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Cette Nouvelle Cuisine Française

(y’a quelque chose qui mijote)
Lundi 30 mai 2005 — Dernier ajout jeudi 9 juin 2005

Salut,

Ainsi donc, vous avez désobéi. On vous avait pourtant prévenus, mais vous n’écoutez pas. C’est là un grand défaut qu’il va falloir corriger. Comme j’ai encore un capital de sympathie pour vous, je vais faire mon possible pour calmer les ardeurs vengeresses de mes collègues, mais je ne vous promets rien. Ils sont vraiment remontés contre vous, vous savez ? Et je les comprends. Ils ont bossé comme des dingues pour la faire cette Europe et vous, branleurs comme vous êtes, vous arrivez avec vos « c’est quoi cette merde ? »

Vous vous prenez pour qui, exactement ? Ce n’est pas parce qu’on vous qualifie de « peuple souverain » qu’il faut tout prendre au pied de la lettre. Après tout, on dit beaucoup de choses qui ne veulent rien dire, mais ça, vous l’avez pris au sérieux. Ca nous apprendra. Sachez toutefois que vous n’avez pas encore fini d’en entendre parler. Vous pensiez venir mettre votre petite pagaille dans les urnes et retourner tranquillement au boulot le lundi matin ? Vous NOUS prenez pour qui, exactement ?

Alors l’euro va baisser. A moins que ce ne soit le contraire, peu importe. Vous n’y comprenez rien et, à vrai dire, nous non plus, mais chut… c’est un secret. Et devinez quoi ? Quel que soit le mouvement, ça sera « mauvais pour la France, mauvais pour l’Europe » et, surtout, ça sera désormais de votre faute. Normal. Au lieu de profiter de nos lois sociales et d’investir, par exemple, dans le cadre de la loi Robien pour économiser 45000 euros d’impôts, vous et vos petits plans d’épargne-logement à la con serez désignés à la vindicte des golden-trousd’uc qui officient autour du panier. Contrairement à nous, vous n’avez pas su saisir votre chance lorsqu’elle s’est présentée. Vous avez gagné une bataille, mais la guerre n’est pas terminée, loin s’en faut. L’occasion est trop belle pour ne pas en profiter. Le chômage augmente ? « Ah, si vous aviez approuvé la Constitution, nous n’en serions pas là  »… Les délocalisations reprennent de plus belle ? « On vous avait pourtant dit qu’avec cette Constitution… » Vous en prenez plein la gueule ? « Ecoutez, on vous avait justement préparé un texte sympa, mais vous l’avez rejeté, alors… », etc. Voyez le topo ?

Comme pour les lendemains d’une grève victorieuse, nous débusquerons un par un les meneurs. Pour certains, nous les guetterons au petit matin. Nous les entendrons arriver de loin, sur leurs vélos, avec ce petit bruit exaspérant du couinement de leurs chaînes. Nous les observerons un instant prendre appui sur leur guidon pour un nouveau coup de pédale qui les rapprochera de cette valeur-ajoutée qu’ils ont osé entamer par leur action « revendicative », comme ils disent. Ils seront encore plongés dans les vapeurs de leurs rêves matutinales lorsque le coup sera assené. « A voté » seront les dernières paroles qu’ils entendront.

« Action revendicative » ? C’est quoi ces conneries ? Est-ce que vous nous entendez revendiquer ? Non, mOssieur, nous, nous agissons. Nous n’avons pas le temps de « revendiquer », mOssieur. Nous, nous construisons, nous bâtissons, nous startupisons, nous bullons financièrement, nous fusionnons. Nous redressons les comptes des sociétés pour mieux banqueroutiser ceux de LA société. Mais je m’emporte inutilement.

Pour d’autres, tout commencera par un coup frappé à la porte. Je plaisante, bien sûr, car je suis un démocrate. Oseriez-vous en douter ?

