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« Les travailleurs dans les révolutions arabes »

Vive la classe ouvrière et la solidarité Internationale

Intervention de Said Sougty pour la voie démocratique (Maroc)
Samedi 19 novembre 2011

Chers camarades,

Mes remerciements pour cet accueil et invitation à ce débat, que j’espère, vous apportera plus d’éclaircissements sur la situation dans le monde arabe.

Tout d’abord, je voudrais vous présenter en deux mots notre organisation « la Voie Démocratique » (présentation faite verbalement)

Par rapport à notre thème, je commencerais par situer ce bouillonnement dans le monde arabe dans son contexte, ensuite ses répercussions sur le Maroc, et particulièrement sur la classe ouvrière et son rôle à jouer. Et je finirais par des propositions pour amplifier le mouvement jusqu’à l’instauration d’un régime démocratique.

A) - Un contexte favorable aux révoltes

1/- la crise internationale du capitalisme

Un grand mouvement de révoltes traverse le monde arabe depuis novembre 2010. Les répercussions de la crise capitaliste mondiale multi dimensionnelle ont aggravé les conditions de vie de ces pays déjà touchés par la corruption, l’analphabétisme, la marginalisation identitaire et démocratique, le pillage de leurs ressources naturelles, le chômage accru…

Les puissances impérialistes européennes et américaines vont imposer les règles économiques pour garder leur hégémonie sur les marchés des matières premières, de l’énergie, notamment celui du pétrole. Les plans du FMI et la Banque Mondiale vont appauvrir plus les peuples du le monde arabe notamment par des mesures néolibérales (privatisations à outrance, diminution des coûts de production, changements des législations de travail…), tout en asphyxiant les économies des pays dominés par l’effet de la dette. En même temps, une course folle s’accélère pour dominer le marché d’armement, de l’espace, du nucléaire, des industries agro-alimentaires et, bien entendu, s’assurer des réserves du pétrole.

Et voilà que les guerres coloniales refont face au nom de la démocratie et des droits de l’Homme !

Pourtant, qu’on se le dise, les puissances impérialistes ont appuyées les dictatures qui n’avaient, dans la région, qu’un souci celui de s’enrichir et d’accentuer les injustices sociales.

La réaction ne se fait pas tarder : ces peuples vont redresser la tête pour secouer les valets de l’impérialisme dans la région, notamment en Egypte et en Tunisie, mobilisant de larges couches sociales, que ni les manipulations ethniques et communautaires (sunnites/chiites, arabes/berbères, religieux extrémistes/modérés…), ni les media-mensonges n’ont pu freiner ou arrêter.

2/- les injustices locales :

