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33e CONGRES DU PCF

Rompre avec quoi ?

Communisme Français et Léninisme, renouveler le choix du congrès de Tours
Dimanche 19 mars 2006

Mutation, Refondation, nouveau parti… pourquoi ?

Pierre Blotin, dirigeant du PCF ayant connu de près Jacques Duclos dans les années 60 et Robert Hue dans les années 90 est très qualifié pour évoquer les changements connus par le PCF dans la deuxième moitié du 20e siècle. Dans son livre récent « communisme français, l’heure de vérité », il nous explique l’objectif des promoteurs de la mutation du PCF ayant conduit au congrès de Martigues. Pour lui, le parti communiste est le résultat de la rencontre entre un « communisme français » historique, positif et démocratique, et une révolution russe porteur du stalinisme à l’origine de l’incapacité du PCF à s’adapter au monde moderne, L’objectif de la mutation était donc de retrouver le communisme français d’origine seul porteur d’avenir.

La discussion de cette thèse n’aurait que peu d’intérêt si elle n’était pas au cœur de l’orientation proposée par la direction actuelle du PCF et notamment le texte « visée communiste ». C’est ce qui est dit par exemple en considérant que c’est la conception de Lénine du parti et du rôle de l’état qui, dès 1917 est à l’origine du stalinisme [1]. Cette thèse avait même conduit à proposer de changer le nom du PCF, idée vite abandonnée par la direction pour se concentrer sur un changement radical de contenu. Et ce n’est pas pour rien que chaque congrès depuis la mutation réinvente apparemment le projet communiste, la stratégie et les statuts, car s’il n’a pas été possible de transformer d’un seul coup le PCF en « autre chose » comme l’ont fait les dirigeants communistes italiens du PCI devenus depuis un parti démocrate à l’américaine, c’est finalement ce que fait le PCF de congrès en congrès défaisant l’identité communiste pour en extirper les références théoriques, politiques, et pratiques.

Il y a deux critiques fortes à faire à cette thèse constitutive de l’orientation du 33e congrès.

  • Tout d’abord, elle est fausse historiquement et ne permet ni de comprendre ce qu’a été le PCF au 20e siècle, ni de comprendre ce qu’a été le stalinisme.
  • Et surtout, elle est inefficace aujourd’hui pour aider les résistances à la guerre sociale généralisée que conduit le capitalisme, pour ouvrir une issue politique, tirer les leçons de l’échec de la gauche en France comme dans les autre pays développés, redonner une visibilité politique au monde du travail.

Elle est historiquement fausse.

D’abord parce que toute l’histoire du PCF est au contraire marqué par un double enracinement dans l’histoire de France et dans l’internationalisme, parce qu’il a toujours cherché comment actualiser sa stratégie aux transformations du monde, analysant le capitalisme monopoliste d’état, ou poursuivant la réflexion marxiste sur les formes de la révolution avec l’article de Thorez dans le Times après la libération évoquant la possibilité d’une voie pacifique au socialisme dans le cadre national.

Mais aussi parce Lénine étudie et s’inspire de l’histoire révolutionnaire française et qu’il faut l faut noter l’origine française de la violence révolutionnaire, tout comme l’importance des révolutions de 48 en France dans la réflexion politique de Marx sur la forme républicaine, de la commune de paris dans la réflexion sur l’état de Lénine. Non seulement, le léninisme n’est pas étranger au communisme français, mais il en est en partie né. Lénine notant même que les luttes de classes en France allait toujours jusqu’au bout pour faire émerger des formes politiques plus marquées et plus nettes qu’en Angleterre ou en Allemagne.

Quand après une période d’affaiblissement historique du mouvement ouvrier suite aux répressions de la commune, Lénine écrit les livres qui feront ce « marxisme léninisme » que le 33e congrès considère comme l’erreur du 20e siècle, il est confronté notamment a une remontée des luttes dans un contexte d’accélération sans précédent de la mondialisation financière, de la concurrence entre puissances anciennes et nouvelles dans le repartage du monde qui conduira a la première guerre mondiale. Dans cette situation les partis socialistes allaient révéler leur nature réelle, choisissant partout la compromission avec leur bourgeoisie dans la guerre, rendant ainsi nécessaire la création de partis communistes, organisés pour permettre la construction de la conscience politique du prolétariat, partis de militants indépendants des institutions et des pouvoirs.