[ Bonsoir. Il est tard, excusez-nous, mais nous sommes au courant de vos petites combines. Il parait que vous rêvez, et même que vous pensez. Il paraît que vous portez une sorte de révolte, en sourdine… Que faut-il donc pour vous remettre dans le rang ? Vous broyer la tête ? Vous briser le cœur ? On peut vous arranger ça, vous savez… ]

Notre morgue à votre égard ne s’arrêtera pas là . Pour preuve, il n’y avait qu’à observer nos interventions télévisées dans les heures qui ont suivi votre caprice d’enfants gâtés. Nous avions répété sur tous les tons que la question du référendum portait sur un texte. Vous avez répondu. Libre à nous d’affirmer que vous avez répondu à côté. Ce qui n’aurait évidemment pas été le cas si vous aviez dit « oui ». De plus, en termes à peine voilés, nous étions déjà en train de vous traiter d’ignares, d’imbéciles, de chauvins, de racistes, d’anti-européens. Un collègue voulait tenter un « bande de petits cons ! » mais je l’ai arrêté à temps par un discret coup de pied sous la table. « Contre-productif » lui ai-je susurré. Il a hésité. « Pas rentable » ai-je ajouté. En entendant ce mot, il a enfin compris et a préféré parler d’autre chose. « Il faut un sursaut, une… » a-t-il éructé. Deuxième coup de pied sous la table. Il allait dire « réaction ». Et réaction = réactionnaire. « Tu vas finir par leur mettre la puce à l’oreille » lui ai-je confié, « laisse les croire qu’ils ont gagné, nous réglerons nos comptes plus tard ».

[ Allons… ne pleurez pas… Nous allons prendre bien soin de vous. Nous voulons simplement vous « guérir ». Mais tâchez d’oublier le sens du mot « penser », ou nous vous apprendrons celui de « souffrir »… Mais que faut-il donc pour vous remettre dans le rang ? Vous broyer la tête ? Vous briser le cœur ? Ca peut s’arranger, vous savez, ça peut s’arranger… ]

A vrai dire, le pire que puisse nous arriver c’est que vous transformiez ce « non » en une action positive en faveur d’une autre Europe, celle que nous avons pris soin de contourner depuis cinquante ans. Mais j’en ai déjà trop dit et, après tout, débrouillez-vous, vous êtes des adultes, non ? Mais s’il vous reste un minimum de fair-play, ne jouez pas aux étonnés si vous vous heurtez à une résistance de notre part.

[ Voilà qui est beaucoup mieux. Vous voilà enfin tout doux. Comme vous avez enfin l’air docile ! Mais… avant de partir, n’avez-vous rien à dire ? … N’auriez-vous pas quelques noms à nous donner ? ]

Vous pourriez, par exemple, commencer par tirer les leçons de cette expérience de Constitution. Vous pourriez (oh horreur !) reprendre goût à la politique. Depuis que vous avez goûté à cette tambouille que nous vous avons fait avaler depuis des années, vous avez enfin découvert le secret de notre nouvelle cuisine néo-libérale. : peu d’ingrédients mais beaucoup d’assaisonnement et, surtout, une présentation à faire concourir un rôti de veau à l’élection de Miss France (ce qui est parfois déjà la cas, d’ailleurs…). Vous vous mettriez à dire des trucs du genre « finalement, ce n’est pas si compliqué que ça… »

[ Mais que faut-il donc pour vous remettre dans le rang ? Vous broyer les têtes ? Vous briser les cœurs ? Ca peut s’arranger, vous savez, ça peut vraiment s’arranger… ]

Excusez-moi, j’étais en train de penser à autre chose… Je disais donc : mes amis et moi avons notre petite idée sur ce que vous êtes en train de mijoter… Pire encore, vous pourriez décider - serait-ce raisonnable ? - de vous installer aux fourneaux ou, au moins, de surveiller les opérations en cuisine. Vous auriez raison d’y penser, mais vous auriez tort de le faire. Parce que s’il y a une chose que nous détestons, mes amis et moi, ce sont ceux qui viennent tremper leur cuillère en bois dans le chaudron avant même que nous n’ayons eu le temps de vous présenter une belle assiette agrementée d’une feuille de salade flétrie. Et tous ces comportements vulgaires du genre « quand il y en a pour deux, il y en a pour trois » et autres « faites-lui une petite place, on partagera ce qu’il y a »…. etc.

Et puisque j’en suis aux aveux, autant vous dire que nous vouons aussi une haine sans merci à tous ceux qui mangent les frites avec les doigts.

Question de « classe » sans doute.

p/o Viktor Dedaj « gastronome, plutôt sans-culottes » 30 mai 2005 vdedaj chez club-internet.fr

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