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Vive la Nation !

Septembre 1992 : un numéro spécial du magazine communiste « Avancées scientifiques et techniques »
Jeudi 23 juillet 2009 — Dernier ajout mardi 14 avril 2020

C’est sous ce titre qu’un numéro spécial du magazine communiste « Avancées scientifiques et techniques » est paru en septembre 1992 à l’occasion du référendum sur la traité de Maastricht. En faisant du rangement, je suis tombé dessus et me suis rendu compte quel trésor politique ce numéro spécial représentait encore aujourd’hui : si je n’en ai conservé qu’un de toute la collection, il semble bien à posteriori que j’avais eu la main heureuse (aidée par un brin de conscience ?). Les articles, tous de signatures prestigieuses, nous démontrent combien la Nation est un point d’appui contre le Capital et le sésame de nos libertés, alors que l’Union européenne a réintroduit le principe de subsidiarité qui avait cours à l’époque féodale et que la révolution française avait rejeté.

L’article que j’ai choisi de vous soumettre est le premier de la revue, celui d’un historien, Antoine Casanova, alors membre du bureau politique. Pour les communistes, ce texte est d’une portée considérable, fondamentale. Et pourtant, cette analyse représente tout ce que la direction actuelle du PCF rejette : une démarche intellectuelle rigoureuse qui plonge dans les racines de notre peuple, une démarche basée sur l’Histoire avec un grand H aussi bien dans son raisonnement que par rapport à la date à laquelle il a été écrit (il y a 17 ans !), une démarche marxiste, de classe, enfin une démarche qui exclut toute intégration supranationale contrairement à la politique de renoncement prônée aujourd’hui avec le PGE.

Cet article est assez long. Mais à l’heure des vacances et de la mise en sourdine du site, ce n’est pas le temps qui nous manquera. Sa lecture ne peut que permettre de se ressourcer avant la reprise inéluctable des luttes…

Pascal Brula


La Nation,

Réalité vivante et évolutive

Antoine Casanova, Historien, membre du bureau politique du PCF (en 1992)

Avancées scientifiques et techniques, dossier « Vive la nation », supplément au n°44, septembre 1992


La nation est une réalité vivante, en mouvement. Elle représente le type de portée universelle le plus récent et le plus neuf des communautés ethno-historiques. Les faits nationaux, leur portée régressive ou libératrice ne peuvent s’envisager de façon statique, ignorante ou porteuse d’amnésie. Les élaborations idéologiques des partisans de Maastricht laissent apparaître quelques thèmes et schémas qui concourent tous à fonder en nécessité irrésistible et positive l’acceptation du traité.

C’est ainsi, nous dit-on, que tout, de l’Est à l’Ouest, montrerait la nécessité de dépasser par l’intégration politique, les Etats nationaux devenus obsolètes et qui « ont marqué l’histoire de leur violence » [1]. Deux accusations majeures jamais prouvées mais souvent répétées et proférées comme évidentes.

L’édification d’une Communauté européenne dotée de pouvoirs politiques supranationaux serait ainsi le moyen d’éviter la crue de folies nationalistes archaïques parmi les peuples d’Europe, folies « tribales » auxquelles renvoie le thème d’un récent colloque officiel (« l’Europe contre les tribus »). Pareille évolution de la C.E.E. serait (c’est là un autre thème différent mais complémentaire du précédent) au demeurant seule adéquate aux exigences d’interdépendance et de coopérations organiques de plus en plus étroites (entre nations, zones, continents…) que fonde et rend nécessaire (sauf à choisir déclin et archaïsme) la modernité du monde en cette fin du XXe siècle [2]. Aller en ce sens n’impliquerait au demeurant en rien pour les travailleurs, pour la France, le passage d’un seuil qualitatif inédit et aux risques et enjeux considérables : ratifier Maastricht, ce serait continuer à cheminer au long des mêmes voies, voies devenues depuis longtemps (avec le marché commun, le marché unique) familières et banales.

« La défiance (politique) est la vertu d’un peuple libre » disait l’abbé Grégoire en 1792. Lucidité critique, intervention personnelle comme citoyens de tous les travailleurs, sont plus que jamais nécessaires dans la croisée des chemins où nous sommes en ces semaines que nous vivons. N’est-il pas, tout d’abord, nécessaire, dans l’examen des nations et du fait national aujourd’hui, de se garder de toute manière unilatérale, courte, oublieuse des réalités, afin d’examiner les données et complexités dégagées par le mouvement de l’expérience et de la recherche historique et ethnologique ?

Une très longue histoire

1 – Les nations s’enracinent dans une très longue histoire qu’elles ont prolongée de façon inédite depuis deux cents à trois cents ans. Cette histoire, c’est celle des différents types de communauté ethno-historiques.

Depuis des centaines de milliers d’années, le mouvement historique de l’humanité est caractérisé par l’existence de processus (au niveau de l’évolution des outillages, des capacités, au niveau de la genèse et évolution des grands types de rapports sociaux que constituent les différents modes de production…) de portée plus ou moins (selon les périodes) universelle.

Le mouvement de l’histoire de l’humanité est en même temps, contradictoirement et complémentairement marqué par le fait que ces traits et processus de portée (plus ou moins fortement) universelle n’existent que dans le cadre de communautés humaines au territoire propre, et dotées de caractéristiques spécifiques, singulières en ce qui fait leur consistance sociale et culturelle. Ces communautés à l’identité originale et singulière constituent ce que j’appellerai (en reprenant et prolongeant des analyses comme celle d’André Leroi-Gourhan) [3] des communautés ethno-historiques.

