie l’UMP française et le CDH belge), les libéraux (dont fait partie le MR belge) et une très large partie du groupe du parti socialiste européen sont favorables à la proposition quitte à procéder à certaines modifications. Seuls le groupe de la Gauche Unitaire Européenne dirigé par le Français Francis Wurtz (PCF) et quelques socialistes, dont Béatrice Patrie (PS français - Nouveau Monde), manifestent une opposition sans ambiguïté.

5) Une audition d’experts est organisée au Parlement européen le 11 novembre ; à la demande de Mme Patrie et du Groupe de la Gauche Unitaire Européenne, je suis entendu par la commission du marché intérieur avec 19 autres personnes (voir sur www.urfig.org). Il se dégage de la majorité des interventions que cette directive va provoquer la plus formidable insécurité juridique, qu’elle rend inopérante la directive existante sur le détachement des travailleurs, qu’elle compromet gravement la Convention Rome I (respect du droit du pays dans lequel le travailleur exerce son activité), qu’elle ruine toute possibilité pour les Etats qui organisent un système de couverture des soins de santé de pouvoir maintenir une telle politique, qu’elle consacre, à l’instar du traité constitutionnel européen, l’abandon de la technique de l’harmonisation comme instrument prioritaire de l’intégration européenne. Un fait à noter : la Commission européenne rejette en bloc toutes ces observations. Par contre, elle reconnaît mon interprétation selon laquelle les offres européennes en matière d’AGCS seraient désormais de la compétence exclusive de la Commission. Dans un document de travail (PE 353.297 - DT/551156FR.doc - 21.12.2004), le Rapporteur Evelyne Gebhardt « au vu des résultats de l’audition du 11 novembre 2004, estime nécessaire de retravailler en profondeur la proposition de directive de la Commission. »

6) Lors du Conseil des Ministres chargé des questions de compétitivité les 25-26 novembre 2004, « la proposition de directive fait l’objet d’un accueil globalement favorable par les Etats membres. » La France indique qu’elle ne s’oppose pas à l’application du principe du pays d’origine.

7) Le 1 janvier 2005, le passage de la présidence néerlandaise à la présidence luxembourgeoise marque une inflexion intéressante. Le gouvernement grand ducal ne semble pas disposé à soutenir inconditionnellement le texte de la proposition. A telle enseigne qu’il dépose, le 10 janvier 2005, un « document consolidé » comportant à la fois des formulations plus précises, des formules alternatives pour chaque article sensible et l’abandon de certaines dispositions du document Bolkestein (document 5161/05). Ce document est actuellement examiné au sein du groupe de travail. La présidence luxembourgeoise ouvre une fenêtre d’opportunité pour amender le texte. Elle se termine le 30 juin. Elle sera suivie par la présidence du gouvernement britannique qui est un fervent partisan du texte rédigé par Bolkestein et approuvé par la Commission.

LES REACTIONS

1) Le 21 mars 2004, alerté par la Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB- syndicat de tendance socialiste non inféodé au PS belge), par une lettre du 8 mars du Collège intermutualiste belge (qui regroupe les mutualités chrétiennes, neutres, socialistes, libérales, libres ainsi que la Caisse des Soins de Santé de la Société Nationale des Chemins de Fer Belges et la Caisse publique d’Assurance Maladie-Invalidité) et par un communiqué du Bureau du PS belge, je publie une analyse de la proposition sous le titre : « Nouvelle agression néolibérale de la Commission européenne" (voir sur www.urfig.org).

2) Dans la presse française, seul l’hebdomadaire Politis fait écho à cette analyse et c’est le journaliste Thierry Brun qui, le premier en France, révèle le contenu de la proposition dans le numéro du 25 mars. L’hebdomadaire annonce la manifestation prévue à Bruxelles le 5 juin. En Belgique, une importante mobilisation rassemble associations, ONG et syndicats dans le cadre du Forum Social de Belgique. Seul l’hebdomadaire belge Le Journal du Mardi relaie analyses et commentaires.

3) Début juin, d’autres associations (dont Attac) et organisations syndicales, en France et ailleurs, entament à leur tour une campagne contre la proposition de directive. Le 5 juin 2004, à l’invitation du Forum Social de Belgique et des deux centrales syndicales qui en font partie (CSC et FGTB), 5000 personnes manifestent contre la proposition Bolkestein à Bruxelles. Je suis un des orateurs et je souligne l’étroite parenté entre cette proposition et le traité constitutionnel européen (voir sur www.urfig.org).

4) Trois jours après la manifestation de Bruxelles, le quotidien français L’Humanité commence une campagne d’information et d’explication de cette directive qui n’a plus cessé depuis lors. Le 21 juin, le conseil municipal de la Ville de Bruxelles, toutes tendances politiques confondes, adopte une résolution affirmant sa « totale opposition » à cette proposition qui constitue une « attaque frontale contre les services publics locaux. » Le Président de l’Union des Villes et Communes de Wallonie déclare que « Le service public communal constitue l’un des piliers de la tradition européenne commune. »

5) Lors du Forum Social Européen de Londres, c’est à l’initiative des deux centrales syndicales belges et du Forum Social de Belgique que se tient, pendant une demi journée, un atelier consacré entièrement à la proposition Bolkestein. Une manifestation est décidée pour réclamer l’Europe sociale et s’opposer à l’AGCS et à sa version européenne aggravée qu’est la proposition Bolkestein. Elle aura lieu le 19 mars 2005 à Bruxelles. Mais l’implication de la Confédération Européenne des Syndicats, favorable au traité constitutionnel européen, brouille le message de cette manifestation. Il faudra l’énergique intervention de la FGTB pour que la CES retire de son appel à manifester une déclaration de soutien au traité constitutionnel. Un site internet est créé après le FSE : www.stopbolkestein.org

LA DUPLICITE DES PARTISANS DU TRAITE CONSITUTIONNEL

Les partisans du traité constitutionnel européen ont compris que cette proposition Bolkestein offre l’exemple de ce que sera la mise en œuvre de leur Constitution, qu’elle risque d’ouvrir les yeux de beaucoup avant le référendum et qu’elle vient donc trop tôt. En France, de Chirac à Rocard/Strauss-Kahn, c’est la même ligue des serviteurs du patronat qui font semblant aujourd’hui de s’indigner d’une proposition qu’ils ont appelée de leurs vœux hier.

