La rencontre, qui réunissait 30 personnes de Corbas, Feyzin, St-Priest, Vénissieux, a commencé par une introduction sur la situation politique et la campagne du Front de Gauche de Pierre Mateo (PCF), puis une présentation des propositions du programme partagé sur l’économie par René Brouet (PCF), une présentation des propositions plus générales du programme partagé par Farouk Ababsa (PG), et une présentation de l’importance de la bataille pour le désarmement de Arlette Cavillon (PCF, qui ne parlait pas au nom du mouvement de la Paix mais que tout le monde connait pour son engagement dans ce mouvement).
Je suis intervenu pour expliquer le sens de ma présence avec d’autres communistes de la section de Vénissieux, et posé deux questions sur des enjeux politiques où, si les réponses de chacun sont différentes, il est nécessaire d’aider le mouvement social à se les approprier utilement, malgré justement les divergences :
- que faire si un gouvernement de rupture politique que nous appelons tous de nos vœux prend des décisions du programme partagé sur les salaires, le salaire maximum, le service public… qui sont contradictoires avec de nombreuses directives européennes et que l’Union Européenne décide de sanctions, de mesures de rétorsion contre un gouvernement Français élu ?
- que faire pour ne pas être sous la pression des marchés financiers si nous n’avons pas le droit de créer de la monnaie, et donc que l’état se retrouve comme la Grèce devant la menace de ne plus avoir de trésorerie ?
Pour les communistes de Vénissieux, majoritairement, la réponse est claire. Il faut refuser de respecter les directives européennes contraires à nos choix politiques, et donc ne pas avoir peur de se retrouver de fait en dehors des institutions européennes. La crise politique serait alors non pas en France, mais à Bruxelles… Et pour la monnaie, la solution bien sûr est de réaffirmer le droit de création monétaire, c’est à dire de sortir de l’Euro tel qu’il est, et avoir le droit d’émettre de la monnaie pour les besoins de la France, quel que soit cette monnaie…
Mais je sais que la direction du PCF comme des autres forces du Front de Gauche sont opposés à l’idée d’un éclatement de l’Union Européenne et de la sortie de l’Euro qui pourraient être, selon eux, les outils nécessaires d’une « Europe sociale ».
Comment faire alors dans le dialogue avec le mouvement social sur ces deux questions… ?
La première réponse est venue de Pierre Cottet (PG) disant que la future constituante résoudrait ce problème en décidant de nouvelles relations entre la France et l’Europe, et que l’essentiel n’était pas de résoudre ce problème aujourd’hui, mais de savoir quel serait le score de Mélenchon dans la 14e circonscription.
La discussion a continué sur de nombreux points, et s’est en fait concentrée non pas sur le programme partagé, mais sur les rapports entre les communistes de la section de Vénissieux et le Front de Gauche.
Quelques interventions ont cherché à mettre en avant les points de convergence en considérant que les points de divergences pouvaient être écartés pendant la campagne. Il y a certainement du travail à faire en ce sens, sans doute pas pour « cacher » les divergences, mais pour les mettre en perspective de l’action du mouvement social. Il faut certainement pour cela approfondir le débat pour les militants.
- Oui ou non l’Euro est-il une monnaie « neutre » qui peut servir les intérêts des capitalistes comme aujourd’hui mais qui pourrait servir les intérêts des travailleurs dans un autre contexte ? Comment tactiquement retrouver une capacité monétaire à l’échelle de la France qui de toute façon avec ou sans Euro continuera à échanger avec les pays voisins…
- Une « révolution citoyenne » en France pourrait-elle imposer de nouvelles règles de fonctionnement à l’Union Européenne, même si elle est la seule à avoir changé de politique ? Entrainerait-elle nécessairement d’autres ruptures politiques en Europe, jusqu’à imposer une transformation radicale de l’Union Européenne… Et si ce n’est pas le cas ?
Voilà des pistes pour « travailler » les divergences réelles qui existent entre nous, pour que ces divergences ne soient pas un obstacle au mouvement social, mais l’aide à se renforcer. Edit Chagnard a insisté aussi sur l’importance des enjeux du rapport de forces dans la réalité, dans le mouvement social, des questions de classe, qui ne progressent pas dans les médias et l’électoralisme, mais dans l’organisation concrète avec les gens… et sur lesquels on peut se retrouver malgré des divergences…
Mais ce qui est apparu assez clairement dans plusieurs interventions, c’est que certains choisissent au contraire de mettre en avant les contradictions, allant jusqu’à demander aux communistes de Vénissieux de se ranger dans le rang en acceptant la stratégie, le programme et le candidat du Front de Gauche.