2 – Ces deux forces du mouvement historique (processus de portée universelle, traits et voies singulières) sont toujours présentes, inséparables. En même temps et par ailleurs, les rapports entre ces deux aspects fondamentaux prennent des formes et des contenus de nature profondément différents aux différentes étapes de l’histoire sociale de l’humanité.

En fonction du champ des contraintes et des possibilités ouvertes par le mouvement des forces productives, la nature des rapports de production, et par les formes de division du travail et de rapports de coopération-conflits qui s’y rattachent, c’est lentement (et selon des voies diversifiées et complexes) que des types historiquement différents de communautés ethno-historiques deviennent dominants : clans et tribus, cités-Etats antiques, principautés féodales, représentent certains des principaux types de communautés ethniques de nature historique qualitativement différente. Ces différents types historiques de communautés ethno-historiques n’apparaissent et ne se transforment ni soudainement, ni de manière simple et uniforme sur l’ensemble de la planète, ni même sur des ensembles continentaux comme celui de l’Europe.

Les périodes de dominance (ce qui ne signifie point présence exclusive de toute autre) des différents types historiques de communautés ethno-historiques, sont périodes de longue et multiséculaire durée : les communautés ethno-historiques du type de la cité-Etat antique en leur mouvement de genèse, puis de permanence-transformation, sont prédominantes en méditerrannée sur plusieurs centaines d’années. Les communautés ethno-historiques du type des principautés féodales, dans leur mouvement d’apparition, d’élargissement, de transformations (aux voies d’ailleurs diverses et originales selon les zones) marquent l’Europe sur plus de mille ans.

3 – Comment, dans ce cadre, oublier que loin d’être obsolètes, les nations représentent le type de portée universelle le plus récent et le plus neuf des communautés ethno-historiques ? Leur constitution et leur affirmation [4] sont notamment inséparables des transformations des forces productives, du développement intensifié et universalisé des rapports marchands, des exigences et possibilités humaines neuves et des transformations des formes de conscience de l’identité culturelle qui s’y rattachent.

Ces processus de constitution et d’affirmation des nations sont apparus au XVIIe et au XVIIIe siècle. Ils se sont considérablement élargis en Europe et sur la planète, au XIXe et, plus amplement encore, au XXe siècle. Disons même que les toutes dernières décennies, celles de la seconde moitié du XXe siècle, sont celles où jamais on n’a vu se constituer autant de nations.

Identité nationale, une expérience commune

Ce sont aussi celles où les transformations des forces productives et des savoirs, les aspirations nées de luttes contre les dominations impérialistes ont vu (on y reviendra) les exigences d’indépendance nationale et de constitution d’un nouvel ordre international égalitaire de coopération entre les peuples devenir (tout particulièrement sous l’impulsion des pays non alignés) [5] une caractéristique puissante et radicalement inédite du mouvement historique des relations internationales.

Pas plus hier qu’aujourd’hui, les faits et les problèmes nationaux, leur portée régressive ou libératrice ne peuvent être envisagés de façon simple, statique, sincèrement ignorante ou sournoisement porteuse d’amnésie comme le font tous ceux qui croient ou feignent de croire que les nations sont en elles-mêmes et par elles-mêmes responsables des guerres (telles celles de 1870, 1914-1918, 1939-45…), ou encore des violences et des tensions sociales et ethniques. Phénomènes que la lecture de toute histoire sérieuse des relations internationales, montrent comme étant à tout le moins très difficilement séparables de la politique des classes dirigeantes maîtresses des Etats et tout particulièrement aux effets profonds des systèmes de domination impériale (tels par exemple l’Empire austro-hongrois ou l’Empire russe) et/ou impérialiste du XIXe siècle à nos jours !

Le véritable problème, c’est celui des relations du fait national avec les structures sociales et les rapports de classe qui le sous-tendent comme avec les traits et les enjeux de la conjoncture historique profonde où il s’insère et qui le surdétermine.

1 – Dans le processus de constitution des nations, puis dans la vie sociale des nations constituées (par exemple la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Allemagne aux XIXe et XXe siècles), la conscience d’identité nationale (plus ou moins claire) représente, dans ce cadre, une donnée d’expérience commune aux différentes classes et groupes sociaux (bourgeoisie, paysannerie, couches populaires, classe ouvrière, techniciens).

2 – Inversement, la référence à la nation, à l’identité nationale, à sa symbolique, ont pu et peuvent, au cours de l’évolution historique, constituer un outillage idéologique que les diverse classes sociales ont pu mettre en œuvre en leur conférant des contenus sociaux et politiques de manière politiquement différente, divergente, voire radicalement opposée. La question nationale (comme, de manière autre, la question régionale), aux diverses époques, prend des contenus et orientations différents ou opposés : ceci en fonction de la classe qui la pose et du moment où elle la pose. Et ces moments diffèrent profondément selon qu’il s’agit d’une conjoncture de développement économique, social, national relativement peu heurté, ou d’une conjoncture de crise large et durable du système social touchant l’ensemble des rapports sociaux [6].

La portée émancipatrice des mouvements nationaux

3 – C’est ainsi qu’en des temps de profonde crise sociale (comme celle du système capitaliste dans les années 1890 ou, de manière autre, les années 1930), les références à la nation, à l’identité nationale ou même à l’identité régionale [7] ont pu servir de justification idéologique nationaliste aux politiques impérialistes des bourgeoisies dirigeantes dans les grands pays capitalistes. Ces références ont pu et peuvent, en même temps, être utilisées (c’est le cas en France en ces années 1980 et 1990 par la droite et l’extrême-droite) pour nourrir la xénophobie et/ou le racisme, c’est-à -dire présenter des réponses d’obscurité face au chômage, à l’austérité, aux souffrances et colères des travailleurs.

4 – Mais ce n’est là qu’un aspect des choses : il ne peut faire oublier l’autre aspect, celui de la portée le plus souvent largement émancipatrice des mouvements nationaux depuis deux siècles.

