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Crise Financière

Des tigres de papier ?

Samedi 11 octobre 2008 — Dernier ajout lundi 13 octobre 2008

La crise financière fait la une quelques années après la grande vague conservatrice qui faisait croire à la « fin de l’histoire ». Les milliards qui valsent rappellent à chacun la longue liste des crises successives du capitalisme et bouscule les constructions idéologiques de la droite conservatrice qui semblait dominer sans partage…

Alors, des tigres de papier ?

Le constat est partagé… la bulle financière révèle un système suicidaire et fait peser un risque historique à nos sociétés. La droite a choisi de jouer sur la peur pour contrôler le dérapage en accusant un « capitalisme boursier » qui aurait dénaturé les règles du jeu du marché « sain »… La gauche se contente le plus souvent d’une critique de la « dérive financière », voire du « cancer financier » qui détruit la saine économie « réelle » et rendrait donc nécessaire de meilleures « régulations »… Et bien sûr, comme dans notre petit monde politique, tout se raisonne à la hauteur des prochaines échéances électorales, tout discours de « gauche » se termine par « haro sur sarko ». Il serait malvenu de rappeler que c’est la « gauche » qui a commencé de dérèglementer la bourse sous le gouvernement Beregovoy…

Dans cette crise, il y a une conscience très largement partagée par les citoyens. Dans notre société, il y a des gros, qui peuvent tout se permettre, y compris de faire payer leur dette à l’état, et puis il y a la masse des autres, qui à la fin doivent payer de toute façon, par l’impôt, par la perte de salaires, ou par l’inflation…

Il est essentiel pour ne pas être coincé dans ce simple constat d’insister sur deux points :

  • s’il y a bien donc des classes sociales, le plus important pour les « petits » est de prendre conscience que c’est justement la « lutte » de ces classes sociales pour la défense de leurs intérêts qui est le moteur de l’histoire. Tant que les « petits » sont divisés, émiettés, individualisés… les « gros », qui eux ont les moyens de s’organiser, sont ceux qui orientent le monde. Mais dès que les petits sortent dans les rues, se parlent, s’organisent, et font vivre leur « conscience » d’être ensemble, leur « conscience de classe », alors ils sont les plus nombreux, ils peuvent tout renverser, des référendums où tout le monde leur demandait de dire oui, jusqu’aux pouvoirs politiques comme en Amérique Latine…
  • s’il y a crise financière, ce n’est pas seulement parce qu’une partie des « gros » a joué dangereusement à la bourse, ce n’est pas qu’il y a eu des « dérives », des « traders fous », c’est bien que la logique d’un système a poussé à rechercher des gains toujours plus gigantesques qui ne pouvaient être trouvés ailleurs que dans les artifices financiers…

C’est sur ce deuxième point que cet article se propose de compléter les analyses déjà parues

Cette crise est-elle celle d’une verrue ou bien celle d’un système. est-elle principalement financière, ou aussi politique, économique… Est le capitalisme lui même dont la légitimité est mis en cause brutalement ?

D’abord, qu’est ce qui a poussé les dirigeants à miser tant de capitaux dans des outils de plus en plus complexe ? Pourquoi tant de naïveté devant les martingales toujours plus délirantes que la créativité des mathématiques financières a inventé ? Les élites connaissent les risques ; crise des caisses d’épargne américaine, de la banque Long Term Credit Management, fondée par des prix Nobel d’Economie et dont la faillite couta 100 Milliards de $ aux contribuables US… Et pourtant, ils ont continué, cherchant avec frénésie des taux de profits mirifiques…

Il est vrai que le système a tout d’une cercle vicieux.. Plus un capital est engagé dans des affaires à risques, plus il est tenté par les affaires encore plus risquées, mais qui lui permette de se sortir de la première… et d’internet en immobilier, de pétrole en acro-carburants… tout le monde du capital cherche le St-Graal…. le taux de profit à 20% et plus dans lequel on peut injecter des milliards qu’on n’a pas encore, mais dont on tirera surement les millions nécessaires pour vivre parmi les très riches…

La financiarisation, n’est pourtant pas une nouveauté pour le capital. Lénine dans « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », la décrit déjà comme une caractéristique de l’impérialisme. Mais il y a un siècle, la finance est le levier qui permet au capital de démultiplier sa croissance sur toute la planète, de la contrôler en laissant ses mercenaires prendre les risques sur le terrain colonial, pendant que les banques organisent et récupèrent les profits… La financiarisation qui accélère la concentration du capital, accompagne aussi sa croissance très forte dans le défrichement capitaliste de nouveaux territoires…