Ce que la mutation puis la « post-mutation » considère ainsi comme une perversion du communisme historique français est au contraire son héritage dans la situation mouvementée de la guerre et de la révolution russe avant la répression dramatique de la révolution allemande

Sans compter que le communisme dans le monde a été au 20e siècle aussi divers que l’a été le capitalisme. Le caractère national des expériences socialistes est évident quand on compare les situations russes, chinoises, cubaines, chiliennes, vietnamiennes, même si, comme le dit Fidel Castro dans son discours à l’université de novembre 2005, la conception de l’internationalisme au service des intérêts soviétiques a coûté très cher au mouvement communiste.

Elle est inefficace et dangereuse aujourd’hui

Car les questions auxquelles Lénine a été confronté en 1917 sont passés sous silence alors même que des questions similaires sont posés avec insistance aujourd’hui, et qu’il est essentiel pour y répondre de comprendre la nature réelle et les causes du stalinisme, et donc de comprendre la nature de cette société soviétique, pour en tirer des leçons sur l’actualité du choix de 1920 et sa traduction dans la société du XXIe siècle.

Quelques exemples de ces questions très actuelles qui sont celles qui ont fondées ce communisme du 20e siècle.

  • Quelle différence entre la « mondialisation » dont on parle depuis les années 90 et celles du 19e siècle. Y-a-t-il un « super impérialisme » qu’il faudrait combattre quitte à s’allier avec les bourgeoisies dominées au faut-il dire comme lénine, combat d’abord ta propre bourgeoisie ?
  • Quelle est la nature de l’état, du pouvoir et de la démocratie ? Les soviets, c’étaient des conseils, comme dans conseils de quartier. Pourquoi dire d’un « socialisme des conseils » qu’il était étatique ? Pourquoi le choix de Lénine de donner « tout le pouvoir aux soviets » contre les institutions démocratiques représentatives, n’est pas considéré comme une préfiguration d’une « démocratie participative » ? Bien sûr, la question est : pourquoi le pouvoir n’est pas resté aux soviets ? question qui n’est pas qu’historique quand on fait le bilan au bout de quelques années de l’expérience de Porto Alegre et de ses limites pour changer la vie et donner le pouvoir a ceux qui travaillent ! Quand on voit a quel point la démocratie participative peut être compatible dans nos institutions avec le capitalisme ! Cela nous renvoit au fonds a notre conception de l’état ! Faut-il accepter l’état tel que nous le connaissons ou proposons-nous de le détruire ? L’intimité historique entre anarchisme et communisme est-elle dépassée ?
  • Quelle est la nature de la société chinoise ? Capitalisme d’état ? Socialisme d’état ? Economie mixte ?… comment répondre a cette question sans dire ce qu’était ce système soviétique qui n’était pas le socialisme que nous voulons, mais qui pourtant n’était pas le capitalisme qui a été restauré avec Eltsine ? Et comment caractériser la société que nous voulons, celle qui devrait selon les congrès récents du PCF « dépasser le capitalisme ».Est-elle « socialiste » ? « communiste » ? « mixte » ? Et par quoi la reconnaît-on ?
  • Entre l’internationalisme qui est depuis l’origine intimement lié au marxisme ‘prolétaires de tous les pays, unissons-nous« ’.. El pueblo unido jama sera vencido… » et le caractère national des luttes, des représentations politiques et des formes de transformation sociales, des formes de révolutions, comment agir aujourd’hui en Europe ? Miser sur une organisation transnationale, reproduisant les mêmes modèles, le même vocabulaire partout avec ce PGE (qui ne fait que reproduire une vieille conception utilitariste de l’internationale), ou au contraire enraciner partout dans l’histoire des nations les formes de résistances et de construction, et rechercher leur solidarité vraie dans le respect de leur indépendance ?

Sur ces questions comme sur d’autres, c’est un choix d’amnésie historique qui conduit le texte à affirmer que notre projet n’a rien à voir avec les mouvements communistes passés. Cette volonté de rompre avec la création du PCF en 1920 nous interdit de dire clairement ce que peut être la rupture politique et institutionnelle avec le capitalisme, d’en tirer les conséquences sur l’organisation nécessaire d’un parti communiste.

