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11es rencontres internationalistes de Vénissieux

L’immigration comme enjeu de la résistance à l’impérialisme…

Intervention de Jean-Claude Delaunay, économiste communiste
Samedi 23 novembre 2024 — Dernier ajout dimanche 8 décembre 2024

Le débat sur l’immigration est un piège de deux cotés.

  • Le premier face à la pression médiatique de l’extrême-droite, relayée largement par la droite, qui cache derrière les attaques juridiques contre Marine Le Pen le soutien de fait à son choix de faire de l’immigration l’outil de la division du peuple pour lui interdire de contester le capitalisme. Elle ne critique jamais le système économique et le patronat, détournant la colère populaire contre la vie politique et contre les immigrés.
  • Le deuxième piège est d’être sourd aux souffrances populaires face à la concurrence dans le logement, l’emploi, la santé, les droits, concurrence dans lequel les immigrés, et notamment les plus récents, sont le moyen du patronat lui aussi pour diviser, opposer, et faire reculer les droits de tous en imposant le non-droit aux migrants.

C’est pourquoi après avoir tenté de comprendre le point de vue du sud sur l’immigration, le point de vue de ceux qui se battent pour le développement de leur pays, qui ont donc besoin que les femmes et les hommes puissent y vivre et contribuer à ce développement, et avant d’évoquer le point de vue du nord sur l’accueil indigne, la concurrence, les sans-droits, nous avons interrogé un économiste communiste vivant en Chine depuis des décennies et qui a beaucoup travaillé sur le développement de la Chine, mais aussi de ses liens avec le « sud global ».

Voici donc en vidéo trois questions posées à Jean-Claude Delaunay.

  • pour résister aux idées d’extrêmes-droites, certains disent, « il y a toujours eu de l’immigration, il y en aura toujours, donc ce n’est pas le problème… » que leur dire ?
  • Si l’Afrique se développait dans les 20 ans comme la Chine depuis 20 ans, il n’y aurait plus aucun immigré africain en Europe dans 20 ans, ca renverserait complètement le rôle de l’immigration dans l’impérialisme !
  • Mais s’il y avait développement au sud stoppant l’immigration vers le nord, comment pourrait-on assurer le développement de l’europe, la réindustrialisation de la France ?
  • La différence entre la Chine et l’Afrique, c’est le socialisme ! Le projet de société est peut-être aussi important pour penser un travail utile, avec un sens collectif ? Faut-il parler de socialisme pour sortir de la « crise du travail » ?

Intervention de Jean-Claude Delaunay sur l’Immigration et le Développement Économique

Intervention de Jean-CLaude Delaunay aux 11es rencontres internationalistes

Bonjour à tous, bonjour Jean-Claude. Nous continuons ce débat sur l’immigration avec une perspective plus globale et économique sur la situation mondiale en invitant Jean-Claude Delaunay, économiste communiste du PCF, vivant depuis de nombreuses années en Chine. Il a beaucoup écrit sur l’évolution et l’histoire de la Chine, son économie et son rapport au monde. Merci, Jean-Claude, de t’être rendu disponible pour cette intervention en visio pour nos rencontres internationalistes, que tu connais bien pour y avoir déjà participé dans le passé.

Dans ce débat, la première question que je voulais te poser concerne l’immigration, un sujet politique majeur en France, souvent poussé par l’extrême droite. Un argument fréquent pour tenter de lui répondre est que l’immigration a toujours existé et existera toujours, donc ce n’est pas le véritable problème. Qu’en penses-tu ? L’immigration a-t-elle des caractéristiques particulières aujourd’hui ?

Merci, Pierre, Alain et les organisateurs de ces rencontres internationales de m’avoir invité. Le vieux communiste que je suis est sensible à cette invitation, d’autant plus que l’environnement chinois ne facilite pas la discussion, notamment pour des raisons linguistiques.

