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« Le capitalisme conduit inexorablement à la barbarie »

par Élie Domota
Samedi 19 septembre 2009

Le porte-parole du LKP guadeloupéen accuse l’État de ne pas tenir ses engagements. Et met en garde contre une possible reprise de la mobilisation sociale dans l’île.

Vous avez prévenu, à la Fête de l’Humanité, que la mobilisation sociale pourrait reprendre en Guadeloupe. En quoi l’État ne respecte-t-il pas ses engagements après les accords signés en mars dernier ?

Élie Domota. Prenons l’exemple du prix des carburants. Il est prévu, dans le protocole du 4 mars, que l’État fasse rembourser les sommes qui nous ont été extorquées et que cet argent vienne alimenter un fonds pour la formation professionnelle des jeunes. Ce fonds n’a jamais vu le jour. Il était prévu que soit mis un terme au prélèvement de certaines taxes illégales, et que nous soyons remboursés. Cela n’a pas été fait. Il était prévu que soit mis un terme à cette histoire d’évaporation de l’essence qui contraint le consommateur à payer pour une essence qui n’existe pas. De ce côté-là non plus, pas de changement. Nous nous étions mis d’accord sur un véritable contrôle de la structuration des prix, associant tous les acteurs concernés, pour parvenir à une transparence totale sur les prix et l’origine du carburant. Là encore, rien n’a été fait. Au contraire, l’État prévoit une augmentation des prix des carburants. Ce n’est pas normal. Autre exemple, celui des salaires. L’accord Jacques Bino prenait pour base de calcul le salaire de base, hors primes, hors accessoires. Or, pour le versement des 100 euros pris en charge par l’État par le biais du RSTA, la Sécurité sociale doit prendre en compte les primes et les accessoires de salaires. Ce qui exclut plusieurs centaines de salariés, jugés inéligibles au RSTA, alors que les employeurs, se basant sur l’accord Jacques Bino, ont versé leur quote-part des 200 euros.

On peut également citer l’exemple des prix. Pour compenser la baisse des prix de certains produits, la grande distribution s’est arrogé des augmentations sur d’autres références. Un rapport de l’autorité de la concurrence révèle pourtant que nous avions totalement raison. Ni l’octroi de mer, ni le coût du transport ne peuvent justifier de telles marges. Il y a véritablement «  pwofitasyon ». L’autorité de la concurrence le reconnaît. Que fait l’État ? Alors qu’il s’était engagé à mettre des brigades d’inspecteurs sur le terrain, à sanctionner les dérives, l’État ne fait absolument rien. En fin de compte, il se retrouve aujourd’hui dans la position de garant de la pwofitasyon. Nous n’acceptons pas cette situation. M. Sarkozy aime à répéter que la signature est un engagement, qu’il faut respecter la parole donnée. Nous disons donc à l’État : respectez vos engagements. Autrement, nous serons obligés de redescendre dans les rues.

L’accord interprofessionnel Jacques Bino sur les salaires a été contesté, dès le départ, par le MEDEF, très hostile au préambule évoquant une «  économie de plantation ». Où en est-on de l’extension de l’accord ?

Élie Domota. L’accord a été étendu le 3 avril par M. Hortefeux, alors ministre des Affaires sociales. Mais cette extension-là montre bien que le gouvernement est au service du MEDEF. L’accord Jacques Bino initial comprenait une clause de convertibilité. Celle-ci prévoyait que les entreprises reprennent, au bout de douze mois, les 50 euros versés par les collectivités et, au bout de trois ans, les 100 euros versés par l’État. À la demande du MEDEF, organisation patronale pourtant minoritaire en Guadeloupe, cette clause de convertibilité a été supprimée. D’où cette situation absurde : les 50 000 personnes concernées par la signature de l’accord Jacques Bino initial bénéficieront de cette clause de convertibilité. Mais pas les 30 000 autres, couvertes par cette extension qui leur fera perdre 50 euros dans douze mois et 100 euros dans trois ans. Pour faire plaisir au MEDEF, le gouvernement a entériné une discrimination entre les salariés, mais aussi au niveau des employeurs. On peut dire qu’il y a distorsion de concurrence, puisque certains employeurs vont payer, alors que ceux qui ont refusé de négocier et de signer ne payeront pas. On voit bien là la connivence, la complicité, entre le MEDEF et l’État français.