C’est le cas de Idir Boumertit (PG) qui m’a interpellé sans équivoque en me demandant de dire quand j’allais enfin soutenir Mélenchon et m’intégrer dans le Front de Gauche !
D’autres intervenants que je ne connais pas l’ont même fait de manière assez agressive… Visiblement, pour ceux-là , l’heure n’est pas au rassemblement, et les pratiques politiques « nouvelles » dont ils parlent sentent les vieilles habitudes gauchistes de dénonciation et d’affrontements politiciens sur la ligne… Pour ceux-là , tout le monde doit se ranger derrière une seule tête, Mélenchon.. et au pas s’il vous plait !
On verra comment le Front de Gauche de Vénissieux se positionne dans ce débat important.
Pour ce qui me concerne, j’ai répondu le plus clairement possible à l’interpellation de Idir Boumertit. Personne ne peut bien sûr m’imposer de changer d’avis de force ! Je ne partage pas la stratégie du Front de Gauche, et je ne la défendrai donc pas, mais je sais que l’heure n’est pas aux débats internes, et je cherche justement comment mener une campagne utile au mouvement social et à la réélection d’un député communiste.
Je vais donc mener campagne pour ma part sur le fonds, sur les propositions, et je vais la mener en prenant soin de ne pas mettre en avant les contradictions avec le Front de Gauche, mais en menant cette bataille pour trois objectifs que tout le monde peut partager
- battre Sarkozy et son gouvernement des riches
- faire reculer le Front National et l’abstention
- créer les meilleurs conditions possibles du mouvement social, avant, pendant et après les élections…
J’ajoute après coup que je reste convaincu que Mélenchon est un (bon) candidat médiatique, [1], que c’est sur le fonds un candidat socialiste, mais que Allende aussi, donc que je veux bien ne pas insulter l’histoire et accepter le pari que Mélenchon soit un Allende… Sauf qu’au Chili, j’aurai pu voter communiste, tout en accompagnant Allende… L’exemple est intéressant, car personne ne sait si finalement, Mélenchon est plus proche de Allende que de Mitterrand… la réponse est sans doute non dans la personne, mais dans la situation historique…
Je pense que de nombreux communistes, à Vénissieux et ailleurs, vont mener la bataille sur les propositions, dans le cadre du Front de Gauche ou pas, en appelant ou pas à voter un peu, beaucoup ou passionnément Mélenchon, en renforçant ou pas l’organisation communiste….
Et bien sûr, à Vénissieux, nous allons mettre l’accent sur la campagne des législatives ! Plusieurs intervenants du PG ont insisté sur le lien entre le score de Mélenchon et le succès ou non des législatives. C’est surprenant comme ils connaissent bien mal la circonscription, à moins que leurs préoccupations politiques l’emportent sur une analyse concrète… Car il est évident que le député communiste de Vénissieux n’a jamais gagné avec les seules voix communistes ! Il y a 30 ans, le député Marcel Houel faisait 2 à 3 fois plus de voix que le candidat PCF aux présidentielles, et en 2007, André GERIN pour être élu a fait plus de 4 fois plus de voix que Marie-Georges BUFFET ! Nous savons que Michèle PICARD doit faire dans la 14e au moins deux ou trois fois plus de voix que Mélenchon au plus haut ! Il est donc évident que les communistes vont mener une campagne très large, ouverte à tous les syndicalistes, anticapitalistes, associatifs, républicains, laïques, humanistes, et même socialistes, qui peuvent décider qu’il vaut mieux garder un député engagé et disponible pour leurs combats ! La question est donc posée au Front de Gauche de Vénissieux. Mènera-t-il cette bataille des législatives plus large que celle des présidentielles, bien au delà de ce que représente aujourd’hui le Front de Gauche ?
De fait, aucun communiste n’a intérêt à chercher à « régler des comptes » pendant une campagne électorale. Pour ma part, je considère que le débat interne sur la stratégie du parti reprendra après les élections pour le prochain congrès… J’espère que les militants du PG auront le même respect des citoyens et trouveront leur manière de mener campagne au service du rapport de forces contre Sarkozy et Le Pen.