Les protestations françaises (celles des autorités comme celles des tenants socialistes et verts du « oui » au traité constitutionnel) portent essentiellement sur le « principe du pays d’origine. » Ces partisans de la « stratégie de Lisbonne » passent sous silence les autres agressions commises par la proposition Bolkestein :

  • elle remet en cause des fondements du droit privé international (Convention Rome I) et des négociations très avancées dans ce domaine (proposition de Convention Rome II) ;
  • elle rend inapplicable la directive sur le détachement des travailleurs ;
  • elle s’applique à des secteurs comme l’enseignement, la santé, les services sociaux, les services culturels et audio-visuels ;
  • elle conduit au démantèlement des systèmes publics de couverture des soins de santé
  • elle remet en cause le pouvoir des autorités locales à fournir des services ;
  • elle est contradictoire avec la proposition de directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;
  • elle ampute les Etats européens de leur liberté de choisir à quels services et avec quelle ampleur ils vont appliquer l’AGCS.

Les prises de position tonitruantes des autorités françaises n’ont pour seul but que de repousser l’examen de la proposition Bolkestein après le référendum. Elles ont pour effet que cet examen n’aura plus lieu sous une présidence luxembourgeoise favorable à des amendements significatifs du texte, mais sous une présidence britannique très attachée au texte initial.

Faire gagner le « oui » au traité constitutionnel et obtenir ensuite la proposition Bolkestein, tel est le double objectif des serviteurs du patronat.

LA COMMISSION BARROSO

Le président Barroso, un néolibéral atlantiste, qui a fait ses preuves comme destructeur des services publics quand il était premier ministre du Portugal, fait de la stratégie de Lisbonne une de ses plus importantes priorités. Dans le Financial Times (Londres), M. Barroso déclare le 2 février 2005, que "la libéralisation des services est la première de ses priorités." Il précise que son programme constitue "une rupture claire avec la pensée européenne d’un passé récent quand les préoccupations environnementales et l’amélioration des droits des travailleurs recevaient la même priorité que la nécessité de générer de la croissance."

Au lendemain des exigences gouvernementales et socialistes françaises de "remise à plat" de la proposition de directive, la porte-parole de la Commission européenne, déclare le vendredi 4 février : "La position de la Commission est que la libéralisation des services est un point essentiel de la relance de la stratégie de Lisbonne sur la compétitivité de l’Union. Il n’est pas question que la Commission retire la directive services. » Le néolibéral Charlie McGreevy qui a succédé au néolibéral Frits Bolkestein en qualité de Commissaire au marché intérieur déclare que "le principe du pays d’origine doit être maintenu, car c’est la clé de voûte de la directive." Peter Mandelson, successeur travailliste du socialiste Pascal Lamy, défend lui aussi ce principe au nom de la lutte contre le protectionnisme.

Propos de l’Exécutif que ne dément pas le vice-président socialiste du Parlement européen, Robert Goebbels qui ajoute : "Il existe des pans entiers de services où la concurrence ne ferait pas de mal." A bon entendeur…

BOLKESTEIN ET LE TRAITE CONSTITUTIONNEL EUROPEEN

Pour comprendre la portée de ce qui se prépare, il faut garder en mémoire que l’élargissement à des pays où il n’y a pas ou peu de lois fiscales, sociales et environnementales s’est négocié au même moment où on rédigeait le traité constitutionnel et la proposition Bolkestein. La Commission européenne, moteur de l’idéologie néolibérale, a été au centre de cette triple démarche.

L’unanimité exigée par le traité constitutionnel européen pour toute harmonisation sociale signifie l’abandon de l’harmonisation. Et la proposition Bolkestein annonce ce qui va remplacer l’harmonisation : l’utilisation des disparités nouvelles créées par l’élargissement au profit d’un patronat assuré par le traité constitutionnel que la liberté d’établissement et de circulation des services sont des "valeurs fondamentales" de l’Union (article 4), que "les restrictions à la libre circulation des services sont interdites" (article 144) que la concurrence sera "libre et non faussée" (articles 3, 177, 178, et 65 autres articles…) et que l’harmonisation sociale sera laissée au "fonctionnement du marché intérieur" (article 209).

Cette proposition illustre par anticipation les législations européennes futures une fois adopté le traité constitutionnel. Elle constitue un exemple, parmi beaucoup d’autres, des efforts de dérégulation proposés par la Commission européenne et soutenus par tous les gouvernements. Elle traduit la résignation et la collaboration à laquelle nous appellent ceux qui, comme Michel Rocard, répètent à satiété que "le capitalisme a gagné. »

Cette proposition et les péripéties qui l’accompagnent illustrent également à quel point, dès qu’il s’agit de l’Union européenne, on nous trompe et on nous manipule. Profitant de la complexité des textes et de l’opacité des procédures, on s’applique à nous tromper sur le contenu des textes et sur les attitudes adoptées.

On nous trompe sur Bolkestein. On nous trompe sur le traité constitutionnel européen. Allons-nous dire "oui" à ceux qui nous trompent ?

Raoul Marc JENNAR chercheur, animateur de l’URFIG

Voir en ligne : URFIG

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