Le mouvement contre la «  pwofitasyon » a mis en cause les «  rapports coloniaux » qui lient selon le LKP la Guadeloupe à l’Hexagone. Comment dépasser ce type de rapports ?

Élie Domota. Il faut changer radicalement ces rapports, ouvrir véritablement le débat. Cela concerne l’économie, la répartition des richesses, la formation, l’éducation, etc. La situation sociale qui prévaut en Guadeloupe ne peut s’expliquer sans évoquer le caractère colonial des liens qui unissent la Guadeloupe à la France. Beaucoup refusent de l’admettre, car ils bénéficient d’un certain nombre de privilèges. Mais nous, en bas de l’échelle, nous leur disons que nous sommes, comme eux, des êtres humains. Nous avons, nous aussi, le droit d’accéder au savoir, aux responsabilités. Et nous allons nous battre pour cela.

À vos yeux, la droite sarkozyste au pouvoir est-elle mue par l’idéologie colonialiste ?

Élie Domota. L’ordre colonial est toujours là , il a perduré au gré des alternances politiques. Ce système-là , il faut le faire bouger, le faire exploser. Aujourd’hui, la Guadeloupe produit essentiellement de la canne et de la banane. Ce sont des cultures d’exportation, typiquement coloniales, qui ne sont pas destinées à nourrir les Guadeloupéens. Il faut transformer notre agriculture, la destiner prioritairement à nourrir les Guadeloupéens. D’autres choses sont à revoir. Nous avons un taux d’échec scolaire préoccupant. Le taux de chômage réel des jeunes atteint pratiquement les 60 %. Nous sommes vice-champions d’Europe du chômage des jeunes. Tout cela doit nous interroger sur les liens qui nous unissent à la France. On le voit bien, ce sont des liens qui nous infériorisent, nous assujettissent.

Vous avez fortement dénoncé les discriminations pendant le mouvement. Où en est-on aujourd’hui ?

Élie Domota. Nous ne constatons pas même un début de résolution de ce problème. M. Sarkozy a nommé une ministre des DOM-TOM guadeloupéenne, qui se trouve être, comme par hasard, la fille de Mme Michaux-Chevry. Sa promotion, pour nous, ne change rien, puisqu’elle est, elle aussi, au service du grand capital. Nous avons exigé, pendant le mouvement, une politique pour la jeunesse et l’insertion durable des jeunes. Là dessus, l’accord du 4 mars prévoyait un plan d’urgence pour la formation et l’insertion des jeunes. Or sur ce front non plus, rien, absolument rien n’a été fait. En fait, l’État traîne délibérément des pieds pour permettre aux capitalistes et aux békés de se refaire une santé. Mais le peuple guadeloupéen ne se laissera pas berner ainsi sans rien faire.

Le système capitaliste traverse actuellement une crise historique. Peut-on dire que le mouvement contre la pwofitasyon avait une dimension de remise en cause des logiques de ce système ?

Élie Domota. Oui, bien entendu. Le capitalisme et les rapports de domination capitalistes conduisent inexorablement à la barbarie. Ce système protège les privilèges de ceux qui passent leur temps à marcher sur les plus faibles au nom de la compétitivité, de la toute-puissance du marché. En face, on nous demande d’être «  raisonnables ». C’est-à -dire, en réalité, d’accepter sans broncher les bas salaires, les licenciements, la casse des acquis sociaux au nom d’une prétendue «  responsabilité ».

M. Sarkozy nous montre la vraie nature de ce système. Je ne suis pas fondamentalement un pro-RSA. Mais je constate qu’il a cherché pendant des mois 1 milliard d’euros pour financer le RSA. Le même, en moins de deux heures, a mobilisé 360 milliards pour les banquiers. Ces mêmes banquiers qui se distribuent aujourd’hui l’argent entre eux sous forme de bonus faramineux. M. Sarkozy a convoqué les banquiers le 25 août dernier. Ils sont sortis de son bureau tout sourires. Comment ne pas voir là une connivence entre l’État et les milieux financiers ?