Ta question est très intéressante. Ici en Chine, on ne voit pas beaucoup d’immigration parce qu’ils n’en ont pas besoin. Alors « il y a toujours eu des immigrés et de l’immigration » ? moi quand j’étais jeune, j’entendais qu’il y a toujours eu des guerres. Il y a toujours eu des « il y a toujours eu ». Et donc pourquoi s’en faire ? On s’casse pas la la tête, puisqu’il y a toujours eu. Je pense que tout ça, ce genre de raisonnement permet au Rassemblement national et et aux gens qui tournent autour de de vivre sur leur fond de commerce. Il faut regarder les choses de plus près.

Avec l’impérialisme, il y a d’abord eu en Europe une émigration vers les pays nouveaux comme l’Amérique, l’Argentine, l’Australie, l’Afrique du Nord, notamment l’Algérie. C’était une émigration de peuplement des pauvres d’Europe et des personnes considérées comme indésirables, comme les communards. Louise Michel, par exemple, a été envoyée en Nouvelle-Calédonie. Cette émigration reportait à l’extérieur les contradictions internes.

Ensuite, il y a eu les migrations de type colonial. Les pays impérialistes ont reçu des populations bien avant le repli colonial. Par exemple, les États-Unis ont construit leurs chemins de fer avec des immigrés chinois. On retrouve ce type de migrations en Grande-Bretagne, en France et même en Allemagne, où des immigrés camerounais se sont installés sans jamais devenir allemands.

Aujourd’hui, l’immigration est différente. Elle prend place dans un impérialisme qui a lui même changé, qui est un impérialisme rentier, en fin de vie. C’est vraiment le stade suprême, parcequ’il est pris à la gorge. Il est ensuite inséré dans une révolution scientifique et technique tout à fait nouvelle, différente de celle qui existait au début du siècle. Et donc l’impérialisme rentier, c’est un impérialisme qui pompe de la plus-value et qui par conséquent appauvrit les pays dans lesquels ils pompent cette plus-value. Ces pays étant appauvris, ils envoient leur surplus de population vers la France par exemple.

De plus, cet impérialisme en fin de vie est de plus en plus agressif, engendrant des guerres et des destructions qui, à leur tour, provoquent des migrations.

Quand on fait le tour des choses de cette manière, on est mieux à même de lutter contre cette idée qu’il y a toujours eu des migrations. Il faut d’abord lutter contre l’impérialisme destructeur des économies et des sociétés avant de penser, ce qui est tout à fait légitime, à des solutions intérieures pour les immigrés. Je n’en reste pas à l’idée que il y en a toujours eu

Merci, Jean-Claude. Est-il imaginable que l’Afrique connaisse dans les 20 prochaines années le même développement que la Chine depuis 20 ans, et à quelles conditions ? Cela renverserait complètement le rôle de l’immigration face à l’impérialisme.

Il est clair que les migrations de ces pauvres gens, souvent démunis et en situation désastreuse, ne sont pas voulues. Elles cesseront très vraisemblablement lorsque leurs pays d’origine se développeront.

Celà dit, parler du développement de la Chine en 20 ans est un peu court. La nouvelle Chine s’est formée en 1949, et nous sommes 75 ans après. 20 ans, c’est un peu court ! Et il y a eu des conditions particulières au développement chinois. Alors je voudrais sans exagérer rappeler ces conditions, parce que il y a des camarades africains qui sont qui sont aux journées de Vénissieux, c’est tout à fait intéressant de leur demander, ils sont les premiers à pouvoir nous donner des informations, comment ça peut se passer.

Pour la Chine, la première condition était démographique : Il y avait un un surplus de population considérable en Chine, ils n’arrivaient plus à maîtriser la population, les naissances. Ils ont pris à la fin des années 60 une décision, la politique de l’enfant unique, mise en place dans les années 70 et 80. Cette politique était nécessaire. Elle a permis un développement rapide de l’économie socialiste chinoise, bien qu’elle entraîne aujourd’hui un vieillissement intensif de la population.