  • La composition sociale de ces peuples est en grande partie jeune. Cette jeunesse subit les foudres de la crise capitaliste : chômage, incapacité de faire sa vie (logement, fonder une famille…), difficultés de poursuivre ses études, se soigner…et vit dans l’angoisse de l’avenir.
  • Ces peuples du monde arabe, ont été diabolisés suite à cette théorie dite « du choc des civilisations » pour justifier la guerre en Irak et en Afghanistan,
  • La clémence des instances internationales devant les crimes perpétrés par l’état d’Israël vont accentuer et instaurer ce sentiment, et, cet état d’injustice et cette politique de deux poids deus mesures.
  • Les puissances capitalistes ne se soucient que de la pression migratoire laissant se développer le racisme et la xénophobie provocant le rejet, l’exclusion, la marginalisation et l’humiliation.
  • La répression, l’emprisonnement, les procès expéditifs …sont le pain quotidien des peuples de la région.
  • Ce sont des démocraties de façade pour maquiller l’omniprésence d’états policiers. Des crimes régulièrement perpétrés pour des raisons d’expression politique. Les médias sont monopolisés par le pouvoir, et la liberté de la presse est une denrée très rare.les rassemblements, manifestations sont réprimés. L’action politique et syndicale, quand elle sort du consensus autour du régime est désignée comme subversive.
  • Les élections quand elles s’organisent sont entachées par la corruption, les fraudes, les pressions, et l’utilisation de l’argent sale. Les parlements sont des caisses de résonnance, et être élu est synonyme d’être mafieux.
  • La liberté étouffée : des lois liberticides encadrent la dictature du régime. Il existe en parallèle des services qui sévissent en toute impunité, possédant des lieux de torture, financés par des caisses noire. Les auteurs de crimes politiques ne sont pas inquiétés, d’ailleurs des généraux en mandat international sont toujours à la tête de l’Etat.
  • Produit de structures néo coloniales, ces dictatures ont ouvert les économies des pays aux multinationales et aux marchés financiers, ouverture que ces peuples ont vécue comme de véritables recolonisations, profitant aux seules mafias locales.
  • Le monopole du pouvoir et des richesses par les mêmes familles, ou partis politiques se partageant les privilèges, et développant la corruption (Ex : 1.6 millions de dollars par an pour le Maroc)….
  • Au Maroc l’ONA/SNI =Régis (anagramme du roi) a bien tiré son épingle de la politique néolibérale. L’aire des privatisations permet à la monarchie de rafler la mise en s’accaparant de toutes les activités rentables, et des ressources minières et halieutiques du pays. Régis détient des secteurs de l’industrie alimentaire, de l’automobile, des cosmétiques, de l’imprimerie, des pièces de rechange, de la distribution, du tourisme, du transport, des services, de l’immobilier. Par ailleurs des sociétés multinationales étrangères vont renforcer leurs parts du marché (Bouygues, Veolia, La lyonnaise des eaux….) et formeront avec Régis les puissants décideurs des choix économiques marocains.

En parallèle, l’Etat va être l’outil serviteur et protecteur de cette alliance.

Voilà pourquoi, face à cette humiliation, à l’absence de liberté et de démocratie et devant la corruption et le pillage des richesses du pays par une mafia locale, le mouvement du 20 février signera sa lutte sous le slogan : DIGNITE - LIBERTE - JUSTICE SOCIALE

Le peuple reprenant sa force/ sa jeunesse a lancé le défit pour reprendre sa souveraineté, dans une lutte qui n’est au fait qu’une émergence des mouvements :le mouvement politique auquel la Voie Démocratique a joué un rôle catalyseur, le mouvement démocratique menée par la grande AMDH, le mouvement étudiant au sein de l’UNEM, et, surtout un mouvement social guidé par l’association nationale des enchômagés au Maroc, les coordinations contre la cherté de la vie… Tout cela sur un fond de luttes héroïques depuis des décennies contre le despotisme et le pillage.

B) – Le mouvement du 20 février et la classe ouvrière

1/- Un bref aperçu du Mouvement du 20 février

Il est la résultante d’un côté des luttes internes contre un régime compradore, qui reste le garant de la continuité d’un mode de production néocolonial, et de l’autre de l’impact des révoltes dans le monde arabe.

Il ne se passe pas un dimanche où au moins une cinquantaine de villes et villages occupent les grandes artères pour acclamer un régime démocratique, la fin de l’impunité des criminels politiques et économiques, la satisfaction immédiate des revendications sociales et économiques, avec le droit au travail à leur tête….

Ce mouvement a secoué le pouvoir en place et les partis domestiqués qui l’entourent qui ont tout fait pour le combattre :

  • D’abord par quelques mesures ridicules apportés par ‘le dialogue social’, la création du Conseil Économique et Social, l’annonce d’embaucher des diplômés enchômagés, la transformation du CCDH en Conseil National des Droits de l’Homme, le discours royal du 09 mars annonçant l’amendement de la constitution ….
  • Ensuite, par la répression et son sabotage de l’intérieur par des partis hostiles. Nous sommes aujourd’hui à des dizaines d’arrestation et à 9 martyrs identifiés.