Aujourd’hui, la financiarisation ne vise pas à contrôler la croissance, car, grande différence avec le 19e siècle, les pays du Sud ont conquis une part d’indépendance qui ne permet plus les mêmes prélèvements impérialistes ! La force de la Chine et de l’Inde ne permet plus de piller l’Asie aussi facilement qu’au 19e siècle, la guerre libérale en Amérique Latine a provoqué 20 ans après une vague de reconquête populaire qui ébranle l’Amérique toute entière. Si l’extension de la zone « Mark/Euro » à l’Est a permis le développement de l’Allemagne, elle se heurte désormais à la reconstruction russe, de l’Ukraine à la Géorgie…

Et plus encore, le capitalisme en croissance du 19e siècle développait son marché intérieur. John Ford avait associé à sa révolution industrielle de la ligne de fabrication un salaire élevé permettant à ses ouvriers de se payer une voiture. Or, grisé par sa victoire sans partage sur le camp socialiste, le capital mène depuis 20 ans une guerre sans merci contre les salaires, pesant sur la croissances…

De ce point de vue, la victoire du capital sur l’URSS en libérant ses logiques les plus violentes, ont aussi décuplées ses contradictions…. sans augmentation des salaires, il y a pression sur les débouchés, surtout si on ne trouve pas de terres nouvelles à développer. Le capitalisme de la séduction a bien représenté avec les médias, le cinéma, un nouvel espace de croissance, mais il ne suffit pas. L’arrogance du capital qui semblait avoir gagné la partie l’a conduit à écraser avec violence le travail dans les pays développés, à briser tous les acquis de la période de « compromis historique » que lui avait imposé le socialisme et les mouvements populaires.

Résultat, le monde du travail vit au Nord comme au Sud, une aggravation continue de l’exploitation qui permet des profits gigantesques notamment pour les grands groupes, mais qui ne suffit pas à rentabiliser les masses gigantesques de capitaux que ces super profits génèrent, car les bourgeoisies du Sud gardent une part du gâteau, et surtout de nombreux états ont conquis une politique autonome, fait renforcé par les récentes victoires populaires en Amérique Latine . Et enfin, la Chine, un quart de la planète se développe à grande vitesse, mais sous le contrôle d’un parti communiste héritier d’une longue marche vers l’indépendance nationale… et si les Chinois se sont insérés dans le marché mondial, c’est en préservant justement et jusqu’à maintenant, la maitrise de leurs outils financiers, provoquant la colère de l’occident réclament la hausse du Yuan..

Malgré la surexploitation croissante, le capital est coincé entre un marché en stagnation au Nord, et un affrontement toujours plus vif avec les indépendances du Sud, affrontement ruineux et dangereux, et qui est loin de la domination coloniale sans partage comme le montre la situation militaire en Irak et en Afghanistan.

La financiarisation est alors la réponse pour chercher à faire augmenter le taux de profit « coûte que coûte », en anticipant des gains potentiels, en gonflant une bulle sans que le prélèvement sur le travail puisse suivre au même rythme, et en tentant de la faire payer par encore plus de surexploitation, au Nord comme au Sud.

Si le capital se rue avec frénésie sur un profit financier toujours plus alambiqué et incertain, ce n’est pas seulement que quelques prix Nobel d’économique ont trouvé des martingales réputées infaillibles, c’est bien qu’il ne trouve plus, ni dans une croissance propre, ni dans la domination de la planète les sources nécessaires à sa reproduction.

Cette crise de l’accumulation conduit d’ailleurs à détruire du capital, dans les restructurations bien sûr, mais aussi dans les rachats d’actions massifs des grandes entreprises pour maintenir la rentabilité apparente du capital pour les actionnaires. Un exemple illustratif est la décision récente de Microsoft de distribuer son impressionnante trésorerie à ses actionnaires ; 40 Milliards qui représentaient un tel actif que les profits , pourtant gigantesques, n’étaient en proportion pas suffisants. Microsoft les a donc distribuer dans un super-programme de dividendes, réduisant ainsi son capital et faisant ré-augmenter son taux de profit…

Donc, il y a d’abord aggravation du taux d’exploitation, ce que montre l’évolution de la part des salaires dans le PIB. Elle permet l’ explosion des profits des grands groupes, ce que montre les résultats des entreprises du CAC40 qui battaient leurs records chaque année. Mais ces profits viennent de plus en plus de leur financiarisation, de leur mobilisation dans une spéculation sur des gains à venir… Et comme il est impossible d’obtenir la contrepartie de ces profits financiers par une croissance réelle des prélèvements sur le travail, le capital entre dans une crise systémique. Les délocalisations industrielles sont non seulement un choix stratégique accompagnant la démolition du travail au Nord et sa surexploitation au Sud, mais aussi l’aveu d’une terrible incapacité des bourgeoisies occidentales, incapables d’assumer leur rôle de dirigeant même dans les activités ou les salaires ne sont qu’un faible part du cout du produit, comme la chimie ou le papier. Et la roue tourne vite, les grèves sont souvent victorieuses comme en Roumanie, les pays du Sud défendent leurs intérêts, la prime impérialiste se réduit, on parle de « relocalisations »…