Ce qu’il faut faire à notre sens aujourd’hui, c’est se mettre ensemble, dans l’unité et la solidarité les plus larges. Que les gens descendent dans les rues, envahissent l’espace public pour dire très clairement, dans un mouvement déterminé et engagé, qu’ils en ont marre de ne bénéficier que de miettes. Certains s’en mettent plein les poches, à ne plus savoir qu’en faire. Cet argent doit bénéficier à la majorité. Il faut que tout le monde puisse vivre. L’unité sans faille affichée par le collectif LKP pendant la grève est-elle toujours de mise ? Élie Domota. Le LKP n’est pas un mouvement spontané. C’est une accumulation, une addition de luttes, de victoires, de défaites, d’expériences qui remontent à des dizaines d’années. Chacune des organisations membres du LKP avait déjà participé, à un moment ou à un autre, à un travail unitaire. Nous avions monté ensemble, en 2004, un comité de lutte contre la répression antisyndicale. Nous travaillons ensemble depuis 2002 sur une plate-forme commune de la classe ouvrière. Nous faisons des 1er mai ensemble depuis le début des années 1990. S’unir, tous ensemble, fin 2008, n’a donc pas posé de problème majeur. Le LKP est l’aboutissement d’un processus de combats et d’expériences.

Vous avez participé pour la première fois cette année à la Fête de l’Humanité. Quelles sont vos impressions ?

Élie Domota. Des impressions extraordinaires. Ce que j’apprécie, c’est cette mixité de personnes de toutes les couleurs, de toutes les origines, de toutes les cultures. On passe des concerts aux débats, en passant par des moments de rencontres, d’échanges culturels autour de repas. C’est fabuleux. J’ai rencontré une foule de gens : des Mauritaniens, des Gabonais, des Ivoiriens, des Français, des militants du PCF, de la CGT ou d’autres syndicats. J’ai découvert un brassage que je n’avais jamais vu ailleurs. Tout cela dans une ambiance très conviviale. Voir ainsi des centaines de milliers de personnes en un même lieu, c’est incroyable. J’ai été très impressionné, aussi, de l’écho rencontré par notre lutte. Comme si notre combat avait transmis de la force à d’autres, à des milliers de kilomètres. Tout ce que je peux souhaiter, c’est que les travailleurs français et leurs organisations puissent se mettre ensemble pour lutter ensemble, dans un mouvement qui aille au-delà d’une journée. Le gouvernement et les capitalistes ne craignent pas les journées de mobilisation sans suite. Pour les obliger à négocier, pour instaurer un véritable rapport de force, propre à les faire plier, il faut aller vers des grèves reconductibles.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui

Vos réactions

  • Monsieur Domota dit que « Le capitalisme et les rapports de domination capitalistes conduisent inexorablement à la barbarie. Ce système protège les privilèges de ceux qui passent leur temps à marcher sur les plus faibles au nom de la compétitivité, de la toute-puissance du marché. »

    Je suis un libéral qui lit parfois, et avec curiosité, ce site communiste. Le capitalisme est fondé d’abord sur le respect de la propriété privée. Et d’autre part sur le respect des contrats convenus entre des individus. Ce respect du droit de propriété est exactement le contraire de la barbarie. ce respect du contrat est une marque de civilisation. Le capitalisme n’est pas la barbarie, bien au contraire.

    Une question que posent les communistes est de savoir si l’Etat doit confisquer une partie des richesses des individus les plus riches.

    Ensuite Monsieur Domota critique le profit, la « pwofitasyon ». Le profit est ce qui reste au propriétaire lorqu’il a payé ses charges et ses salaires et qu’il a recu l’argent des clients. Le profit est de la richesse crée pour le propriétaire. L’application des contrats conduit a ce que la totalité du profit revient juridiquement au seul propriétaire de l’entreprise.

    L’entreprise détruit des ressources et des richesses pour créer d’autres richesses. L’entreprise crée des marchandises qu’elle vend. Vouloir faire du profit, c’est vouloir qu’il existe plus de richesses crées que de richesses détruites.