Pensons ici au lien (exprimé avec une force radicalement neuve et exceptionnelle il y a deux cents ans en 1792) entre exigence d’unité et d’indépendance nationale, exigence de souveraineté populaire et luttes pour de profondes transformations démocratiques des structures sociales et politiques. C’est même dans la mesure où d’un côté, affirmation (au-dedans et au-dehors) de la nation contre l’ancien monde aristocratique des monarchies ou empires dominateurs de peuples-sujets de la nation, et d’un autre côté, transformations socio-politiques démocratiques, se sont trouvées fortement liées dans la Révolution française, qu’ont pu se construire des rapports profondément renouvelés entre les peuples de communautés ethno-historiques régionales (comme par exemple celle d’Alsace ou de Corse) et l’ensemble du peuple français. C’est ainsi, dans ce processus révolutionnaire, que s’est affirmée la nation française. C’est avec lui qu’au niveau des principes se trouvent définitivement refusés les pratiques et axiomes idéologiques que du Haut Moyen-âge au XVIIIe siècle (et au fil de modifications complexes et contradictoires et mises à jour) avaient élaboré et imposé les aristocrates laïques et ecclésiastiques.

Ces axiomes et règles du monde de l’Europe nobiliaire trouvent par exemple leur expression forte et condensée dans le principe (féodal) de "subsidiarité". Principe que Jacques Delors, après d’autres idéologues du grand capitalisme contemporain [8], a repris à frais nouveaux, mais à une échelle plus vaste, puisqu’il veut en faire l’axe et l’âme du fonctionnement des rapports entre pouvoir (politique) de la Communauté, et pouvoirs des nations dans l’Europe de Maastricht.

Ces règles et ce principe étaient ceux d’un ordre social et politique conçu par les idéologues et dirigeants de l’Europe féodale comme fait de communautés humaines bâties pour l’éternité de classes hiérarchisées, organisées en principautés. Un ordre où en chaque pays (dans les rapports, noblesse, clergé, Tiers Etat), comme à l’échelle d’ensemble de l’Europe, les niveaux inférieurs ont leur consistance propre et autonome d’activité complémentaire de celle des niveaux supérieurs. Des niveaux supérieurs (avec au sommet l’Empereur du Saint Empire romain germanique et surtout et d’autre façon, le Pape) [9] auxquels ils sont subordonnés, qui les orientent et les dirigent quant aux buts et finalités décisives et fondamentales.

La Révolution française a rejeté la subsidiarité

C’est le refus global de ce système d’inégalité et de sujétion entre les humains et entre les peuples qui se dessine avec la Révolution française.

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, commencent alors de s’affirmer tout à la fois le fondement inaliénable de la souveraineté nationale dans les droits de citoyens égaux et l’exigence d’un ordre civilisé entre les peuples, ordre qui ne peut être tel, s’il n’est fait de libres rapports d’association et de concertation entre nations souveraines [10].

Pensons enfin, au-delà de la France et dans un contexte tout autre, à la portée de libération des potentiels humains, des luttes qui, en de rudes conditions, ont été menées et se mènent sur la planète, notamment en Asie, Afrique, Moyen Orient, Amérique latine, depuis quarante à quarante-cinq ans : luttes pour cette liberté des libertés qu’est l’indépendance nationale ; mais aussi luttes contre l’exploitation sociale de racines locales, mais plus centralement encore contre le pillage des ressources et du travail par les sociétés et les multinationales étrangères.

Il est en tout cela une réalité massive, éclairante et significative : les luttes et combats de libération sociale et politique menés depuis deux cents ans, depuis cinquante ans, et dans les dernières décennies à l’Est, à l’Ouest et plus encore dans cet immense Sud où vivent les deux tiers de l’humanité, n’ont jamais vu les travailleurs et les peuples réclamer le maintien ou l’édification de systèmes d’autorité politique, économique et culturelle supranationale qui confisqueraient des parties essentielles de la souveraineté des nations de telle ou telle zone de la planète. Ces combats des peuples et tout particulièrement de ceux du Tiers monde, hier colonisés, aujourd’hui exploités et écrasés, n’ont de même jamais eu pour objectif l’établissement d’un "gouvernement mondial" où les grandes puissances (et aujourd’hui les Etats-Unis) imposeraient leurs directives à tous (et notamment aux plus pauvres) en plaçant en posture de "subsidiarité" organique les citoyens et la souveraineté de chaque nation.

Ce qui (avec de considérables inégalités, disparités, contradictions) se cherche et s’exprime avec une force accrue depuis cinquante ans, c’est un ordre nouveau et civilisé de rapports fondés en chaque peuple comme entre les peuples, sur la démocratie sociale et politique. Un ordre bâti au plan international tout à la fois sur le droit à l’indépendance et à la souveraineté de chacun et sur le développement (zonal, continental, mondial) de coopérations fondées sur l’égalité et la liberté des nations qui s’associent. Ce sont ces exigences qu’avaient exprimées la Charte des Nations unies en consacrant les peuples comme les seuls bénéficiaires, mais aussi comme les acteurs et les titulaires de la société mondiale. Elles ont été depuis tout à la fois plus fortement affirmées et largement contrecarrées.

De nos jours, en ce début des années 1990, les débats et combats sur la manière d’entendre et de mettre en œuvre coopération, interdépendance et nouvel ordre ente les nations à l’échelle de l’Europe et/ou du monde, se trouvent prolongés, amplifiés et transformés dans le cadre du nouveau seuil de portée historique et anthropologique immense atteint au cours des toutes dernières décennies par les forces productives humaines, ainsi que dans le cadre des crises, bouleversements, stratégies de classe et de civilisation qui se rattachent aux mutations et ébranlements liés à l’entrée dans ce seuil.