Le capital joue la fuite dans la finance spéculative, aggrave l’exploitation pour tenter d’extraire plus de profit du travail, mais en faisant cela, appauvrit le monde du travail, donc pèse sur les débouchés et finit même par désorganiser les forces productives. Sans ces profits financiers artificiels, le capital fait face à une baisse tendancielle du taux de profit étudiée par Marx. Il ne peut la résoudre sans une destruction massive de capital. C’est pour une part ce que la crise financière réalise dans un premier temps, des milliards d’actifs (qu’on dit pourris, mais qui étaient bien pris en compte dans les bilans !) sont ainsi détruits (les contribuables et salariés payant pour que ça se fasse sans que les privilégiés ne soient trop touchés…)

La cris est financière, économique, politique.. c’est une crise du système ! La crise est financière, mais aussi économique, et plus profondément encore, crise du mode de production lui même qui ne trouve plus de « révolution industrielle » pour inventer une autre source de croissance que la surexploitation des hommes et des ressources… Et si la productivité du travail a fortement progressé, il faut tenir compte de la tertiarisation, de l’externalisation, des énormes quantités de travail consommées pour le marketing, la communication, la finance….

La crise est politique, systémique devant l’échec de ce directoire du monde, de ce directoire de l’Euro qui ne peut qu’avouer son impuissance.

La financiarisation est bien la réponse « ultime » du capital pour maintenir son taux de profit qu’il ne peut plus réaliser dans le développement. Cette réponse ne peut être évidemment que provisoire et la crise est là pour le révéler à tous. La Chine, l’Inde et même la Russie sont, dans des situations différentes, une opportunité de développement, donc de sortie de crise du capitalisme. On peut donc craindre que l’affrontement entre les bourgeoisies sera terrible. La Chine, qui a recréé une bourgeoisie nationale, mais sous la direction d’un parti communiste est certainement un élément clef et inattendu de l’issue…

Mais, revenant au premier point, on ne peut conclure qu’en disant que les peuples sont au pied du mur. Ils peuvent se lever en masse, dire à leur dirigeant « qui sers-tu ? » et prendre une décision radicale « virons les tous ! » comme le chantait les équatoriens qui viennent de voter massivement pour une constitution socialiste.

Oui, l’essentiel est bien que« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes. »

Vos réactions

  • des débats récents, notamment avec le communiste économiste Raphaël Thaller, me conduise à critiquer ce texte. Le marxisme est certes un outil nécessaire, mais à condition de ne pas l’utiliser comme une formule incantatoire… Si Marx a bien mis au cœur des crises du capitalisme, la baisse tendancielle du taux de profit, il ne l’a présenté que comme une « loi tendancielle », en soulignant que le capital se battait en permanence pour contrecarrer cette tendance…

    Et de fait, les chiffres sont parlant, (notamment sur le site http://hussonet.free.fr). Le taux de profit est en croissance constante depuis 30 ans et retrouve des sommets au moment même ou se déclenche la nième crise. Cet article pourrait laisser croire que le caractère systémique de la crise viendrait d’une contradiction technique interne au système. Celà est démenti par les faits : du point de vue du capital, tout va bien, et les bourgeoisies dominantes se « gavent » comme jamais… Par contre, ce qui peut les inquiéter et qu’il faut analyser avec soin, ce sont les contradictions entre puissances capitalistes, la capacité à maintenir le taux d’exploitation avec une absence de croissance au Nord qui suppose la paupérisation croissante des couches moyennes, et les résistances du Sud toujours plus vives, le renouveau du socialisme en amérique latine…

    à suivre…

  • 1933 : le marxisme et les crises (suite)… 17 octobre 2008 07:53, par altercommunistes

    allez, je poursuis la citation…

    On n’a pas en général accordé une importance suffisante à un processus économique qui s’effectue pour ainsi dire sous nos yeux. Les dimensions formidables prises de nos jours par les puissants établissements industriels et bancaires, leur ramification variée, et le nombre toujours croissant d’individus qu’ils ont su intéresser à leur sort, font que leur « déconfiture » peut avoir des conséquences incalculables. C’est ainsi que de plus en plus fréquemment, l’on a tendance à confondre ls intérêts de ces entreprises capitalistes avec l’intérêt national et à assimiler leur désastre à une désastre national. Quand la faillite les menace, l’État vole à leur secours et aide à leur renflouement par tous les moyens dont il dispose. Il se produit de ce fait une transformation profonde de la psychologie des entrepreneurs. S’ils estiment naturel de profiter d’une période de prospérité pour réaliser des gains considérables, ils estiment non moins naturel, en période de crise, d’’être sauvés avec l’argent d la collectivité. C’est la conception de l’économie capitaliste sans risque.

