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Rencontres internationalistes 2012

Les causes de l’abandon révolutionnaire de la gauche européenne..

Intervention de Vladimir Caller (parti communiste belge)
Lundi 9 septembre 2013 — Dernier ajout lundi 17 août 2020

Vladimir CALER

Je me présente. J’ai été abordé par plusieurs camarades qui pensaient que je représentais le parti du travail de Belgique. C’est un parti de la gauche radicale belge et d’autres camarades, probablement en voyant ma tête qui n’est pas tellement belge ni mon prénom Vladimir ça ne fait pas tellement Belge, ni Péruvien. Mais je me suis installé en Belgique, j’ai toujours été communiste et je suis au parti communiste belge.

On m’a demandé de parler rapidement sur le parti des travailleurs de Belgique et le parti communiste belge. Ce sont deux partis tout à fait différents. Pendant longtemps on a été foncièrement et radicalement des partis ennemis, si j’ose dire, parce que ce sont 2 partis qui ont vécu de manière assez vive, assez directe, l’affrontement au moment de la rupture des mouvements communistes sur les positions chinoises et soviétiques. Le PTB était sur une position maoïste, stalinienne tandis que le PCB sur une position moscovite, si j’ose ainsi simplifier les choses.

Le PCB est un vieux parti, beaucoup plus ancien que le PTB. Il a été fondé en 1910 et c’est un parti qui a une très belle histoire, le parti contre la 1re guerre mondiale. C’est un parti particulièrement engagé dans la solidarité avec l’Espagne républicaine. Plus d’un millier de communistes, volontaires. Il reste un communiste encore en vie des anciens volontaires. Tandis que le PTB est né dans le contexte du mouvement de 68 à l’université de Louvain en Belgique. Avec une composante assez intéressante catholique, des gens du mouvement ouvrier chrétien avec une évolution vers la gauche. Après il s’est radicalisé de manière très forte et a pris des positions très très radicalement anti-soviétiques, de manière excessive. Pour vous dire, puisque je suis Péruvien, ils soutenaient le mouvement Sentier lumineux, si vous avez entendu parler, il avait une position «  polpotière » si j’ose dire de la gauche latino-américaine . Il faut dire qu’il y a une évolution très importante de ce parti qui est devenu un parti beaucoup plus sérieux avec une implantation bien plus importante que celle du PCB.

Récemment il y a eu des élections en Belgique et le PTB a eu des résultats spectaculaires dans certaines villes importantes, Liège par exemple. Il y a des commune où il y a eu des taux de 10 à 15%. C’était 3 à 4% dans les élections précédentes. Mais je dirais en vitesse que le PCB qui avait presque disparu a réapparu, son journal pendant 14 ans était en silence maintenant il est à son 40e exemplaire et le parti revient en force, un peu comme chez vous. C’est-à -dire il y a des échanges, des débats, des questionnements sur la ligne politique à suivre mais par rapport aux élections, je crois que c’est plus important que les résultats du PTB, c’est les résultats du parti flamand qui est un parti d’orientation nationaliste et qui vient d’avoir un succès aussi spectaculaire notamment dans la ville d’Anvers qui est la ville la plus importante de Belgique, je crois que c’est le 3e ou 4e port mondial en volume de charge et qui anticipe l’évolution que va connaître la Belgique puisque c’est un parti ouvertement séparatiste. Et si je peux me permettre en parodiant ce que j’ai entendu ce matin, quand les camarades Cubains et les camarades de la salle mentionnaient le président de Colombie qui disait à Obama " c’est la dernière fois que vous allez faire ici vos réunions des états américains sans la présence de Cuba, évidemment avec une distance avec ces personnalités si notables, il se peut que ce soit la dernière fois qu’on assiste à une réunion avec les représentants de la Belgique parce que l’existence même du pays …