Revenons un moment sur cette question de la modernité de notre époque et de la nature de l’interdépendance qui peut s’y rattacher. Avec le mouvement des savoirs, les biotechnologies, l’énergie nucléaire et, plus centralement encore, la révolution technologique et informationnelle, s’est ouvert, je crois, un changement historique de nature qualitative au moins comparable à celui de la révolution industrielle des XVIIIe et XIXe siècles et peut-être d’aussi ample portée que celui qui, il y a environ dix mille ans, a été constitutif de la "révolution néolithique". C’est un changement d’une telle portée qui caractérise la modernité de notre époque.

Mais ce changement ne fonde en rien la légitimité des politiques de précarité, d’austérité ou l’irrésistibilité des systèmes d’impérialité supranationale. Il donne même, au contraire, bases et racines à des exigences inédites [11] de développement plénier des êtres humains, des exigences de démocratie, d’autogestion, de paix, de coopération équitable, de communication scientifique et artistique créatives, enrichissantes entre les hommes et les peuples.

Tous les sujets humains, tous les peuples sont désormais (selon des traits et voies très diversifiés et complexes), acteurs et spectateurs de l’entrée dans un seuil qualitatif immensément nouveau de l’histoire de la planète. Dans les périodes historiques antérieures, les rapports entre les communautés humaines concrètes et singulières des différents pays, zones, continents, ont été longtemps d’un niveau d’universalité faible [12]. Cela est le cas à l’époque des modes de production qui (tels le système impérialo-esclavagiste romain ou le féodalisme dans la plus grande partie de son histoire) ne touchent qu’une partie de l’univers. Avec le développement et l’extension à l’échelle de la planète du capitalisme, des rapports entre communautés historiques et humaines concrètes se sont trouvés fortement universalisés et (de façon certes très complexe) étendus à l’échelle du globe.

Mais, du XVIe au XXe siècle, cette universalisation a été et demeure fondée sur le maintien, l’approfondissement, la transformation qualitative des inégalités et des dominations. Aujourd’hui, avec les mutations qui se rattachent à l’entrée de l’humanité dans le seuil nouveau évoqué ci-dessus, est posée avec force la nature de l’essence et du contenu social et politique de rapports (entre peuples sur chaque continent et sur la planète) d’universalité et d’interdépendance plus larges et plus denses.

Un seuil qualitatif nouveau

Ces changements et la modernité contemporaine ne sont en rien ici porteurs en eux-mêmes de transformations positives. C’est en effet en fonction de l’ampleur et du niveau de conscience des luttes sociales et politiques, en fonction des choix politiques dominants qui s’expriment dans le cadre de ces luttes, que les possibilités liées à la transformation des forces productives de l’humanité d’aujourd’hui conduisent et conduiront les travailleurs citoyens dans le monde et sur un continent comme l’Europe à une modernité et à des types d’interdépendance épanouissants ou, au contraire, à une marche régressive vers l’avenir.

Les formes d’interdépendance entre nations de portée épanouissante sont celles qui sont adéquates aux exigences de développement des êtres humains, des citoyens-travailleurs par l’extension (inséparable de luttes, étapes et processus contradictoires) de la libre maîtrise de la gestion de leur vie dans l’entreprise, les collectivités territoriales, la nation.

Dans les domaines scientifique, technologique, culturel, ce qui, à l’expérience, est efficace et enrichissant pour tous, c’est le développement puissant, audacieux en Europe (et d’autre façon en d’autres zones de la planète), d’institutions et perspectives de coopérations fondées conjointement sur l’essor des bases nationales et des échanges, confrontations, construction de programmes mettant en commun les ressources et les problématiques de partenaires libres, associés, souverains. C’est là ce qui s’est fait avec Airbus avant que la C.E.E. ne s’en mêle. C’est là ce qui, à un niveau européen, est tout à la fois plus large que la C.E.E. et (jusqu’ici libre par rapport à ses contraintes de technocratie et d’étroite pesée des critères du profit financier) s’est développé entre nations au niveau du Centre d’études et de recherches nucléaires (C.E.R.N.) de Genève.

Développer le patrimoine commun de l’Europe

Ces besoins de développement de la démocratie autogestionnaire qui se rattachent à l’actuelle révolution technologique et informationnelle rendent plus que jamais indispensable, efficace, le développement du patrimoine commun d’un ensemble comme l’Europe à partir de la pleine mise en œuvre des ressources intellectuelles, symboliques, artistiques, techniques, économiques que chaque peuple tire de son histoire propre, des traits originaux de sa culture [13].

C’est en s’orientant dans ce sens qu’il est aujourd’hui possible de faire advenir par les luttes des formes d’interdépendance et un type d’universalité de qualité historique radicalement neuve. Un type d’universalité qui par étapes, processus mixtes, contradictoires (mais fondés de façon prédominante sur les besoins et l’inaliénabilité des nations qui s’associent), chemine vers un ordre de rapports (entre pays d’une zone comme l’Europe ; entre pays d’autres continents [14] ; entre l’Europe et les pays des autres continents ; entre l’ensemble de la planète) bâtis sans cesse davantage selon des voies neuves. Des voies qui en chaque pays soient prioritairement celles du plein développement des travailleurs par l’emploi, la formation, la démocratie, celles du développement et de la coopération de toutes les régions en chaque nation. Cela en travaillant en même temps à l’essor de la construction (entre nations souveraines associées dans l’égalité des droits) d’institutions et de programmes de coopérations mutuellement avantageuses et fondées sur l’épanouissement des potentialités et des atouts de chaque peuple.