    (…)

    On voit se former une espèce de capitalisme de droit divin : les capitaux doivent à ) partir d’un certain ordre de grandeur rapporter du profit par le fait même qu’ils sont des capitaux, même lorsqu’on les a employés d’une faà§on inhabile ou à des fins irrationnelles ou inutiles, même si l’ensemble de la population doit en pâtir. Ceci accentue considérablement le caractère parasitaire du capitalisme. Les manifestations de cette tendance peuvent être fort diverses, l’autarchie économique dont nous avons déjà parlé, qui abouti à maintenir artificiellement en vie des entreprises n’ayant aucune raison d’être, est un de ces symptômes : la politique actuelle des cartels allemands qui se généralise de plus en plus, en est une autre. La cartellisation en contingentant la production, ne supprime pas les entreprises peu rationnelles ou mal outillées. Fortes du contingent qu’on leur a accordé, celles-ci continueront à fonctionner jusqu’au moment ou un rival qui aura accru sensiblement son appareil producteur leur rachètera leur part. Même dans ce cas, leurs propriétaires continueront à toucher une rente et ce sont les consommateurs qui en feront les frais, grâce aux prix surélevés. N’est pas là un véritable capitalisme de droit divin ?

    Les capitalistes s’habituent à considérer qu’un profit leur est dû non en raison du fonctionnement de leurs capitaux mais en raison de leur existence, non seulement un profit, mais un taux de profit déterminé, dont ils n’acceptent pas la diminution. Si le rendement de leurs entreprises ne leur assure pas ce taux de profit, il leur faut diminuer les salaires des ouvriers ou obtenir des subsides de l’État.

    C’est pourquoi ils essayent aussi d’entraver de toutes leurs forces la dépréciation des capitaux consécutive à la crise, qui, comme nous l’avons vu, est un facteur essentiel du relèvement du taux de profit et par là de la reprise.

    pam

  • 1933 : Le marxisme et les crises… 17 octobre 2008 07:34, par altercommunistes

    voilà un texte de 1933 qui nous fera sourire dans un premier temps… (ah ce monde qui change…) mais qui nous interpelle aussi par sa conclusion… impuissante et divisée ?

    je lance un jeu concours… trouvez les noms actuels pour remplacer Say, Lescure et les autres.. !

    pam

    la crise économique d’une violence inouïe que nous traversons a balayé comme des fétus de paille des dogmes qu’hier encore l’on jugeait intangibles. Que l’on ose parler à nos hommes d’affaires de J.B. Say, leur ancienne idole, ils auront vite fait de le traiter de « farceur ». Lisez M. Kellersonn M Siegfridn M Lucius : « il n’est qu’une chose étonnante, dit ce dernier », c’est qu’on ait pu jadis le (JB Say) prendre au sérieux".

    Les trusts, les cartels, le crédit qui devaient empêcher les crises, sont désormais accusés de les avoir provoquées, d’avoir faussé le libre jeu des forces économiques. « C’est une cris de surproduction » et de « sous-consommation », entend-on de toute parts. « Le taux de profit de l’industrie est insuffisant. Si l’on veut sortir de la crise, il faut qu’un taux de profit acceptable soit garanti par l’Etat », propose M. Lescure.

    Ce même M. Lescure dans son libre sur les crises prétendait démontrer, après Tougan-Baranovsky, que la loi de la baisse tendancielle du taux de profit de K. Marx n’était que fumisterie. Et de tous cotés, de tous les milieux, la même voix s’élève : C’est l’anarchie de l’économie qui nous perd ; l’économie planifiée voilà ce qu’il nous faut. Les grandes prévisions de Marx se réalisent, ses conclusions sont dans toutes les bouches, dans celles mêmes qui affirment à l’unisson que Marx d’est trompée…

    Cependant la classe ouvrière reste impuissante et divisée.

    Le marxisme et les crises

    Jean Duret

    Les documents bleus. Notre temps. numéro 55

    Gallimard 1933

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