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Rencontre à Vénissieux sur le mouvement social pour les retraites

Faire prendre conscience au mouvement de ses acquis…
Mardi 2 novembre 2010 — Dernier ajout jeudi 24 décembre 2020

En rentrant de la manifestation du jeudi 28, les avis étaient unanimes en attendant les commentaires médiatiques. On nous avait promis une journée morose marquant le repli rapide du mouvement, or le nombre et la force des manifestants étaient impressionnants ! Si le chiffre annoncé de 30 000 nous parait plutôt pessimiste par rapport au vécu d’une manif toujours aussi dense que le 19, il marque de toute façon une détermination de milliers de personnes engagées malgré le vote de la loi, malgré la répétition des messages médiatiques sur la fin du mouvement… C’était l’esprit de la discussion des plus de 50 militants présents

En même temps, cette force réelle et engagée est confrontée à une détermination sans faille du pouvoir. Les milliers de grèves reconduites dans toute la France et dans de nombreux secteurs, les millions de manifestants rassemblés, le soutien très majoritaire des Français ne suffit pas à faire reculer le gouvernement Sarkozy-Fillon, car l’enjeu est essentiel pour eux comme pour les salariés.

De fait, reculer aujourd’hui, pour un gouvernement, ce n’est pas seulement la défaite d’un premier ministre, comme a pu l’être celle de Juppé en 1995, annonçant une alternance sans risque pour le système. Au contraire, si le refus du pouvoir Sarkozy s’élargit dans toutes les couches de la population, il y a peu d’illusions sur ce que fera un parti socialiste revenu au pouvoir. Sans même évoquer le social libéral DSK et ses promesses de rigueur du genre « FMI sauvant la Grèce », l’idée d’une nouvelle période de « gauche plurielle », quelle que soit la formule, et quelle que soit les accords plus ou moins clairs de la « gauche de la gauche » ou du « front de gauche », ne peut pas apparaitre comme une solution au défi des retraites.

Chacun sent bien que malgré les déclarations, un gouvernement socialiste ne pourra pas remettre en cause la réforme Fillon tout seul, pas plus que celui de 1997 n’avais mis en cause celle de Balladur… Car pour mettre en cause ces réformes au fonds, il faut redonner aux salaires et pensions la part des richesses produites qu’elles avaient il y a 20 ans, il faut donc s’affronter de manière déterminée aux grandes fortunes et aux couches sociales qui profitent du système actuel… Seul le mouvement social peut imposer une telle orientation, à condition de grandir encore, et que, comme en 1936, les luttes, les grèves, les manifestations, s’organisent dans la durée, avant, pendant, et après les élections.

On peut sans doute proposer cette perspective aux salariés les plus engagés dans l’action. S’organiser pour être capable de mettre le monde du travail dans la rue au lendemain des prochaines élections !

Et cela suppose de continuer à renforcer les forces réelles du mouvement social, d’abord en faisant la démonstration que rien n’est fini le 6 Novembre. Car si les médias redoublent d’efforts pour présenter le mouvement comme derrière nous, nous savons que la colère, l’énergie, la révolte sont toujours là  ! Pour ne pas être dépossédé de ses revendications et de son autonomie, le mouvement social doit réussir les manifestations du 6, et ouvrir partout les débats sur le bilan de ce mois d’octobre et les leçons à en tirer pour repartir dans l’action le plus tôt possible.

Bien sûr, il faut savoir comme dans tout affrontement avancer et reculer, prendre le temps de s’organiser, et aussi de se reposer, de reconstituer les forces individuelles et collectives. C’est sans doute là que se situe l’acquis principal de ce mouvement d’Octobre 2010. Nous savons mieux qu’en 2009 que l’affrontement sera total avec ce pouvoir et les forces sociales qu’il représente. Le mois d’octobre 2010 est une extraordinaire école des luttes de classe, et la diversité des situations entre entreprises va conduire à des débats passionnés dans les syndicats, chez les militants… Pourquoi tel site chimique a pu organiser une grève massive de deux semaines, et pourquoi tel site de la métallurgie n’a connu qu’une participation réduite aux manifestations ? Quel rôle des dirigeants locaux ? des batailles précédentes, de la présence ou non d’une expression politique communiste ?

La question sans doute la plus centrale est celle de l’unité du peuple. Car si des millions de salariés se sont rencontré en (re)découvrant avec joie leur force collective, ils ont aussi mesuré les absences. Le plus souvent, les précaires, les quartiers populaires se sont peu mobilisés. Un contre exemple bien sûr dans la jeunesse, ou au contraire, de nombreux lycées professionnels de banlieue ont été fortement mobilisés. C’est sans doute l’élément manquant le plus déterminant du rapport de forces. Si le privé était clairement présent dans ce mouvement, il l’était principalement par quelques grandes entreprises et de manière inégale. C’est un début, mais pour élever le niveau et menacer réellement ce pouvoir, il faut des millions de grévistes, donc des dizaines de milliers de PME mobilisées. Comment organiser intelligemment des grèves « tournantes » entre entreprises d’une filière, pour réduire le « coût » de la grève pour les salariés. Ne parlons pas de grève « par procuration », parlons d’une organisation collective de la grève, bloquant un jour en amont, un jour en aval, comme les salariés de la collecte des déchets le font avec la grève des rippeurs un jour, des chauffeurs le lendemain, du contremaitre ensuite…

Une autre question décisive est celle de la violence. Bien sûr, un mouvement de cette ampleur ne se déroule pas dans l’idéal, avec des gens bien sages et capables de déjouer toutes les provocations. Mais il faut aussi mesurer la réalité de mouvements massifs de jeunes sans organisations, dans lesquels des comportements de recherche de confrontation avec les institutions, et non pas avec le capitalisme, conduisent au contraire à des divisions du mouvement.