Que dire des pratiques jusqu’ici réalisées et surtout de la conception pour l’avenir de l’interdépendance qui est celle des grandes bourgeoisies au niveau du monde et plus particulièrement de la C.E.E. ?

Rappelons-en ici les traits d’ensemble : les principaux groupes de maîtres du capital financier veulent apporter réponse aux défis du monde moderne en remodelant les sociétés capitalistes développées dans le sens de la précarité, de l’inégalité, tout en travaillant au maintien consolidé de la dette et du pillage des ressources matérielles et humaines du Tiers monde.

Cela implique aujourd’hui pour eux, l’organisation de l’interdépendance (économique, technologique, scientifique, culturelle) entre pays et continents dans le cadre d’une restructuration profonde des rapports internationaux selon deux processus complémentaires (qui sont aussi par ailleurs source de contradictions). D’un côté, affirmation et affermissement de l’hégémonie (avec un rôle crucial des moyens militaires de pesée politique) mondiale (ce qui passe par une minoration et/ou une dénaturation accentuée de l’O.N.U.) américaine. D’un autre côté, construction et/ou restructuration neuve de la mise des peuples en dépendance au sein de vastes zones régies (selon des modes et structures politiques diverses d’un continent à l’autre) par des puissances capitalistes comme le Japon, l’Allemagne ou les Etats-Unis eux-mêmes pour l’Amérique latine [15].

Les perspectives et difficultés (au niveau des contradictions entre impérialisme américain et intérêts des bourgeoisies dirigeantes d’Allemagne ou du Japon) de cette stratégie sont exposées avec rudesse, clarté et pertinence en quelques textes forts peu éclairés et commentés dans les moyens de communication de masse.

Un très récent document du Pentagone [16] présente ainsi les traits de l’ordre international d’un monde américain, son allure d’ensemble, ses perspectives de pôles zonaux et/ou continentaux, les remèdes envisagés par Washington face au développement des résistances des peuples ou des contradictions avec les "alliés" comme l’Allemagne ou le Japon [17].

Le traité de Maastricht transforme la C.E.E. en système supranational

La mutation qualitative que le traité de Maastricht veut faire subir à la C.E.E pour la transformer pleinement en système politique de domination supranationale, s’inscrit de manière spécifique dans ce mouvement d’ensemble des élaborations stratégiques capitalistes de la fin des années 1980 et de la décennie 1990 [18].

Le souci de tenir compte des contradictions entre bourgeoisies dirigeantes de la C.E.E. et, plus encore, la volonté d’empêcher les travailleurs (surtout en France) de percevoir l’ampleur de la perspective nocive où on veut les enfermer, ont conduit les promoteurs du traité à développer une marche par dissimulation d’objectifs.

Marche par étapes (1993, 1996, 1999…) faites de mixités contradictoires, mais au cours desquelles chemine et domine l’instauration croissante d’un système politique supranational d’allure impériale plus encore que fédérale.

C’est ce système qui rendrait possible le remodelage considérablement accentué et accéléré de tout ce qui est constitutif des droits et de l’identité des travailleurs, de chaque peuple, et tout particulièrement du peuple français. Cela en imposant, de manière brutalement encore élargie, pour esprit des lois de toutes les sphères de la vie et de l’activité humaine des travailleurs, les critères et les contraintes qui sont ceux de la croissance des profits financiers pour les grands groupes multinationaux européens (eux-mêmes à dominance allemande) et américains. Très éclairante est ici l’étroite et croissante osmose qui a existé et qui existe (dans l’élaboration du traité de Maastricht et dans l’élaboration des directives de Bruxelles) entre les instances politiques et technocratiques de la Commission et la "Table ronde", association des plus hauts représentants du grand patronat.

La marche qui commencerait avec la ratification du traité de Maastricht ne constitue pas seulement un fort prolongement de la politique régressive.

Cette marche serait en effet d’autant plus réductible et nocive qu’elle serait désormais fondée sur une transformation inédite et d’ample portée : celle de l’entrée dans un mécanisme qui verrait s’instaurer un pouvoir politique supranational devenant sans cesse davantage maître souverain des décisions dans le domaine de la monnaie (devenue monnaie unique sous l’hégémonie du mark) et de la politique économique et sociale, dans celui de la politique étrangère et de la défense (en tutelle étroite, on l’a vu, de l’O.T.A.N. et des Etats-Unis). En toutes ces matières vitales et jusqu’au niveau suprême et global (le passage dans la C.E.E. de la prise des décisions à l’unanimité à la prise des décisions à la majorité qualifiée ou simple, jouant ici un rôle croissant et décisif), la nation française perdrait cette liberté des libertés qu’est la souveraineté nationale, c’est-à -dire le droit pour chaque peuple à disposer sans cesse lui-même de son destin. Il y aurait ici une modification politique cruciale, essentielle, profonde qui constituerait le centre et le cœur de la transformation qualitative qui marquerait la C.E.E. avec la ratification du traité de Maastricht.

La souveraineté nationale, liberté des libertés

C’est cette modification essentielle que les promoteurs du traité tentent le plus d’obscurcir. C’est de la réalité et de la gravité de la subordination de la souveraineté nationale à un pouvoir supranational d’allure impériale qu’attestent pourtant leurs décisions, leurs actes et même leurs métaphores.

On peut l’apercevoir en songeant par exemple que c’est le président de la Commission de Bruxelles et ses adjoints qui depuis quelque temps (et bien avant les adversaires du traité de Maastricht) déclarent qu’il s’agit de mettre à la place de l’actuelle C.E.E. un système politique où les Etats-nations aujourd’hui souverains en viendraient (dans les matières décisives, comme les transports) [19] à être placés, par rapport aux pouvoirs centraux de la nouvelle Union européenne, en une situation de complémentarité et de subordination de même ordre que celle qui est le propre des différents Etats des Etats-Unis.

