« Remarquez que le signe du oui est d’un homme qui s’endort ; au contraire le réveil secoue la tête et dit non. » (Alain)
Plus le mensonge est gros, a-t-on pu dire, et plus,
Aux yeux du plus grand nombre il aura des vertus.
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Un Prince de l’Esbroufe en a fait sa sentence,
Qui n’a pas craint d’avoir, à Madrid, 1 ’impudence
De prétendre qu’il n’y a rien de partisan
Dans ce Traité ;qu’on peut y trouver son comptant,
Quel que soit son parti, son clan ou son école,
Comme si ce n’était qu’une auberge espagnole,
Qu’une sorte de libre-marché, qu’on y peut
Mettre sur les produits l’étiquette qu’on veut ;
Emballer Bolkestein dans du papier Holande ;
Pour critère, n’ayant que la valeur marchande,
Changer du Camdessus au cours du Barroso ;
D’Europe, ne garder que le préfixe euro.
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Vous craignez que, de vous, l’on se joue, incrédules !
Balayez vos soupçons, vos doutes ridicules,
Clament à l’unisson les sophistes du jour,
A la Banque centrale émargeant tour à tour :
Ce Traité n’est qu’un chant de paix et d’harmonie,
Le point d’orgue de la Neuvième Symphonie
Avec, pour chef des chœurs, un Baron mélomane !
Et de nous annoncer, l’œil rivé sur l’Espagne-
Quand l’électeur, sachant qu’on décide pour lui,
Ne s’est pas déplacé ,mais aura voté oui -,
L’urne des temps futurs, et d’être relayés
Dans l’extase, aussitôt, par les ténors zélés
D’une Gauche donnant ,à leurs côtés, le change,
Prophétisant le pire au cas où l’on dérange,
En osant le refus de cette Europe-là ,
Le concert des Nantis avec tout le Gotha
De ceux qui, reniant le Mai de leur jeunesse.
Viennent, en repentis, célébrer la grand-messe
D’une Europe aux couleurs du culte marial,
Dont le voile propice évite au Capital,
Utilisant la plus retorse rhétorique,
Sous les aspects trompeurs d’un libellé technique
Chapeauté d’une Charte aux pieuses intentions,
De montrer qu’il n’a fait de rares concessions,
D’ailleurs la mort dans l’âme, aux attentes sociales,
Que pour mieux arrimer aux normes libérales
Cette Europe, qu’un dieu jadis aussi trompa
En se faisant passer pour ce qu’il n’était pas !
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Mais aussi, quel besoin aurions-nous d’aller lire ?
Ce qu’il nous faut penser, on saura nous le dire ;
On nous le dit déjà : des placards onéreux,
Grand format, haut placés, omniprésents, sûrs d’eux,
Font la réclame, s’affirmant républicaine,
Du seul choix qui s’impose, et, d’avance, rend vaine
– Tant s’ouvre à nous, par lui, le chemin du bonheur !
– Toute enquête, indécente au fond, sur la teneur
De ce texte sacré, du Nouvel Evangile,
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Que médias sans vergogne et que presse docile
Vantent dévotement ;qu’à longueur d’éditos,
Spécieux ou agressifs, on voit d’anciens maos,
Depuis longtemps rentrés au bercail de leur classe,
Bec et ongles défendre, en faisant la grimace
Si le peuple se tourne, à leur grand dam, vers ceux
Qui, contre toute attente, émettent d’autres vœux
Quant au sort de l’Europe -,et que l’on nous présente
Comme des attardés, lors même qu’on ne tente
De les confondre avec Le Pen ou de Villiers,
Que ne manquerait pas pourtant de fortifier,
Pour repliés qu’ils soient sur un non rétrograde.
Ce oui, leur permettant de mener leur croisade
D’une façon bien plus incoercible, quand,
De l’Ordre libéral sonnera le bilan ;
Quand cette Europe-là , que l’on porte au pinacle,
Ayant des droits sociaux achevé la débâcle,
Les démagogues ne s’en porteront que mieux
Pour attirer dans leurs filets les miséreux.
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Donc, du oui nous sommant d’avaler la couleuvre,
Ils voudraient nous priver du temps de mettre en œuvre
Un large et franc débat sur leur Constitution,
Et, nous prenant au piège alors ide l’abstention,
L’emporter par défaut, comme hier en Espagne.
Mais le cheval de Troie, en fait de leur campagne,
Leur ruse pour venir plus sûrement à bout
De toute résistance, est d’avoir comme atout
Qu’au sein des appareils syndicaux, quelque sbire.
Dont le nom rime à chèque ou à Jouhaux, conspire
Aux fins de conjurer les réveils militants.
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Prenons garde à tous ces tartufes dans nos rangs.
Et faisons refleurir la rouge de la rose !
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Plus que jamais ,le sort entre nos mains repose,
Si nous ne cédons pas à leur discours félon,
D’une Europe à venir, sociale pour de bon.
A nous de l’édifier sur une base juste,
A nous de refuser le droit à la flibuste
Des mercenaires du Profit et du Marché,
De jeter leur grappin sur notre humanité !
Barrons, il en est temps, la route à ces faussaires,
Leurs masques cachant mal, en eux, les adversaires
D’une Europe qui soit celle des peuples ;qui
Ne se transforme pas en un Monopoly
Où ne s’échangeraient que des places boursières.
Il en est temps encore ;ouvrons les barrières
D’une Europe échappant au camp des beaux-parleurs,
Qui nous veulent séduire en feignant des valeurs
Qu’ils trahiront demain, comme à leur habitude.
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Ils ne sont pas nombreux. C’est notre multitude,
Pourvu que nous sachions en retrouver l’esprit,
Qui se doit d’opposer à leur hautain mépris,
En un front résolu, la tranquille assurance
Que ce n’est pas leur oui qui grandira la France,
Mais - digne d’un Hugo, d’un Jaurès, d’un Danton,
Celui qui saura dire à l’Imposture : NON !