Une chose très médiatisée, l’exil de M. Bernard Arnaud. Parce que la Belgique est devenu une sorte de paradis très proche de la France avec une communauté de langue. Il y a plus d’un millier de Français milliardaires ou millionnaires qui sont établis en Belgique. Vous trouvez là la famille Darty, la famille Hersant, Bernard Arnaud, qui ont une domiciliation fiscale dans ce pays où ils ont le bénéfice de grands privilèges pour ne pas devoir payer les taxes qu’ils devraient payer en France. B. Arnaud a une société financière en Belgique très importante, où le taux d’imposition, c’est un peu moins de 5% sur les bénéfices. C’est un montant ridicule, ce qui explique que ce n’est pas pour l’amour des frites belges qu’ils se déplacent chez nous mais pour pouvoir bénéficier de ce système. Le processus dont je parlais tout à l’heure de la victoire du parti flamand en question et qui annonce le processus de démantèlement est très associé à la politique actuelle du projet de l’Union européenne qui consiste à susciter partout le démantèlement des nations de manière à pouvoir bénéficier des marchés élargis, sans aucune opposition, problème ou difficulté pour qu’il puisse opérer leur mécanisme de production de bénéfices.

Il y a quelque chose que je voudrais souligner, parce que j’ai entendu ce matin beaucoup de commentaires sur le rôle de l’impérialisme américain dans toutes les situations, les conflits qui ont cours et qui invite à la résistance de la population mais je n’ai pas beaucoup entendu parler de quelque chose qui je pense mérite actualité, là je m’adresse à Domenico, c’est le rôle du grand capital allemand, des intérêts de l’Allemagne dans ces situations. C’est justement l’Allemagne qui est derrière cette politique de régionalisation des pays. Favoriser la multiplication partout des régions pour casser les états nations frontaliers et pour aller vers un contexte géopolitique européen où l’Allemagne puisse, avec ses pays voisins affaiblis, imposer sa loi de manière encore plus éclatante. C’est ce que fait actuellement Mme Merckel. Donc je crois que de ce point de vue, on peut constater que l’on va chaque fois plus vers une Europe allemande qui doit mériter une attention particulière. Non pas parce qu’il existe une tradition d’affrontement entre la France et l’Allemagne mais tout simplement parce que ce qui est en train de se produire c’est une sorte d’insistance de l’Allemagne qui pendant deux guerres mondiales n’a pas réussi vraiment à imposer sa loi pour diverses raisons, notamment la résistance de tout l’anti-fascisme européen. Maintenant avec le mécanisme européen, elle est préparée à jouer ce rôle de grande puissance hégémonique pour faire que l’Europe, la France soient de grands espaces où elle soit la prééminence sur l’économie à présent.

Alors face à cette situation, face à la gravité des agressions que vivent le monde du travail et les populations, j’ai entendu des camarades ici, dire qu’à gauche à droite il y a des mouvements, des manifestations etc. mais je crois qu’il y a une énorme question à se poser. Normalement, si vous utilisez le lexique marxiste classique, on dirait qu’on vit une situation révolutionnaire mais avec un petit problème, une situation révolutionnaire mais où est-ce qu’ils sont les révolutionnaires ? Par rapport à la situation, c’est-à -dire, il y a un décalage énorme entre la gravité de l’agression que les populations subissent et la faiblesse des réponses qui deviennent presque symboliques. Je crois que c’est quelque chose qui doit nous interpeller.

Personnellement, je crois que nous vivons la crise de l’Europe, mais aussi, d’une certaine manière la crise de la gauche, la crise d’une gauche marxiste. Qu’est-ce qui explique que nous soyons dans cette situation ? C’est un vaste sujet. Je me permets d’esquisser des pensées.

J’estime qu’il y a 3 piliers de cette situation, qui expliquent cet abandon de réponse révolutionnaire à gauche. Je parle des éléments modernes.

Lors de la disparition de l’Union soviétique, je crois que malheureusement, une énorme partie de la gauche marxiste, a assuré pratiquement sans différenciation les analyses qu’a fait la droite, qu’a fait l’adversaire sur le bilan des pays socialistes, sur les acquis positifs ou négatifs des expériences du socialisme réel. Donc nous avons opté pour des positionnements qui ne font que confondre les travailleurs, les gens. Parce que nous-même, et je suis d’accord avec Domenico, ce qu’il appelle l’auto flagellation de la gauche, auto phobie de la gauche, ça c’est un pilier.