    Il est donc illogique de prétendre combattre la recherche du profit, c’est à dire la pwofitasyon. gdm

    • Quand on observe le marché, on peut effectivement se dire, que les prolétaires vendent « au juste prix », leur force de travail à un capitaliste qui vend « au juste prix » des marchandises et n’en tire du profit que parce qu’il arrive, en mobilisant le travail des prolétaires, à créer plus de richesses que ce qu’il en a consommé…

      Et aucun marxiste ne dira le contraire… saut que justement, il faut expliquer COMMENT se crée ce « surprofit » qui est à la base de l’accumulation capitaliste… et c’est ce que Marx découvre en s’apercevant qu’on ne peut rien expliquer si on reste dans le monde de l’échange, du marché, qui est en principe toujours « égal »… Contrairement aux critiques « humanistes », « idéaliste », Marx dit que le capital n’est pas un voleur qui tricherait pour faire du profit… (même si beaucoup de capitalistes trichent… !) De fait, le capital achète EN MOYENNE le travail a son juste prix, et vend EN MOYENNE ses marchandises à leur juste prix, sauf que le miracle de la production c’est que le travail produit plus de richesse qu’il n’en vaut… C’est ce qui fait la spécificité de la marchandise travail… Et Marx « descend » dans le secret de fabrication du profit, l’exploitation du travail. Quand un prolétaire (un salarié) travaille 8 heures, il a travaillé pendant 3 ou 4 heures pour rembourser la valeur de son travail, son salaire, et il travaille le reste du temps GRATUITEMENT… La valeur crée par son travail est accaparé par le capital qui en tirera le profit avec lequel il pourra se reproduire et s’accroitre… C’est le cœur des « luttes de classes » qui ne sont un choix ni pour le capital ni pour le travail, mais une réalité profonde du système..

      Or la réalité du travail, c’est qu’il est de plus en plus SOCIAL, à une échelle de plus en plus grande. Se crée ainsi une contradiction toujours plus forte entre le caractère collectif, social du travail, et le caractère privé du capital. Cette contradiction mine le développement du capital lui même qui a besoin de l’état pour imposer sa loi au service des intérêts privés, alors qu’il est en permanence obligé de mettre en œuvre une organisation du travail collective… Et il y arrive très bien, tant que les salariés acceptent que leurs efforts collectifs soient accaparés par des intérêts de plus en plus réduits à l’échelle de l’humanité… Par exemple, quand en 2009, des millions de salariés acceptent que les états paient avec leurs impôts les dettes des grands banquiers… le capital montre la réalité de sa force…

      Donc, les communsites ne détruiront pas le profit, ils le socialiseront ! c’est à dire qu’ils adapteront les rapports sociaux aux modes de production, créant ainsi les conditions d’une histoire humaine libérée de cette préhistoire des luttes de classes capitaliste… Il ne s’agit pas de confisquer les richesses.. A la limite les fortunes, on s’en fout ! L’argent ne fait pas le bonheur… ce qui nous intéresse, ce sont les conditions de production du profit et sa destination….

      Et si les prolétaires ne font pas monter le rapport des forces en faveur du salaire, le capital cherche un profit toujours plus grand, une part toujours plus grande du profit… Sans luttes sociales, sans révoltes, sans révolution.. le capital se déchaine, comme il l’a fait en cette fin de 20e siècle et pille la planète, les pays pauvres, récupère tous les acquis sociaux qu’il avait du lâcher, et remet même en cause le statut des couches moyennes, voire de la petite bourgeoisie.. Il faut que le taux de profit augmente toujours, car les capitalistes sont en concurrence entre eux, et cette concurrence ne connait pas d’autres limites que les rapports de forces des luttes de classes…

      C’est ainsi que le capital a transformé la société Franà§aise au point que la génération née en 1990 vivra moins bien que celle née en 1950… C’est cette paupérisation, qui n’est pas un choix politique, mais une loi au cœur de l’accumulation qui conduit à la barbarie… Bien sûr, ces lois ne sont pas des lois mécanistes, elles s’expriment dans l’histoire, avec ses luttes, ses batailles sociales, politiques, économiques… et par exemple, l’irruption de la chine change évidemment la donne sur beaucoup de sujets… Mais les transformations des dernières décennies, le retour de la grande pauvreté dans les pays riches, l’effondrement de l’Afrique, des anciens pays de l’Est… tout en confirme la profonde validité…

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