2/ Les travailleurs dans les révolutions arabes :

Remarque : la réalité et la composition de ces peuples m’incite à parler en terme de la révolution dans le monde arabe et non de la révolution arabe. Les révolutions dans le monde arabe sont en marche. Et le processus révolutionnaire s’enracine. Néanmoins, il peut prendre, à mon avis , encore du temps, voir même quelques années.

Ceci m’amène à préciser qu’une révolution est un moment durant lequel, il y a changement d’un pouvoir, d’un mode de production, des rapports sociaux…Or, ce que nous avons vu en Tunisie et en Egypte, c’est la destitution des dictateurs, mais le système qui les a créées n’est pas encore à genou.

Certes, la classe ouvrière a joué un rôle dans le combat final pour le départ des dictateurs, mais, ne disposant pas d’un outil organisationnel elle n’a pas pu prendre la direction du mouvement, laissant un goût d’inachevé à ces révoltes. La seule révolution que peut accomplir la classe ouvrière unissant toutes les couches populaires est celle qui mettra fin au mode de production néocoloniale d’exploitation, à la mainmise impérialiste et qui chasse le pouvoir compradore.

Elle aura aussi pour perspectives de fonder une société socialiste. Notre mission la plus urgente est de contribuer à ce que la classe ouvrière s’approprie de l’idéologie marxiste et construise son propre parti, pour préparer les conditions à la révolution socialiste.

Les révoltes d’aujourd’hui œuvrent pour un Etat démocratique plutôt qu’un projet sociétal.

Pour comprendre, au Maroc, la faible implication de la classe ouvrière dans le Mouvement du 20 février, il convient de passer en revue les obstacles qui empêchent la classe ouvrière de jouer son rôle :

1/- Raisons syndicales :

  • La division : la création de l’UMT en mars 1955, constituera la base arrière des partis nationalistes et progressistes (notamment Istiqlal et PCM). De ce constat, le politique va piétiner sur l’indépendance du paysage syndical. Chaque nouvelle scission politique sera suivie par la naissance d’un nouveau syndicat. Et, il n’est pas rare qu’un syndicat crée son propre parti.
  • Une indépendance compromise vis-à -vis du patronat et du pouvoir. Le fait de cantonner l’action syndicale dans la course à la représentation dans les instances, ( la moitié des délégués ne sont pas syndiqués) sans rapport de forces des législations de travail…de ce fait, la stratégie syndicale s’éloigne du syndicalisme de classes et s’oblige à des compromis politiques (vote des lois de finance, approbation des constitutions..).
  • La bureaucratie des directions syndicales, dans l’organisation, l’élaboration des mots d’ordre, la place du syndiqué dans l’action…favorise le contrôle et l’esprit de complots au détriment de la combativité et des prises d’initiatives.
  • Un corporatisme excessif affaiblissant l’unité entre secteurs, fédérations intra et intersyndicale.
  • Une adaptation relative aux mutations économiques imposées par le néolibéralisme (libre-échange, les fermetures et délocalisations, l’introduction de nouveaux outils de gestion, le nouveau code de travail, l’insécurité de l’emploi et le mode de syndicalisation…)
  • Les manœuvres du pouvoir et des directions syndicales pour limiter la participation syndicale au M20F (gel des prix, alimentation de la caisse de compensation, accord d’augmentation salariale du 26/04/2011…)

2/- Raisons politiques :

  • La faiblesse de la gauche qui croit en la nécessité d’un parti indépendant de la classe ouvrière.
  • les querelles intestines entre les forces qui croient au socialisme scientifique et au rôle que doit jouer la classe ouvrière et le paysans pauvres dans la destruction du mode de production néocolonial dans des perspectives socialistes
  • Les difficultés objectives rendent les bases ouvrières difficilement accessibles (la répression, le contrôle policier, l’émanation sociale de la gauche radicale…)