De nombreux témoignages sur des descentes de type « hooligans » dans des rues commerçantes, parfois très loin de la manifestation officielle, ou sur les regroupements de préados et ados devant des collèges montrent à quel niveau de révolte potentiel est une part importante de la jeunesse des quartiers populaires. Dans certaines villes, comme à Vaulx en Velin, la mobilisation forte des syndicats d’enseignants et de territoriaux a permis d’organiser des manifestations de collégiens et lycéens. Mais quand des groupes de (très) jeunes, sans organisation propre ni encadrement d’adultes se regroupent devant un établissement scolaire, tout peut se produire. Et ceux qui sont le plus intégrés dans des pratiques de vandalisme et de trafics utilisent ces manifestations spontanées pour s’affirmer comme maitre de la rue ou du quartier, transformer la revendication en apprentissage de l’affrontement contre toute institution, la police bien sûr, mais aussi le directeur d’école, le principal du collège, ou le gardien du stade, créant les conditions de la domination d’intérêts mafieux ou communautaires….

Nier l’existence de casseurs est aussi stupide que nier l’existence de provocateurs et agitateurs professionnels. Car il existe aussi un courant « autonome » pour qui la violence est le seul moyen légitime d’expression de la révolte contre cette société. Ce n’est pas une idée récente, et de ce point de vue, les analyses de Lénine au début du XXe siècle sur les décembristes et le résultat réel des attentats terroristes contre le tsar peut nous donner des éléments de réflexions utiles. L’affaiblissement du PCF depuis 20 ans, son discours le plus souvent « institutionnel », son incapacité à porter avec vigueur le refus du marché et de la concurrence capitaliste, se complaisant dans les « réformes nécessaires » de la gauche plurielle, cherchant de « nouveaux mots » comme l’ultra-libéralisme au lieu de faire vivre les acquis révolutionnaire du marxisme a ouvert encore plus grand l’espace du gauchisme, de l’anarchisme, de toutes les illusions sur « l’insurrection qui vient ». Mais si les réécritures politiques de Mai 68 font une si grande place aux autonomes de l’époque, c’est bien pour cacher l’élément central du rapport de forces qui a fait de 68 un évènement historique des luttes de classe : 10 millions de grévistes pendant près de 3 semaines, après des millions de jours de grèves en 65, 66 et 67 !

Le dialogue avec les mouvements cherchant à exprimer une révolte contre le capitalisme dans l’action immédiate est nécessaire, mais sur une base de vérité sur les conditions de la révolution. Seule, la mise en mouvement des plus larges forces sociales, la grève de millions de salariés, la participation active pas seulement dans les manifestations de millions de salariés organisant les caisses de grève, des restaurants solidaires de luttes, des gardes d’enfants pour les militants bloquant une entreprise… Cela n’a rien à voir avec l’affrontement avec la police, au contraire. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas aussi affirmer la détermination à défendre un piquet de grève, une occupation de lieu stratégique…

Il faut noter d’ailleurs que l’action de la police a clairement visé deux objectifs principaux.

  • La levée des blocus d’usines, y compris en inventant la réquisition de personnels privés
  • la division du mouvement en cherchant à séparer les manifestations non organisées de lycéens des cortèges syndicaux comme à Bellecour, et en interpellant de très nombreux jeunes avec peu d’effets sur les auteurs réels de casse.

Reste enfin à éclairer les objectifs que peut se fixer le mouvement populaire. La révolution ? c’est évidemment la seule solution à terme, et c’est la logique de l’affrontement dans ce capitalisme débridé et qui est au bout de sa logique mortifère. Mais est-ce bien la question ACTUELLEMENT posée ? Plus précisément, est-ce bien la question que le peuple peut se poser car la réponse lui est accessible ?

Partons de la revendication centrale sur les retraites que la réforme Fillon a révélée. Notre disons avec raisons qu’il est faux de prétendre que le système de répartition serait au bout du rouleau. Au contraire, il suffirait de faire évoluer les taux de cotisations patronales à la hausse de manière régulière de 12% actuellement à 20% du PIB en 2050. Est-ce la révolution ? Bien sûr que non ! C’est par contre un renversement du rapport des forces avec la bourgeoisie et tout ceux qui, de rentes spéculatives en haut salaires, ont vu leur part du gâteau augmenter régulièrement depuis 30 ans… Ce renversement du rapport de forces serait évidemment une rupture avec la domination actuelle du capital, et en tant que telle, il serait une étape sans doute essentielle dans un processus révolutionnaire. Mais bien d’autres questions seraient nécessaires sur l’emploi, l’école, les institutions, les conditions de production, l’organisation de l’agriculture, les rapports néocoloniaux et la refonte des armées, à commencer par le rapatriement des « forces extérieures »… pour caractériser une « révolution ».

Sans doute faut-il trouver la bonne formulation, en évitant les formules miracles comme la « démocratie avancée », pour proposer au mouvement populaire de se fixer l’objectif d’une augmentation forte des salaires et pensions, basée sur une réorientation politique radicale de la France réaffirmant sa souveraineté politique et économique pour répondre aux besoins du monde du travail, des quartiers populaires, quitte à sortir des règles européennes et à privilégier des relations internationales directes avec les pays en développement contre le FMI et la domination du G8… Ce n’est pas encore le socialisme, mais ca en donne un avant-goût.

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