La deuxième condition importante est la révolution agricole. Le développement industriel a nécessité la migration des populations agricoles vers les villes et les lieux de développement industriel. C’est une vraie migration, et les Chinois ont cherché et ils ont un peu merdoyé d’ailleurs avec les communes. Ils pensaient que ça allait se faire rapidement. Non, ça n’a pas marché comme ça. Si je peux me permettre un un commentaire, au début finalement ces paysans qui ne sont pas révolutionnaires mais qui ont fait la révolution, on leur a demandé de financer le développement un peu sur le modèle stalinien. Staline était pris à la gorge avec les nazis. Non, financer le développement, c’est extrêmement dur. Demander aux paysans de financer le développement industriel, ce n’est pas leur boulot. Leur boulot, c’est de nourrir la population, ce qui est tout à fait différent. Les Chinois ont trouvé comment équilibrer le développement industriel avec la production agricole, mais ce n’est pas aux paysans seuls de financer ce développement. Donc notre révolution agricole commencera-t-elle en en Afrique, une Afrique qui a plus d’un milliard de populations ?

La troisième condition, importante, est le socialisme. La Chine s’est développée rapidement parce que c’est un pays socialiste, avec une unité nationale et une population prête à suivre ses dirigeants parce que ses dirigeants l’entraînent vers un avenir solide. Aujourd’hui, après 75 ans, les choses ne sont pas terminées, mais les changements sont profonds. L’urbanisation, qui était de 10 à 15 % il y a 70 ans, est maintenant supérieure à 50 %. La population agricole, qui était de 80 %, est maintenant de l’ordre de 23 %. Le socialisme se renforce, l’équipe de Xi Jinping et ses copains sont vraiment populaires, et il y a une unité nationale autour des dirigeants.

Il y a des luttes actuelles pour le développement du socialisme, comme la lutte contre la corruption, 75 ans après et c’est une clé. La corruption empêche le développement du socialisme. La Françafrique, par exemple, a empêché le développement en favorisant la corruption. Nos camarades du Congo ou d’Algérie peuvent nous donner des informations sur la situation dans leurs pays. S’il ya de la corruption, ce n’est pas si facile, ça demande des conditions et une aide de notre part.

Et l’aide que nous pourrions apporter, si nous adhérions aux BRICS, cela pourrait être une condition importante pour contribuer au développement des pays qui en ont besoin, en sachant que ce développement nous serait profitable. Il y a une sorte de main invisible du développement qui doit être prise en compte, mais ce n’est pas facile à mettre en action.

Merci, Jean-Claude. Peut-être une troisième question : quelles sont les conséquences de ce développement vu de la France ? On constate souvent, y compris des copains dans l’industrie, qu’on n’arrive plus à recruter, donc on a absolument besoin d’immigration pour assurer le développement industriel. Pourtant, les immigrés sont souvent dans des boulots mal payés, les premiers de corvée comme on dit, les métiers essentiels, on n’arrête pas d’inventer du vocabulaire pour décrire le monde du travail. Mais peut être qu’aujourd’hui dans la révolution scientifique que tu évoquais, il y a des enjeux différents liés à la à la productivité et donc à la manière dont on mobilise le travail pour le développement. Sans doute que l’immigration est liée à des formes d’exploitation qui reposent sur un rapport de force défavorable au travail et qui conduit des travailleurs, notamment sans papiers, à accepter des conditions indignes. Est ce que c’est pas un enjeu sur le développement vu de la France ?