Un 2e pilier pour moi très important, c’est l’influence de mai 68 que beaucoup de camarades d’orientation marxiste considèrent comme presque révolutionnaire. Or je crois que là il y a un grand problème. Je pense que mai 68 c’était exactement l’opposé. Evidemment il y a eu des mouvements syndicaux etc. mais, il y un monsieur qui n’est pas vraiment un marxiste-léniniste qui s’appelle Edouard Balladur, je l’ai entendu dans une émission à la télévision française dire que mai 68 a eu le grand avantage qui a permis de faire que la centrale générale des travailleurs de la France est devenue une entité dialoguant, qu’on pouvait commencer à se comprendre et à s’entendre etc.

Quand on voit des débats récents, par exemple, le fameux débat sur le mariage homosexuel, évidemment je n’ai rien contre les homosexuels, ça serait le comble, mais est-ce qu’on ne doit pas se poser la question : comment ça se fait que de la même manière que Zapatero en Espagne, au même moment qu’il annonçait qu’il devait effacer, annuler l’impôt sur la fortune, il annonçait exactement au même moment que le mariage gay allait être présenté au parlement. Ce qui permettait qu’une gauche, que j’appelle une gauche sociétaliste, a été euphorique, contente etc.

De la même manière, il n’y a pas si longtemps, il y a eu 24 ou 48 heures de différence entre le plan d’austérité que Hollande a présenté et aussi le lancement du projet pour qu’il soit discuté au conseil des ministres du mariage homosexuel. Il y a une anecdote que j’ai vécu personnellement. Lors de la dernière guerre en Iraq, il y a eu dans tout le monde des manifestations gigantesques contre la guerre. Et en Belgique, à Â Bruxelles, c’est une petite ville par rapport à Paris, il y a eu entre 30 et 40 000 personnes, c’était énorme. Et à Paris même pas la moitié, pourtant c’est une ville 10 fois, 14 fois plus grande que Bruxelles. Par contre, 5 ou 6 semaines après, il y avait 600 000 personnes à la gay pride. Je suis désolé, c’est mai 68 qui est passé par là . Je crois que cet aspect sur mai 68 c’est quelque chose qui mérite réflexion.

Le 3e point c’est l’européisme, cette nouvelle religion de croire que la construction européenne est un projet qui pourrait devenir progressiste etc. d’ailleurs c’est un point de divergence au PCB avec nos amis du PTB qui sont en train d’évoluer vers une position de complaisance, de compréhension sur la construction européenne. Je crois que le fait de tomber dans ce piège est un 3e facteur énorme de confusion pour les travailleurs. Comment on peut attendre que les travailleurs puissent être eux-mêmes aussi motivés pour les luttes révolutionnaires et militantes si en même temps on est en train de lui dire que peut-être on va faire des efforts pour que le projet de la construction européenne devienne progressiste et qu’il puisse représenter les intérêts de la population. Dès sa naissance, il y a pas mal de camarades qui disent qu’il a été détourné, mais dès sa naissance le projet européen , c’est un sujet beaucoup trop long , mais je peux vous dire que dès sa naissance c’était un projet plus que réactionnaire. Il y a Emmanuel Todd, il n’y a pas longtemps, s’est demandé si le projet de l’Europe n’était pas un projet euro-fasciste. E. Todd n’est pas quelqu’un qui utilise facilement ce genre de langage. C’est la naissance qui avait cette nature là . Mais c’est un sujet plus long. Je ne peux que vous conseiller de réfléchir à cet aspect de la construction européenne. Je viens de finir un petit bouquin de Pierre Levy sur l’insurrection. J’ai rigolé en même temps de voir que l’Europe et tous les pays européens ont un projet de connivence avec les populations.

Merci beaucoup.

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