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Assemblée de section de Vénissieux

histoire de la position communiste sur l’immigration

Mercredi 6 juillet 2011 — Dernier ajout vendredi 8 juillet 2011

La polémique qui a fait suite à la déclaration de presse de André Gerin éclaire avec force sur ce qui nous fait défaut, un parti communiste organisé, capable de faire vivre cet intellectuel collectif qui permet à chacun et à tous de penser ensemble le monde pour agir.

Car si on peut reprocher à André Gerin de privilégier l’intervention personnelle sans relecture collective, et de ne prévenir personne pour organiser la capacité des communistes à porter la bataille politique, il faut aussi dire clairement que sans sa déclaration forte, personne n’aurait ouvert le débat au fonds sur ces questions.

La violence et l’outrance des réactions de certains dirigeants, qui ne retiennent que quelques mots de ces propos pour l’accuser du pire pour un communiste, éclaire finalement plus sur leur position politique que sur celle de Gerin. De fait, ce qui leur est insupportable, c’est qu’un député communiste ne se soumette pas à l’orientation que la direction nationale a fait valider aux communistes. Quel contraste avec l’acceptation tacite du soutien de dirigeants nationaux à la candidature de José Bové contre Marie-Georges Buffet en 2007 ! Pourtant, on peut constater que ces dirigeants « refondateurs » étaient bien dans une démarche de rupture avec le PCF qui les a conduit quelques années plus tard à créer un nouveau parti ou à rejoindre les Verts… André Gerin, lui, affirme avec force qu’il veut « faire vivre et renforcer le PCF ! »

Après quelques jours où les plus excités se sont lâchés pour tenter de déstabiliser et de diviser les communistes, les réalités des forces militantes montrent qu’ils ne peuvent faire sans, ni bien sûr contre, les communistes de la 14e circonscription, même si on peut penser que les manœuvres et les coups bas ne sont pas terminés pour faire battre le député communiste [1]

Mais si cet épisode nous en apprend beaucoup sur les positions politiques de chacun, il a aussi ouvert un chantier idéologique de fonds. Quelle est la position collective des communistes sur l’immigration ? quelles réponses communistes à la guerre de classe qui divise le peuple dans les faits, et sur laquelle s’appuie Le Pen pour ancrer cette division dans les têtes ?

Plusieurs articles ont apportés des éclairages historiques sur l’évolution des positions du PCF. Ils sont repris et complété ici tout simplement comme éléments de lectures dans l’ordre chronologique…

Marx, Le Capital - Livre premier, Le développement de la production capitaliste,VII° section : Accumulation du capital, Chapitre XXV : Loi générale de l’accumulation capitalisteI. Livre III Production croissante d’une surpopulation relative ou d’une armée industrielle de réserve

"Des circonstances particulières favorisent l’accumulation tantôt dans telle branche d’industrie, tantôt dans telle autre. Dès que les profits y dépassent le taux moyen, des capitaux additionnels sont fortement attirés, la demande de travail s’en ressent, devient plus vive et fait monter les salaires. Leur hausse attire une plus grande partie de la classe salariée à la branche privilégiée, jusqu’à ce que celle-ci soit saturée de force ouvrière, mais, comme l’affluence des candidats continue, le salaire retombe bientôt à son niveau ordinaire ou descend plus bas encore. Alors l’immigration des ouvriers va non seulement cesser, mais faire place à leur émigration en d’autres branches d’industrie. Là l’économiste se flatte d’avoir surpris le mouvement social sur le fait. Il voit de ses propres yeux que l’accumulation du capital produit une hausse des salaires, cette hausse une augmentation des ouvriers, cette augmentation une baisse des salaires, et celle-ci enfin une diminution des ouvriers. Mais ce n’est après tout qu’une oscillation locale du marché de travail qu’il vient d’observer, oscillation produite par le mouvement de distribution des travailleurs entre les diverses sphères de placement du capital.

Pendant les périodes de stagnation et d’activité moyenne, l’armée de réserve industrielle pèse sur l’armée active, pour en refréner les prétentions pendant la période de surproduction et de haute prospérité. C’est ainsi que la surpopulation relative, une fois devenue le pivot sur lequel tourne la loi de l’offre et la demande de travail, ne lui permet de fonctionner qu’entre des limites qui laissent assez de champ à l’activité d’exploitation et à l’esprit dominateur du capital".