Oui, je vais reprendre un point que j’ai critiqué quand j’étais à l’INSEE il y a une cinquantaine d’années. On observait à la fois des chômeurs et des emplois non pourvus. Il faudrait considérer le système de formation en France, dont j’ai pu observer de près en tant qu’enseignant, en tant que parent d’élève, la dégradation absolue. En Chine, il n’y a pas d’immigrés, et ils arrivent à faire le boulot dont ils ont besoin. Ils planifient de manière souple mais certaine les formations, ce qui n’est pas le cas en France. Le système d’éducation est devenu une fabrique de crétins, ce qui ne permet pas de développer le pays. Je suis désolé de reprendre le thème d’un bouquin de droite. C’est devenu une fabrique de crétin. Une fabrique de crétin ne permet pas de développer un pays comme la France. Il faut être raisonnable.

Nous, communistes, préconisons la multipolarité et le développement des pays en voie de développement. Nous disons qu’il faut s’unir contre l’impérialisme et le dollar, mais nous nous satisfaisons du fait que des populations venant de pays pauvres viennent combler les emplois dont nous avons besoin. Il y a une contradiction là. Si nous sommes pour la multipolarité, nous devons chercher en France les solutions aux problèmes que nous rencontrons. Evidemment, je suis contre l’idée de virer des immigrés. C’est de la bêtise et ce n’est pas acceptable. Mais ce n’est pas sur l’immigration que nous devons compter pour développer la France. Une politique démographique de développement de la population française doit être prise de manière immédiate. Nous devons réfléchir au rôle de la formation et du système d’éducation pour fournir les emplois nécessaires.

Un dernier point jean-claude. La première des différences entre la Chine, l’Afrique et l’Europe, c’est le socialisme. Tant qu’on reste dans un mode de développement qui est dirigé par l’intérêt privé des propriétaires de capitaux, on a du mal à penser à un avenir de la société française qui construirait autre chose. Malheureusement au PCF, on arrive toujours pas à le nommer officiellement, même si ici beaucoup n’hésite pas à l’appeler socialisme. Est-ce que ce n’est pas une question pour répondre à al crise du travail. On a dit « il n’y aura plus de travail, il faut donc un revenu universel » tout ces courants d’idées à gauche. Et beaucoup de jeunes ont un rapport au travail qu’on dit compliqué, ils voudraient avoir un sens à leur travail, mais dans le capitalisme, le seul sens c’est d’accepter la contrainte pour pouvoir vivre. Est-ce que je travaille pour construire un avenir collectif à la société, où est-ce que c’est simplement un job individuel que je dois accepter pour me débrouiller. Cette question du projet de société est sans doute importante aussi pour mobiliser les forces sociales un peu comme le parti a dit à la classe ouvrière en 1945, il faut se mettre au boulot pour reconstruire la France. Faut-il dire à la jeunesse aujourd’hui, il faut se mettre au travail pour construire le socialisme en France ?

Oui, évidemment. Nous sommes à une époque de socialisation considérable des activités et des forces productives et nous vivons sur des rapports de production pas seulement privés, mais ultra privés, dirigés par une poignée de personnes, quelques personnes et leurs familles qui dirigent ce pays avec des pitres. Aux USA, c’est pareil. C’est un système de production qui devrait permettre la vie de milliards d’individus, mais ce n’est pas le cas.

Je suppose que Daniele participe à vos journées. Je me permets de rebondir sur une de ses idées. Elle dit avec raison que les Chinois expérimentent en permanence de nouvelles pratiques pour développer le socialisme en Chine. Mais en France, nous reportons ad vitam aeternam la prise en charge de ce mot d’ordre du socialisme, alors que cela devrait être notre préoccupation première. Je suis certains que tous les participants çà cette réunion seront d’accord aussi pour leur pays. Le développement passe par le socialisme, parce que c’est le service du peuple et l’unité nationale. C’est la liaison entre l’intérêt de chacun et l’intérêt de tous, ce qui fait défaut à nos vieux pays capitalistes complètement déracinés, perturbés et qui doivent se ressaisir.

Merci beaucoup, Jean-Claude. Nous allons poursuivre le débat ici, et je ne doute pas que tu liras les comptes rendus et les réactions à ton intervention, qui a été enregistrée en vidéo.

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