Ce n’est par ailleurs pas sur les principes (issus de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et sans le respect desquels il n’y a ni Etat de droit, ni société des nations, petites ou grandes, légitimes) de libre association entre nations égales et sans cesse inaliénablement souveraines que le traité de Maastricht fonde les relations entre pouvoir supranational et pouvoirs nationaux. Ce principe régulateur placé par Jacques Delors « au fronton du traité » [20], c’est, on l’a vu, le principe médiéval de « subsidiarité ». Le réemploi en 1991-1992 de ce principe, va considérablement au-delà des rapports de complémentarité et de hiérarchie qu’il exprimait à l’époque féodale. La subsidiarité, selon le traité de Maastricht, assure en fait au pouvoir central de la Communauté européenne, le droit intégral (et par là même un pouvoir absolu supérieur à celui des parlements, expressions pourtant de la souveraineté populaire de chaque pays) de se substituer aux Etats nationaux en tous les domaines, y compris ceux qui ne sont pas de sa compétence directe [21].

Tout confirme qu’avec un pareil cheminement, on s’en irait, comme l’annonce Jacques Delors lui-même, vers une situation où dans un proche avenir, 80% des décisions qui concernent la vie des citoyens ne relèveraient plus de la nation française mais des instances centrales de Bruxelles (le Conseil, la Commission, la future Banque centrale). Tout montre en même temps que ce ne sont point les institutions nécessaires (en cette fin de siècle d’exigences autogestionnaires) à la coordination des coopérations entre nations libres, associées et inaliénablement souveraines que le traité instaurerait. Il mettrait au contraire en place un système centralisateur, tout puissant par rapport aux droits et pouvoirs des citoyens-travailleurs titulaires de la souveraineté nationale. Système dont les instances, libres de tout contrôle populaire, régissant la vie des nations, des régions et des communes, vivant elles-mêmes en osmose avec le grand capital financier constitueraient une véritable structure impériale de type par ailleurs profondément inégalitaire.

Tout laissait prévoir, si le traité était ratifié, la mise en place d’un gouvernement central fondé sur l’association où se trouveraient en position prépondérante les représentants politiques des grandes bourgeoisies allemandes (elles-mêmes en posture maîtresse), françaises, britanniques (laquelle impose par ailleurs en partie la sauvegarde de ses visées propres) ; association à deux ou trois tenant à l’avenir en étroite tutelle les pays les plus petits et/ou les plus pauvres de la C.E.E., tout en travaillant à plier les travailleurs de tous les pays aux contraintes des exigences du capital financier.

Le document de travail de la Commission de Bruxelles révélé par le quotidien danois Extra Bladet (et qui malgré la colère du premier ministre danois n’a été jusqu’ici ni démenti ni dénoncé par J. Delors) a fait tout récemment connaître un plan qui donne corps à cette structure impériale. Il s’agirait d’instaurer un gouvernement central communautaire avec à sa tête un président aux pouvoirs élargis et d’aller vers la suppression de la présidence tournante au détriment des petits pays comme le Danemark. La C.E.E. se transformerait ainsi assez vite en un système de pouvoir impérial où l’on verrait les hauts dirigeants de quelques-uns des principaux pays capitalistes s’associer (sous la tutelle allemande) pour dominer les peuples et les travailleurs d’une « Communauté européenne », c’est-à -dire en fait d’un vaste ensemble qui représenterait (à frais nouveaux, sur des bases tout autres et dans la différence des sociétés et des époques) une construction cousine de ce que fut jusqu’en 1914, l’Empire des Habsbourg. Depuis les années 1860, aristocratie et bourgeoisies autrichiennes (en position dominante) et hongroises, s’étaient associées ici en une double monarchie pour mieux dominer, contenir, écraser les travailleurs et les autres nationalités de cette vaste partie de l’Europe centrale et danubienne.

Des risques graves d’uniformisation des cultures

Libre développement de l’identité de chaque peuple et libres échanges entre les peuples sont inséparablement à la source du renouvellement et de l’enrichissement du patrimoine culturel, des ressources, des capacités productives, du mouvement de plus haute libération de l’humanité. Cela est plus que jamais vrai à notre époque où jamais n’ont été aussi fortes les possibilités d’intervention, de création, de formation, de communication et où jamais n’ont été aussi grandes les exigences de participation personnelle des citoyens à la maîtrise politique de la vie économique, sociale et culturelle, à celle de leurs communes, de leurs régions, de la nation.

C’est dire combien est aujourd’hui nocif et régressif tout ce qui conduit à l’uniformisation et à l’aplatissement des cultures, à l’intégration en des ensembles porteurs d’inégalités et de domination, tout ce qui ampute le droit souverain et inaliénable de chaque peuple à coopérer plus fortement avec les autres à partir du libre développement de ses atouts et de ses différences.

De tels graves risques de régression existent. Les puissances nationales et multinationales de l’argent mettent tout en œuvre pour enfermer la vie économique, sociale et culturelle des nations d’Europe en des normes et des contraintes qui ne sont en rien celles de la coopération entre peuples libres.

Les fruits et les effets produits jusqu’ici dans notre pays par la prédominance d’une telle orientation sont visibles. Le potentiel agricole, industriel et technologique, la recherche fondamentale, le droit de tous à une formation de qualité sont très sévèrement mis en cause. Le production cinématographique et audiovisuelle, la création littéraire, la vie théâtrale risquent de s’étioler alors qu’elles ne manquent ni de talents, ni d’efforts inventifs.

C’est un seuil nouveau et sans précédent qui menace d’être franchi aujourd’hui. La ratification des accords de Maastricht conduirait en effet à des abandons qui touchent aux fondements même de la souveraineté nationale.

