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Écologie : Produire ou ne pas produire, telle n’est pas la question

Contribution d’un jeune communiste, Thomas Liechti
Mardi 1er octobre 2019

La rencontre de la jeunesse « Quelle société pour la planète » ce vendredi 4 octobre à 18h à la salle joliot-Curie peut faire événement avec 4 jeunes représentant divers groupes mobilisés dans les marches pour le climat.

Après la publication de notre « lettre à greta », et du texte fondateur du collectif ecodefense pour alimenter la discussion de vendredi, voici un texte utile d’un jeune communiste, publié sur le site du journal l’avant-garde.

Écologie : Produire ou ne pas produire, telle n’est pas la question

Il est clair que l’écologie a pris son ancrage dans les discours, moins dans les pratiques politiques. Que ce soit pour faire de la négation du changement climatique chez Trump ou Bolsonaro, ou à l’inverse de la poser comme centralité absolue de son discours comme pour les partis « verts » en Europe, tout le monde semble s’accorder à placer l’écologie parmi les thèmes au cœur du débat politique contemporain.

On le sait, actuellement l’Humanité, au sens le plus large du terme, consomme trop de ressources, plus que la terre ne peut en renouveler. Il est donc nécessaire de revoir cette consommation de ressources à l’échelle globale. Ce postulat rassemble assez largement, mais on en arrive au nœud du problème, comment accomplir cet objectif ?

Si certains tergiversent sans fin sur qui devrait consommer moins (tantôt les pauvres des pays riches, tantôt les pauvres des pays pauvres) ou font semblant d’agir par des mesures réformistes limitées, et largement inefficaces, d’autres choisissent de ne pas attendre le « système » et changent leur mode de vie dans l’espoir d’inciter les autres à faire de même et peut-être, régler le problème en « faisant sa part » individuellement. Néanmoins, devant l’échec manifeste et pourtant prévisible des uns comme des autres, il nous est indispensable d’aller ailleurs et de chercher une critique véritablement radicale de notre modèle de société.

Rapidement, puisqu’on ne parlait d’abord que de consommation, et que cela ne mène à rien, on en arrive à parler, et c’est tant mieux d’ailleurs : de production. Effectivement, pour que quelque chose soit mis en rayon d’un magasin, il faut bien que quelqu’un l’ait produit en amont. Voilà un moment qu’on ne parlait plus de production en politique, c’était déjà trop marxiste pour le XXIe siècle il faut croire. Il valait mieux parler « entreprises », « start-up », « projets », etc. et tous les autres termes qui invisibilisent le travail concret qui est réalisé pour produire les richesses. En somme, on semble tardivement se souvenir (en Occident en tout cas) qu’il existe toujours des usines…

Et donc des ouvriers ? Et bien… pas vraiment, ils sont encore occultés du débat.

L’analyse marxiste de la production que je vais résumer à cette citation :

« Une partie de la société possède le monopole des moyens de production, le travailleur, libre ou non, est forcé d’ajouter au temps de travail nécessaire à son propre entretien un surplus destiné à produire la subsistance du possesseur des moyens de production ». K. Marx, Le Capital, Tome 1, 1867

pose ainsi un constat, celui du pouvoir qui existe au sein des rapports de production. Le Possédant exploite le travailleur au travers de la possession de ce qui permet de produire, divisant l’un et l’autre en 2 classes antagoniques de par leurs intérêts divergeants, et donc, condamnées à un affrontement, tantôt larvé, tantôt violent : c’est la lutte des classes. Dès lors, pour les marxistes, il s’agissait pour assurer la justice sociale et la fin des conflits de classes de renverser la bourgeoisie et de prendre collectivement le contrôle de la production afin de démocratiquement en définir l’usage.

Ce renversement ne s’est pas (encore) opéré (durablement). La bourgeoisie capitaliste, devenue encore plus largement internationale aujourd’hui, maintient son contrôle sur les appareils productifs. Dès lors que nous parlons de remettre la production dans le débat politique autour de l’écologie, il apparaît pour un marxiste évident de replacer la question du pouvoir et donc de la possession des moyens de production.

En revanche, certains feront remarquer (en imposant de façon assez anachronique leur point de vue d’ailleurs), à propos des exemples de régimes qui ont pris la voie du socialisme, que l’URSS, le Viêt Nam ou la Chine n’ont pas eu, dans leurs phases de développement économique socialiste, une préoccupation particulièrement écologique. Et que pour Staline, comme pour Hô Chi Minh et bien d’autres, il s’agissait avant tout de développer « les forces productives » nationales sans trop de questionnements autour des impacts sur l’environnement.

En découle une critique qui revient régulièrement, c’est la critique du fait de produire lui-même. Comme si toutes productions étaient précisément de même nature, qu’elles soient d’origine capitaliste ou pas. Ce n’est ainsi plus du tout le modèle de production qui est remis en cause, mais la nature même de la production :

« La décroissance est simplement une bannière derrière laquelle se regroupent ceux qui ont procédé à une critique radicale du développement et qui veulent dessiner les contours d’un projet alternatif pour une politique de l’après-développement. C’est donc une proposition nécessaire pour rouvrir l’espace de l’inventivité et de la créativité de l’imaginaire, bloqué par le totalitarisme économiciste, développementiste et progressiste. » S. Latouche, Le pari de la décroissance, 2006

Serge Latouche, penseur de la décroissance, dénonce ici, ce qui apparaît à ses yeux comme étant les causes de la crise écologique et la solution qu’il dévoile. Pour lui, le problème n’est pas dans le modèle économique mais dans "les imaginaires" qui sont bloqués par un "totalitarisme". Ce totalitarisme serait de 3 natures :

  • « économisciste », c’est-à -dire qu’il dénonce la place centrale de l’économie dans l’analyse. Pour y replacer donc les "acteurs locaux" et les "idées créatives" qui flotteraient à distance de ces considérations.
  • « développementaliste », c’est-à -dire qu’il faut arrêter de chercher le « développement », sous-entendu économique et productif dans le contexte, c’est un point central du travail récent de Latouche.
  • « progressiste », c’est-à -dire que le "progrès" au sens de la marche vers l’amélioration du sort des êtres humains grâce aux avancées scientifiques est en réalité une illusion qui s’impose à nos imaginaires et nous pervertit.

