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La constitution est morte. Vive le retour au politique

commentaire sur un article du Guardian

le post-politique et le retour du politique
Jeudi 9 juin 2005

À propos d’un article du guardian sur la Constitution et le retour au politique ) :

[ Quand les commentateurs disent que la victoire du non délivre un message des plus effrayés, ils se trompent. La vraie peur que nous rencontrons est celle que le non provoque dans la nouvelle élite politique. C’est la peur de ne plus pouvoir convaincre si facilement les gens d’ adopter leur vision « post-politique ».]

Référence : http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2416

Cet article est intéressant sur deux points, le premier analyse avec beaucoup de finesse ce que l’auteur appelle le post-politique et le fait que le NON français à la Constitution marque le retour au politique. La politique relève en effet du débat citoyen autour de choix alternatifs. Le post-politique supprime le choix et donc le débat véritable. La décision politique devient une technique (sur le fond économique) menée par des « experts » sur lequel le débat est impossible à la fois parce qu’il y aurait une scientificité du dit choix et parce que donc seuls des gens possédant la dite « science » et la dite compétence seraient aptes à se prononcer. Il ne s’agit pas seulement d’une crise idéologique, mais bien d’une crise de toutes les institutions chargés de gérer la relation entre gouvernants et gouvernés, une crise de représentativité, donc de la démocratie.

Le second point n’est qu’une conséquence du premier, le sytème de consensus autour de cette « technique », néo-libérale ou pour dire plus clairement capitaliste a un corps d’élites chargé de le promouvoir. Le personnel politico-médiatique est recruté en fonction de sa capacité à énoncer le message, à disqualifier toute voix alternative. Il est clair comme le dit l’article du guardian, que la peur devant le NON à la Constitution est la peur des dites élites, car leur position sociale, prestige et avantages financiers repose sur leur capacité à porter une vision post-politique. Il est trés intéressant que dans toute l’Europe, le NON à la Constitution engendre des réflexions de ce type et qu’il soit vécu non comme une fin mais comme un commencement.

L’impossibilité à penser le monde dans lequel nous sommes :

Pourtant cet article reste encore dans les ornières du post politique qu’il prétend dénoncer. Parce qu’il ne va pas au fond de ses propres pré-supposés, du fait que le système politico-médiatique l’a lui aussi transformé en jeune amish. Il pense d’abord le monde dans une catégorie coloniale, matinée d’un affrontement de hier entre deux superpuissances, voire sans le dire dans « le choc des civilisations ». Face à l’empire US, il y aurait l’Europe et au-delà la barbarie. Au lieu de penser le monde tel qu’il est nous sommes dans des oppositions d’abstractions, dans cet univers de fantômes manœuvrent des allegories : l’Empire dont miraculeusement l’union européenne serait abstraite et qui se limiterait à la figure détestée de Bush sans jamais remettre en cause la démocratie qui porte une telle figure sur le devant de la scène, l’Europe dont l’histoire sanglante et colonialiste, le présent de prédateur, serait niée au profit d’une hypostase, le continent des droits de l’homme, la gauche et la droite qui ressortiraient intactes de plus de vingt ans d’absence d’alternative rélle, parce que dans un tel système post politique on est contraint à  l’immobilité et tout ce qui bouge devient dangereux, comme pour le jeune amish. Retrouver le politique en éliminant la lutte des classes ou comment transformer l’insurrection des urnes en nouvelle chance pour le social-libéralisme ?

Notre livre publié à la rentrée chez Aden, DE MAL EMPIRE, propose de déconstruire ces visions empilées historiquement et entretenue par la toute puissance médiatique non seulement des États-Unis, mais également de l’Europe et du japon qui à eux seuls contrôlent la quasi totalité de la production de l’information et de la diffusion médiatique. Comme le dit le proverbe africain : tant que le lion ne saura pas écrire, les histoires de chasse glorifiront le chasseur. Nous sommes de ce fait dans une complète ignorance de ce qui se passe dans le monde et des synergies de résistances qui se sont mises en place, rapports économiques sud-sud doublés de transferts technologiques,zones de développement dans la misère générale comme le Brésil, l’Inde, la Chine à partir desquelles ces rapports sud/sud tentent de faire face au « marché » ou plutôt à ses conséquences, l’enrichissement des riches aux dépends des pauvres et donc l’impossible sortie du sous développement. La question pour la Chine n’est pas de devenir une superpuissance comparable à ce que fut l’URSS, mais bien de danser avec le loup du marché, pour contrôler son propre développement. Cette question est celle du Brésil, de l’Inde, et de toute l’Amérique latine. La stratégie est l’évitement de l’affrontement militaire inégal tout en créant un endiguement par des rapports intégrés sud/sud.