Deux cents ans après Valmy, deux cents ans après la proclamation de la République, la nation française perdrait alors le droit de décider de son destin présent et à venir, un droit, pour elle-même et pour tous les peuples, qu’elle a alors imposé à l’Europe aristocratique. Elle perdrait par là même la possibilité d’être partenaire et libre acteur d’une nouvelle étape du développement de la coopération européenne, c’est-à -dire des échanges et des partages entre peuples associés, souverains et différents.

Nous croyons à cette Europe du partage, et à cette coopération riche de l’essor des atouts et de la personnalité de chaque peuple. La France ne peut y prendre place que si elle continue à être elle-même une nation libre, une nation souveraine.

Antoine Casanova Historien, membre du Bureau politique du PCF

[1« Nous construisons l’Europe. »Acte Unique« , Grand Marché, union monétaire, ensuite politique, telle était la perspective au sein du groupe des Douze. En ce sens, il n’y a pas lieu de nous arrêter. Une amorce de dépassement des Etats nationaux qui ont marqué l’histoire de leur violence, a et gardera valeur, de toute manière. Aujourd’hui, c’est la communauté européenne qui attire. Mais il faut retailler le vêtement. L’impression règne actuellement en Europe du centre et de l’Est que nous tenons encore les peuples frères derrière un mur. Ils se veulent de la même maison ».

Y. Calvez in « Pas seulement spectateurs », Etudes, octobre 1991, pp.305-308.

[2Cf. notamment l’article de Jérôme Vignon (qui signe son article en mentionnant son titre de « conseiller de Jacques Delors ») « l’Europe après Maastricht » in Etudes, mars 1992, pp.149-160. Selon cet auteur : « Le progrès de l’interdépendance mondiale depuis deux décennies, les transformations majeures qui ont lieu dans d’autres parties du monde industrialisé, ne laissaient à ces nations (comme la France) ouvertes depuis des siècles sur l’extérieur, d’autres choix qu’entre le déclin et l’union » (p.156). Cela dans une dynamique qui depuis 1985 a conduit, en contrepartie de responsabilités économiques accrues, à élargir les institutions de la Communauté dans un sens « qui les rapproche d’un Etat fédéral » (p.150), une extension appelée selon Vignon à croître plus résolument. Mais déjà , ajoute-t-il, avec le traité de Maastricht, « même pour un observateur averti des réalités communautaires, pareille extension des responsabilités confiées à la Communauté européenne a quelque chose de spectaculaire » (p.151).

[3Sur les problèmes des rapports constants et mouvants dans l’histoire entre tendances de portée universelle (plus ou moins fortes) et traits d’évolution singulières des ensembles humains spatialement et culturellement spécifiques (dont les caractères propres sont eux-mêmes variables en fonction de l’histoire des modes de production), cf. A. Leroi-Gourhan, « Milieu et techniques », Albin Michel, Paris 1980, pp.356-373, « L’expérience ethnologique », in Ethnologie générale, éd. Gallimard, encyclopédie de la Pléiade, Paris 1968, pp.1816-1830. Cf. aussi Charles Parain, « Ethnologie et histoire », in Ethnologie et histoire, Editions sociales, Paris 1975. Cf. aussi A. Casanova, « Les outils et les hommes. Transitions et Révolution », Paris, S.E.P.I.R.M., 1989, notamment chapitres 1 et 6.

[4Pour une réflexion d’ensemble sur ces processus, du XVIIe siècle à la moitié du XXe siècle, que je ne peux ici qu’évoquer, cf. notamment l’éclairante étude (de portée théorique majeure) de Pierre Vilar, in « La Catalogne dans l’Espagne moderne », éd. Flammarion, Paris 1977, notamment pp.12-30 et 132-165. Cf. aussi les synthèses d’A. Soboul, in volume "Région et régionalisme en France du XVIIIe siècle à nos jours« , P.U.F., Paris 1977, ou encore in »Comprendre la Révolution« , éd. Maspéro, 1981, notamment pp. 247-285. Et aussi R. Martelli, »Comprendre la nation« , Editions sociales, Paris 1979 (199 pages). Edward Kardelj, »La nation et les relations internationales, Belgrade 1975 (226 pages).

[5Cf. notamment Martin Verlet, « Questions d’un nouvel ordre mondial. Quelle crise ? » La Pensée, novembre-décembre 1983, pp.27-42.

[6Cf. notamment les études d’A. Soboul et surtout de P. Vilar cités en note (4).

[7Cf. notamment Francis Arzalier, "Les perdants. La dérive fasciste des mouvements autonomistes et indépendantistes au XXe siècle", éditions La Découverte, Paris 1990.

[8Dans les années 1960, diverse élaborations définissent la grande entreprise monopoliste comme un ensemble communautaire où capitalistes, hauts cadres, salariés de différentes catégories, sont des personnes qui travaillent et peuvent s’épanouir en des « collectifs » subsidiaires et hiérarchisés entre lesquels existent et peuvent se développer des relations de collaboration et de participation dans la complémentarité et la subordination. Cf. notamment François Bloch Laîné, « Pour une réforme de l’entreprise », éd. Du Seuil 1967. Sur un mode propre, ces thèmes se retrouveront dans la Doctrine sociale de l’Eglise telle que la mettent à jour PaulVI et la Constitution conciliaire Gaudium et Spes.