3/- Manquement du mouvement socio-altermondialiste :

Le mouvement social et altermondialiste n’a pas cherché à sa création une réelle implication ouvrière. Si le premier a vu l’hégémonie des éléments connus par leur pratique mercantile et arriviste, le second à travers ATTAC-Maroc était soumis à des considérations politiciennes, et n’a pu intéresser les salariés qui subissaient les foudres du libre-échange, des flexibilités, des conditions de travail humiliantes imposées par les multinationales nouvellement installés au Maroc. Cela a laissé le chemin libre aux compromissions et aux laxismes syndicaux ;

Les relations sociales dans certaines multinationales (SUEZ, VEOLIA, AFARGE, LTADIS, ESTLE, NILEVER, ROUPE ACCOR EUROSET SODEXO) en sont un témoignage.

C) - Quelles contributions pour le triomphe de la classe ouvrière ?

Tout en se gardant une marge d’erreur par rapport à un terrain en pleine mutation, il me semble que le marxisme est d’abord une analyse concrète pour une situation concrète. En voilà quelques pistes de réflexions :

  • Dans l’immédiat, la gauche doit orienter ses forces vers la lutte contre l’ennemi principal qui est le Makhzen, Cela ne veut pas dire étouffer leurs contradictions ou éradiquer le débat démocratique, politique et idéologique.
  • Multiplier la création de structures démocratiques notamment des assemblées générales et des comités de quartiers et les doter d’un statut de contre pouvoir, tout en accordant une place prépondérante aux femmes, aux ouvriers, chômeurs, et bien sûr à la jeunesse. 90% des salariés sont des non syndiqués, et pourraient intégrer le mouvement dans les comités de quartier.
  • Renforcer le courant des « Syndicalistes pour le 20 février » et l’élargir pour dépasser les divisions syndicales et mener d’une manière transversale commune à tous les syndicats des actions concrètes y compris la grève générale.
  • S’’impliquer dans le mouvement du 20 février pour l’instauration d’un régime démocratique
  • La gauche doit expliquer au sein de ce mouvement son programme, ses conceptions de la démocratie politique et sociale, de l’égalité entre la femme et l’homme, de la laïcité, de la souveraineté populaire…Aucun débat démocratique et constructif ne doit être ajourné.
  • Fédérer toutes les luttes sociales (syndicales, politiques et étudiantes) avec le mouvement du 20 février autour de l’emploi, des revendications salariales et pour les droits sociaux et économiques,

A l’étranger

Nous sommes interpeler pour développer la solidarité internationale avec le mouvement du 20 février en œuvrant pour :

  • Contrecarrer les médias-mensonges, et les déclarations du président Sarkozy et de son ministre des AE sur les dites avancées démocratiques.
  • Dénoncer le silence autour des assassinats et exiger une enquête sur ces crimes,
  • Soutenir notre lutte contre l’impunité des crimes politiques et économiques
  • Dénoncer l’accord avancé entre le Maroc et l’Union Européenne du fait du non respect des conventions internationales en matière des Droits de l’Homme et l’exigence de libération de tous les prisonniers politiques et syndicaux et à leur tête les camarades syndicalistes Kabbouri et Chennou.
  • Le retour à l’emploi de tous les camarades licenciés à cause de leur engagement dans le mouvement du 20 février : notre camarade Lahcen Allabou en fait les frais d’un dirigeant syndical et responsable au sein de la direction du parti du 1er ministre à cause de ses engagements politiques dans la Voie Démocratique et dans le mouvement du 20 février,
  • Sans oublier l’intégration sociale et économique des victimes des années de plomb, qui ont purgé des peines injustes, et qui demeurent jusqu’aujourd’hui, dans des situations inhumaines parce qu’ils ont osé acclamer une société juste et socialiste.

Vive la classe ouvrière

Et vive la solidarité Internationale

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