Nous ignorons tout de cela et cet article du Guardian au demeurant sympathique, continue dans la voie de cette méconnaissance, dans l’immobilisme traversé de figures allégoriques d’un passé et d’un présent largement fantasmés.

Nous avons écrit notre livre pour tenter de faire comprendre cette nouvelle donne planétaire. C’est dans ce contexte planétaire qu’il faut analyser le rôle réel non seulement des États-Unis, mais également de ses vassaux, alliés et concurrents que sont principalement l’Union européenne et le japon. Cette observation non seulement relativise beaucoup le rôle de l’Europe en tant qu’alternative aux États-Unis, mais nous montre qu’à l’intérieur même de l’Europe, les rapports nord/sud sont à l’œuvre et que c’est là l’enjeu réel, parce que les vote de classe qui ont porté le NON ont toute leur place dans la stratégie planétaire d’endiguement.

Car il faut aller encore plus loin que les catégories droite et gauche, ne serait comme à la démocratie pour leur donner un contenu réel, pour échapper au post-politique, pour vaincre la malediction du jeune amish dont le choix est illusoire. Pourquoi cette vision post-politique ? D’abord parce qu’avec l’effondrement de l’URSS et du socialisme européen, le capital s’est recomposé et a mené une contre-révolution totale puisqu’il n’y avait plus d’alternative. C’était La seule solution… La fin de l’histoire. Le post politique a été la forme idéologique d’une domination de classe sans partage et sans adversaire car la social-démocratie s’est effondré avec le communisme européen. Il n’est plus resté que l’art d’accommoder les marges…

Mais cette situation devient de plus en plus intolérable non seulement aux peuples du sud, mais à une majorité grandissante de salariés du Nord, le temps du compromis colonial est révolu et les peuples du nord ne tirent plus bénéfice du pillage du reste de la planète, au contraire ils y perdent emploi et pourvoir d’achat sous l’influence des « délocalisations »… Il ne s’agit plus de piller et de partager les dépouilles avec la plèbe, mais bien de mettre en concurrence les forces de travail à l’échelle planétaire…

Quel conséquence le Capital a-t-il tiré du NON à la Constitution ? La nécessité d’accélérer sa contre-révolution… D’accélérer le démantélement du code du travail, les protections sociales déjà largement entamées depuis vingt ans, de passer par « ordonnances », le tout sous la figure abstraite de la social-démocratie allegorisée : le Danemark. Nous sommes en plein dans ce que décrivait Marx aux lendemains des mouvements de 1848, "tandis qu’au Luxembourg on cherchait la pierre philosophale, à l’hôtel de ville on battait la monnaie". Et tandis que certains cherchent la pierre philosophale d’une Europe fraternelle, le capital en France et partout en Europe bat la monnaie. Mieux l’opposition post-politique entre Villepin et Sarkozy recouvre le fait que si le consensus démocratique n’est pas obtenu, le capital non seulement passera en force par ordonnance, mais sa police saura mettre au pas les rebelles, les identifiera à de simples délinquances, sous couvert de sécurité, que l’on, divisera en communautés. Parce que la communauté est le contraire du Politique, elle suppose le fusionnel entre les mêmes et l’hostilité à tous les autres. Comme il est pratiqué en irak, où une nation est dépecée en groupement ethnico-confessionnel auxquels on concède les miettes du pillage… Comme déjà on organise des guerres préventives sous couvert de lutte contre le terrorisme, voire d’illusoires menaces d’armes de destruction massive contre les peuples qui prétendent maîtriser leurs ressources nationales. Dans le titre III du traité constitutionnel cela était clairement prévu, mais même si ce n’est pas voté, cela passera… On apeurera les peuples en utilisant leur ignorance et leur découragement de ne pas être entendus…

Donc tant que nous ne comprendrons pas ce que devient le monde, la nécessité de le repenser fondamentalement nous aurons une vision groupusculaire avec des enjeux idéologiques qui éviteront de penser la crise du post-politique dans sa véritable dimension. Nous sommes en fait confrontés à deux nécessités, la première est de bien coller au terrain, au vécu, à l’insupportable parce que c’est là que surgit la nécessité des luttes, la remise en question du « post politique » et dans le même temps réintégrer ces luttes localisées dans la perspective d’un monde globalisé face auquel peuvent se développer des solidarités de combat… C’est une apparente contradiction, mais elle est partout la condition de la mise en mouvement, de l’unité dans la diversité. De la prise de conscience que l’on se bat pour sa vie mais qu’en le faisant on participe à la défense de l’Humanité…

Danielle Bleitrach

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