Lénine, octobre 1917, à propos de la révision du programme du Parti bolchevique (Œuvres complètes, tome XXVI, p.170) :

« Adopter la proposition de Sokolnikov : dans le paragraphe qui traite du progrès technique et de l’accroissement du travail des femmes et des enfants, ajouter : »de même la main-d’œuvre étrangère non spécialisée, importée des pays arriérés« . Addition précieuse et nécessaire. Précisément cette exploitation d’ouvriers plus mal rétribués venus des pays arriérés est caractéristique de l’impérialisme. C’est en particulier sur elle qu’est fondé, pour une part, le parasitisme des pays impérialistes riches qui corrompent une partie de leur ouvriers à l’aide d’un salaire plus élevé, tout en exploitant sans mesure et sans vergogne la main-d’œuvre étrangère »bon marché« . Ajouter les mots »plus mal rétribués« et »souvent privés de droits« car les exploiteurs des pays »civilisés« profitent toujours de ce que la main-d’œuvre étrangère importée est privée de droits. C’est ce qu’on observe constamment non seulement en Allemagne à l’égard des ouvriers russes, plus exactement venus de Russie, mais aussi en Suisse à l’égard des Italiens, en France à l’égard des Espagnols et des Italiens, etc. »[8]

PCF, IIIe congrès, 1924 Résolution

Le parti communiste français doit absolument empêcher que le capitalisme ne crée dans les masses des travailleurs français et immigrés de dangereux conflits d’intérêts, une concurrence périlleuse et artificielle qui provoquerait des luttes fratricides.

PCF, Ve congrès, 1926 Résolution

Le double aspect de la politique de l’immigration poursuivie par le patronat

  • l’immigration provoque une exploitation renforcée de la main d’œuvre immigrée, en donnant aux capitalistes une possibilités nouvelle d’accroitre la plus-valeur
  • la main d’œuvre étrangère sur le marché du travail permet au patronat d’"abaisser le taux de salaires du prolétariat indigène

Les travailleurs immigrés perçoivent des salaires inférieurs à ceux des travailleurs français, sont contraints de faire diux à quatorze heures de travail par jour, sont logés dans des habitations insalubres, privés des droits les plus élémentaires

Les tâches du parti :

  • entrainer et influencer les masses de l’immigration. il faut démontrer aux ouvriers immigrés que leurs intérêts sont communs avec ceux du prolétariat français et que ce dernier est solidaire d’eux
  • lutte contre la répression, contre les expulsions, pour le droit d’asile avec énergie et persévérance
  • combattre la xénophobie dans le prolétariat français et imposer la solidarité effective, totale, avec l’ouvrier immigré.

Changer de Cap : Programme communiste 1971…

le nombre de travailleurs immigrés accueillies en France chaque année sera déterminé par le plan démocratique. Les demandes de main d’œuvre immigrée seront adressées par les employeurs à l’Agence Nationale pour l’emploi qui aura seule la responsabilité du recrutement des travailleurs immigrés sur la base de contrats de travail. Auprès de la direction de l’agence, un organisme qualifié réunira les délégués des travailleurs français et immigrés désignés par les centrales syndicales aux cotés des représentants de l’état et des industries concernées.

Les travailleurs immigrés bénéficieront d’un statut qui définira et garantira leurs droits politiques, sociaux, syndicaux, d’association et la liberté de presse. Ils auront les mêmes droits que les travailleurs français. Leur alphabétisation éventuelle sera assurée gratuitement.

Toute discrimination frappant les jeunes, les femmes, les travailleurs âgés, les travailleurs immigrés ou quelques salariés que ce soit, sera réprimée.

Etienne Balibar, 1973, Article de l’Humanité

Dans les conditions nouvelles de notre époque, la présence des travailleurs immigrés et leur lutte font de l’internationalisme plus que jamais la condition même de la lutte de libération des travailleurs, comme l’ont toujours soutenu et expliqué Marx et Lénine : elles exigent que cet internationalisme trouve des moyens toujours plus concrets, plus organiques, de s’affirmer. L’avenir même des travailleurs de chaque pays en dépend, dès lors qu’ils n’ont plus seulement à combattre parallèlement, et chacun pour son compte, un même adversaire, mais à constituer partout les « détachements » d’une seule force combinée, amalgamée. Ainsi le développement même de l’impérialisme débouche sur une nouvelle forme, supérieure, de l’internationalisme, sur une nouvelle étape de l’histoire du mouvement ouvrier.

et plus loin dans le même article

Confronté au développement des luttes que mènent les travailleurs immigrés, à leurs formes originales, à leurs difficultés, l’opportunisme « de gauche » veut voir dans l’immigration le « vrai » prolétariat, la réalisation d’une idée mythique du prolétariat, il exalte les divisions, et les renforce, pour le plus grand profit du capital. De son côté l’opportunisme « de droite » nie la réalité de ces divisions, des contradictions développées par l’impérialisme dans la classe ouvrière elle-même, soit pour laisser les immigrés à leur sort, soit pour considérer qu’ils posent un simple problème d’inégalité économique, juridique et sociale, n’appelant qu’une amélioration du sort des plus « défavorisés ».

Justice, Liberté, Paix : Programme du parti communiste français 1988 : p19.

2/ il est de l’intérêt commun des travailleurs français et immigrés, alors que le chômage atteint des proportions dramatiques, d’arrêter effectivement toute immigration nouvelle, sauf pour permettre le regroupement familial.

Déclaration du Bureau Politique du PCF 1993 (les cahiers nr 4)

Certains s’inquiètent de la place que tient désormais dans les affrontements politiques nationaux la question de l’immigration. Ils redoutent qu’en évoquant l’idée même d’un « problème » à ce propos, l’on ne se situe sur un terrain miné par le discours d’un Le Pen en contribuant, en conséquence, à banaliser ce dernier.