[9Les pratiques et idées qui se rattachent à ces conceptions deviennent dominantes à partir du XIe siècle. Leur mise en œuvre et leur évolution sont marquées de profondes contradictions. Tôt avec Philippe Auguste et plus encore avec Philippe Le Bel, les rois de France s’affirment comme souverains. Ils refusent les prétentions de la papauté et du Saint Empire romain germanique à faire de la monarchie française un pouvoir ayant certes ses pouvoirs propres, mais placé en position de complémentarité et de subordination par rapport à l’Empire ou à Rome

[10C’est à partir des transformations dont il prolonge la perspective que Kant envisage une « union civile » de l’espèce humaine, faite de rapports civilisés entre nations égales et libres ou « alors tous, même les plus petits, pourront attendre leur sécurité et leur droit non de leur propre force et de leur propre appréciation de leur droit, mais seulement de cette grande société des nations ». Cf. Kant, « Idée d’une histoire universelle ou point de vue cosmopolitique », éd. Bordas, Paris 1981.

[11Sur ces réalités, cf. notamment Richard Gispert, « La coopération scientifique internationale », in La Pensée n°264, juillet-août 1988, pp.31 à 43.

[12« L’histoire universelle n’a pas toujours existé ; l’histoire considérée comme universelle est un résultat » notait K. Marx dans la Contribution à la critique de l’économie politique, Editions sociales 1957, p.173. Sur ces problèmes cf. notamment les études présentées dans le numéro spécial de La Pensée (« Y a-t-il, y a-t-il eu des modèles de voies de passage d’un type de société à un autre ? ») n°196, décembre 1977.

[13Ces exigences se retrouvent au niveau des coopérations sur d’autres continents, au niveau des rapports entre continents, au niveau mondial, cf. notamment Martin Verlet, « L’O.N.U. à la lumière de la crise du Golfe » in Cahiers du communisme, novembre 1990, pp.79-87. Cf. du même auteur, « L’O.N.U. et les métaphores de l’ordre international », à paraître prochainement in La Pensée.

[14Notamment à l’encontre des rapports d’exploitation et d’écrasement existants actuellement entre les puissances dominantes de la C.E.E. et les pays du Sud, notamment le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Amérique latine. Le caractère de ces rapports entre la « Nouvelle Europe » et les pays du Sud s’est manifesté avec force avec la guerre du Golfe, cf. « Jon Sobrino », « La négation de l’autre mémoire des victimes. Réflexion prophético-utopique », in « La Nouvelle Europe », n°spécial de Concilium (revue internationale de théologie) n°240, 1992, pp.15-25.

[15Cf. le récent document des conseillers de G. Bush, « Stratégie envers l’Amérique latine dans les années quatre-vingt-dix ». On trouvera l’intégralité de cet éclairant texte in D.I.A.L., n°1369. Des extraits essentiels en ont été présentés et publiés in La Pensée, n°274, mars-avril 1990, pp. 90 à 105.

[16Un article de Patrick E. Tyler in New York Times, 8 mars 1992, publié sous le titre « Le projet de stratégie des Etats-Unis exige qu’aucun rival ne se manifeste. Un monde avec une seule superpuissance », a présenté l’esprit et les extraits essentiels d’un rapport conduisant les orientations des plus hauts niveaux du Pentagone. A l’exception de l’Humanité (article de Georges Marchais, 10 mars 1992), la presse française en a assourdi et minimisé le sens. Pour une analyse et une présentation de ces textes, cf. l’étude de Jean George « L’ordre d’un monde américain » à paraître in La Pensée, mars-avril 1992.

[17Le document du Pentagone envisage que l’on entre en des périodes de « crise intense » où les gouvernements de Cuba, Corée du Nord, ou éventuellement aussi de Chine, aient des « actions qui en d’autres circonstances paraîtraient irrationnelles ». Il veut développer des « relations militaires constructives avec le Pakistan » et « décourager les aspirations hégémoniques » en Asie du Sud.

[18C’est cette connexion, non exempte de contradictions, que précise avec clarté le document du Pentagone. Le traité de Maastricht explicite encore davantage cette dépendance de « l’Union européenne » vis-à -vis du système politico-militaro-américain. La future « défense commune » relèvera de l’U.E.O. à qui, dit le traité, « l’Union demande d’élaborer et de mettre en œuvre les décisions et les actions de l’Union qui ont des implications dans le domaine de la défense ». Et l’U.E.O. qui depuis 1954 dépend étroitement de l’O.T.A.N. « agira en conformité avec les positions adoptées dans l’Alliance atlantique ». Il y aura « étroite coopération entre le secrétariat de l’U.E.O. et l’O.T.A.N. ».

[19Cf. notamment « 1992. Le Défi. Nouvelles données économiques de l’Europe sans frontières », préface de Jacques Delors, Flammarion, 1988 (247 pages), pp.61-63. Jérôme Vignon (article cité p.152) utilise aussi cette significative métaphore et estime que « l’Union européenne connaît comme autrefois l’américaine, un affrontement entre partisans de l’Union et partisans des Etats ». C’est au travers même des erreurs dont elle témoigne que la comparaison est éclairante sur les intentions des promoteurs de Maastricht : les Etats-Unis ne résultent en rien d’un regroupement avec perte de souveraineté des Etats. La Révolution américaine, la Déclaration des droits de 1776 et plus tard la Constitution de 1787, proclament l’existence d’une nation américaine souveraine dont les Etats sont parties constitutives. Avec la constitution d’un pouvoir supranational européen, il s’agit de tout autre chose. C’est-à -dire de la réduction au rang de pouvoirs locaux subordonnés, des assemblées et gouvernements porteurs aujourd’hui de la souveraineté nationale, populaire, inaliénable et indivisible.

[20J. Vignon, art. cit., pp.151-152.

[21L’article 3B du traité indique : « La communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n’intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions et des effets de l’action envisagée, être mieux réalisées au niveau communautaire ». On ne voit guère (entre les compétences exclusives de la Communauté et son droit d’intervention à la carte, hors de ses compétences exclusives), ce qui reste de pouvoir souverain aux nations.

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