Un échec historique pour penser la révolution dans un pays capitaliste développé

Le PCF des années 60, avec toute sa force militante et électorale, n’a pas pu « tirer le PS à gauche », il n’a pas pu « faire réussir la gauche » non pas parce qu’il était enfermé dans une stratégie ancienne mais parce qu’il n’a pas pu ouvrir une perspective révolutionnaire malgré la puissance du mouvement social des années 60 aboutissant en 68 au plus grand conflit populaire de l’histoire du siècle en France. Il n’a pas surmonté cette difficulté à traduire le choix d’une voie pacifique au socialisme dans la réalité de la violence du capitalisme qu’a montré notamment le coup d’état au chili. Sans résoudre la question de l’état, sans être porteur des alliances sociales nécessaires pour construire un mouvement populaire majoritaire, le PCF s’est retrouvé prisonnier des logiques institutionnelles, des compromis électoraux, puis de l’illusion de la gestion « de gauche » dans le cadre des institutions. Il n’a pas pu organiser l’immigration dans les luttes sociales alors qu’il l’avait fait dans la résistance, laissant ainsi un champ de division au patronat et à la bataille idéologique, champ qui se révélera mortel dans le monde du travail quand Miterrand décidera de s’en servir dans les années 80.

Cet échec est d’abord l’échec de « l’intellectuel collectif » à penser la révolution dans un pays capitaliste développé, malgré les efforts théoriques des années 50/60, notamment du Comité Central d’Argenteuil. La pression des espoirs électoraux a sans doute conduit a nier l’exigence théorique nécessaire au profit de décisions tactiques de court terme qui conduiront progressivement a l’abandon des références marxistes, a la signature du programme commun dans la confusion sur le rôle du parti, de l’intervention populaire et de la présence dans les institutions.

Penser la révolution aujourd’hui

Mais l’orientation du PCF de la mutation au 33e congrès se construisant en rupture déclarée avec l’histoire communiste s’interdit de reprendre et de mener à leur terme ces efforts. Elle laisse le champ ouvert aux illusions réformistes contre lesquelles s’étaient construits les partis communistes.

Ne pas dire face aux souffrances populaires comment on affronte la bourgeoisie et son pouvoir d’état, ne pas dire comment on ne refera pas la cogestion loyale fut-elle sociale du capitalisme qu’a été 81 ou 97, c’est renoncer a la révolution, renoncer à l’identité communiste.

Dire comme le font de nombreux dirigeants du PCF que le projet communiste s’il ne veut pas n’être qu’un mot d’ordre doit se traduire en propositions défendables dans les institutions, dire par exemple qu’un fonds régional pour l’emploi serait porteur de l’identité communiste face aux drames de la politique du chômage de masse, c’est entraîner les communistes une nouvelle fois dans l’impasse, laisser le mouvement populaire dans l’illusion qu’une gauche dominée par le PS pourrait faire autre chose que ce qu’elle a déjà fait, c’est ne garder de l’histoire du PCF que ce qui en a été la perte, l’électoralisme et la recherche du compromis institutionnel.

Cela conduit à opposer identité et rassemblement alors que c’est bien cette réalité historique d’un parti ancré dans les luttes et les réalités sociales ET porteur d’une radicalité communiste que la mutation et ses suites a voulu extirper et qu’il nous faut retrouver. Pour que le NOUS hégémonique puisse se construire, ce doit être le NOUS des prolétaires, un NOUS populaire, le NOUS d’une conscience majoritaire des ruptures nécessaires avec le capitalisme. Pour cela, il faut construire à la fois le NOUS communiste qui en est l’énergie et le moteur, et le EUX contre lequel on résiste et qu’il faudra combattre de toutes nos forces. Ce NOUS n’est pas de gauche, il n’est pas électoral, il est social, populaire, de classe.

[1Le texte évoque une « conception du parti d’avant-garde totalement extérieur à la société et d’une vision étatiste du développement paralysant l’intervention citoyenne ». Voir le commentaire sur le site http://levenissian.fr/article.php3?id_article=152

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