C’est en réalité le silence qui laisserait le champ libre à la dangereuse démagogie raciste.

Quand un problème exprime tant de contradictions, la seule façon de faire pièce aux dérives simplificatrices est d’aborder franchement, avec tous, toutes ses contradictions, pour progresser ensemble dans la recherche de réponses positives.

Pour éviter que l’on ne dérape de la perception du « problème’’ de l’immigration à la perversion raciste qui transforme l’immigré en bouc émissaire de tous les maux sociaux, certains s’interrogent. Ils pensent prendre l’offensive en affirmant que l’immigration est »une chance" pour la France, un révélateur de crise susceptible de re-mobiliser les forces progressistes, un levier dans la construction d’un nouveau mouvement social, votre le ferment d’une nouvelle politique Ce serait escamoter, à contresens des réalités vécues, une contradiction qu’il faut saisir lucidement pour créer les conditions de son dépassement.

2011… suite à la déclaration d’André Gerin

2011. Interventions à l’assemblée de section de Vénissieux

La grande entreprise du transport de marchandises Norbert d’Entresange, est à la pointe de la concurrence « libre et non faussée » entre travailleurs. Non seulement elle achète ses camions en Pologne pour ne pas payer la taxe à l’essieu annuelle, économie sur l’investissement, et surtout, elle embauche des camionneurs internationaux polonais payé 750€/mois pour 2 semaines de travail et 1 semaine de déplacements en minibus, au lieu de le payer 2200€ en France ! Que dire aux camionneurs Français qui se trouvent mis en cause dans cette concurrence ?

Les formes de concurrence entre travailleurs pour faire baisser les salaires sont diverses, et pas seulement avec l’immigration.

  • le télétravail délocalisé, avec des centres d’appels au Maroc, en Tunisie, en Roumanie ou plus loin encore, avec des travailleurs qui sont « relooké » comme Français en surveillant leur accent et leur conversation et qui conduisent à supprimer massivement ce type d’emploi en France.
  • le travail en déplacements. Dans de nombreux secteurs, avec ou sans arrêt Bolkenstein, des milliers de travailleurs sont déplacés temporairement d’un pays à l’autre (camionneurs, prestataires de services, informaticiens…)
  • travail partiellement délocalisé avec flux de marchandises, qui nécessite des échanges de travailleurs…

Bilan

A l’évidence, les accusations portées contre Gerin sont totalement politiciennes et oublient volontairement la réalité d’un débat chez les communistes qui tourne autour d’une position qui assume dialectiquement deux termes nécessaires : l’action contre la surexploitation du travail que favorise de fait l’immigration et pour la solidarité internationaliste que rend nécessaire l’immigration…

Parler d’un droit abstrait au « choix de son lieu de vie partout sur la planète », c’est de fait favoriser l’idéalisme qui désarme dans les luttes de classe, laisser monter les divisions du peuple confronté à la réalité de la concurrence. Car bien sûr, ce sont les riches qui dans la pratique ont ce droit, quelque soit leur pays d’origine, y compris les dirigeants corrompus et dictateurs féroces genre Duvalier…

Par contre, défendre le « droit de travailler et vivre au pays » ne peut pas se défendre seulement contre la désertification de certains régions Françaises ! Un réel développement de tous les pays doit être le vrai objectif contre le développement inégal, et donc contre la surexploitation liée à l’immigration imposée par l’inégalité.

Enfin, ce sont les peuples qui font l’histoire et donc leur capacité à s’unir pour imposer leur force. Pour cela, Les communistes agissent pour la solidarité de tous les travailleurs, non pas une solidarité abstraite sur une base d’humanisme antiraciste, mais bien sur une base de classe. Nous n’avons pas besoin des patrons arabes ou slaves en France, et nous appelons tous les travailleurs à une solidarité effective sur des objectifs de lutte partagés. Oui à la régularisation de tous les sans papiers qui travaillent comme le dit la CGT, car c’est la condition pour freiner leur surexploitation et la concurrence. Mais la revendication d’action commune peut aussi porter sur le droit au retour dans son pays, liés à des objectifs de développement.

Et l’action ne peut conduire à s’inscrire dans l’organisation de la ségrégation en France. L’installation de squatts « officiels » rejoint de ce point de vue les propositions de la droite pour des « sous-logements » d’urgence. L’action contre les bidonvilles qui se sont développés partout est une urgence, et une régularisation administrative sans reconnaissance des droits sociaux de base (santé, logement..) est une arme de division.

La solidarité avec les sans papiers a besoin d’objectifs politiques concrets qui affirment par exemple à la fois comment on peut accueillir décemment 25 000 roms, et comment en même temps on fait stopper la fuite des roms de Roumanie, on combat les réseaux de trafics qui vivent sur leur misère, on impose le respect de leur droit en Roumanie [2]

[1évidemment au profit d’un député socialiste, ce qui est révélateur du fonds de ces acteurs du « Front de Gauche »…

[2on sait qu’ils sont nombreux de ce point de vue à regretter le socialisme roumain dont on a dit le pire !

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