Pas étonnant dès lors que ses analyses fassent le bonheur des réactionnaires en tous genres, des analyses reprises presque telles quelles par le fameux Pierre Rabhi et autres Alain de Benoist, ce dernier qui écrivait par exemple :

« La décroissance représente une alternative en forme de rupture. Mais elle ne sera possible qu’à la condition d’une transformation générale des esprits. Serge Latouche parle à très juste titre de »décoloniser l’imaginaire« . Cela impose de combattre le productivisme sous toutes ses formes, en vue, non d’un retour en arrière, mais d’un dépassement. Il s’agit de faire sortir de nos têtes le primat de l’économie et l’obsession de la consommation, qui ont rendu l’homme étranger à lui-même. De rompre avec le monde des objets pour ré-instituer celui des hommes. » Alain de Benoist, L’ère du gaspillage, 2006.

Ainsi, sous couvert de dépasser le développement, le progrès, donc de dépasser ce qui a prétention à être un fil conducteur vers un futur meilleur que le passé, il offre une bannière faussement subversive et faussement avant-gardiste à un nihilisme manichéen qui oppose de façon dépolitisée et extrêmement réactionnaire les partisans de la « croissance » et ceux de la « décroissance » dont la simple différenciation serait sur l’obsession des premiers à produire sans raison, prisonniers d’un dogme aliénant et les seconds, de déconstruire la société en êtres libres-penseurs revenus à un état de nature de l’humanité, ce qui n’est que pur fantasme idéaliste.

En tant que marxistes, nos analyses démontrent que « la culture est la nature de l’homme », et que la culture est la résultante de la spécificité humaine, qui est précisément de savoir produire et penser la production :

« La spécialisation de la main, voilà qui signifie l’outil, et l’outil signifie l’activité spécifiquement humaine, la réaction modificatrice de l’homme sur la nature, la production. Il est aussi des animaux au sens étroit du mot : la fourmi, l’abeille, le castor, qui ont des outils, mais ce ne sont que des membres de leur corps ; il est aussi des animaux qui produisent, mais leur action productrice sur la nature environnante est à peu près nulle au regard de la nature. Seul l’homme est parvenu à imprimer son sceau à la nature, non seulement en déplaçant le monde végétal et animal, mais aussi en transformant l’aspect, le climat de sa résidence, voire, les animaux et les plantes, et cela à un point tel que les conséquences de son activité ne peuvent disparaître qu’avec le dépérissement général de la terre. » F. Engels, Dialectique de la Nature, 1883.

Nous devons donc, au vu de l’urgence, combattre cette idée qui est de mettre la production elle-même en cause, car toute cette démarche est stérile. Mais de poser politiquement les moyens d’opérer la production dans un sens réellement progressiste, cela passe par une prise de contrôle sur les moyens de production :

Il n’existe tout simplement pas d’idéologie « productiviste », il existe seulement des contradictions dans tous les modèles économiques et qui amènent, dans le capitalisme, à des formes perverties et irrationnelles de productions dont la crise écologique est la conséquence directe et logique.

Pour preuve, si la Chine contemporaine n’a certes plus les caractéristiques socialistes d’autrefois, elle garde de sa période socialiste cette capacité à agir politiquement sur sa planification économique et depuis quelques années on voit les efforts massifs qui sont mis en place pour inverser la tendance destructrice de l’environnement qui l’a longtemps caractérisée. L’URSS, elle même, n’a certes pas tellement montré dans son modèle socialiste qu’elle se souciait de l’écologie, mais son modèle productif de planification aurait permis d’orienter son économie vers une transition ce ce dont la société capitaliste libérale est incapable. Ce n’est pas par ce qu’elle produit (car tous les humains vivent en société, et toutes les sociétés produisent à leur manière) que la société capitaliste détruit l’environnement, c’est car elle repose sur des rapports de volontés individuelles et concurrentielles qui encouragent l’isolement individualiste et le court-termisme, qu’elle est incapable de dépasser ses contradictions par elle-même.

Il faut un changement politique, économique et mettre toutes nos connaissances vers la recherche de moyens de développements durables efficaces pour conjurer le sort que le capitalisme a, malgré lui-même, jeter sur le monde. Personne ne profitera de la destruction de notre environnement et les travailleurs sont et en seront les premiers concernés, en ce sens, la possibilité d’un large rassemblement, comme semble le souhaiter les « décroissants » est possible, encore faut-il qu’il ne repose pas sur un paradigme idéaliste et réactionnaire.

Nous gâchons déjà trop de ressources matérielles, pour dépasser la société capitaliste et la crise écologique qu’elle engendre, ne gâchons pas en plus nos ressources intellectuelles. Ne sombrons pas dans un abandon précoce et continuons de poser les vraies questions qui amèneront aux vraies réponses sur l’intérêt et la méthodologie concrète pour pour une production juste avec l’Humanité et avec son environnement.

Et, nous autres communistes, sur les réponses à ces problématiques, nous avons beaucoup à apporter.

Voir en ligne : sur le site du journal avant-garde

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