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Rencontres internationalistes 2012

Patriotisme et internationalisme, de Bolivie à Cuba…

Laurent Brun question les ambassadeurs de Bolivie et de Cuba
Mercredi 11 septembre 2013

Intervention des deux ambassadeurs de Bolivie et de Cuba, interrogés par notre camarade Laurent Brun

Jean Paul Guevara Avila, vous êtes ambassadeur de Bolivie, sur cette question : nation comme terreau de résistance, on a envie de poser la question : où en est la révolution en Bolivie ? Quelles en sont les particularités et, en terme de réalités matérielles, puisqu’il y a plusieurs origines, plusieurs nations à la base en Bolivie, comment on fait corps de tout ça ? Est-ce qu’on peut être un indien dominé et en même temps un patriote bolivien ? Comment tout ça s’articule dans la démarche que vous construisez dans votre pays ?

JP Guevara Avila 

- Bonjour à toutes et tous. Tout d’abord, je voudrais remercier l’invitation des organisateurs et aussi je m’excuse pour mon français parce que ça n’est pas la meilleure.

Je vais parler de quelques idées que nous avons. La nation c’est une fiction. Un discours créé pour faire disparaître toute la différence entre peuple et culture. Pour construire et faire fonctionner le capitalisme, il a été nécessaire de faire disparaître les différences. C’est pour ça que nous disons que l’identité nationale est une fiction. En Bolivie, le projet national, qui a fait la révolution de 1952, a été mis en place pour éradiquer les cultures indigènes. Ca a commencé quand les Espagnols, les Européens ont envahi le territoire que maintenant nous appelons Amérique latine. (Avant les indigènes le nommaient Abya Yala). Ils croyaient que les indigènes étaient des animaux. Qu’il n’y avait pas d’hommes. Ils ont dit que les indigènes sont des animaux pour pouvoir les coloniser tranquillement. Après, pour utiliser leur force de travail et pour les exploiter, ils les ont reconnus comme êtres humains. On pouvait parler de droits humains, de droits de l’homme mais uniquement si les indigènes acceptaient leur civilisation, leurs valeurs, la christianisation.

C’est pour cela que le processus de changement que nous avons construit dans la Bolivie, que nous appelons les évolutions démocratiques et populaires, met l’accent sur le respect du monde civilisé, les cultures anciennes, le peuple indigène, et valorise positivement la différence. Dans ce contexte, en Bolivie, nous parlons d’un processus de décolonisation et nous sommes en train de construire l’état plurinational.

Et nous pensons que c’est une force en contradiction par réaction à Â la modélisation internationale parce que ça participe de l’idée de l’homogénéisation, parce que l’homogénéisation veut faire disparaître les différences et nient les différentes manières d’organiser la société. Nous croyons que pour sortir du capitalisme il est nécessaire de sortir du projet homogénéisateur de la modernité. La diversité de plusieurs culture ça existe. En Bolivie, nous sommes en train de construire une institutionalité qui respecte et reconnaît la diversité. Nous disons que personne n’est la patrie mais nous la sommes tous parce que nous tous, sommes part de la communauté.

Merci beaucoup.

Merci. Notre 3e invité est Orlando Requeijo Gual, ambassadeur de la République cubaine. A Cuba, on sait à travers un certain nombre de slogans et de maximes, la révolution a été illustrée et notamment cette maxime «  Patria o muerte venceremos », ça, ça a structuré la bataille. Est-ce que c’est fondamental dans la révolution cubaine ? Comment articuler cette notion de patrie avec le grand investissement cubain dans la solidarité internationale, parce que c’est aussi un aspect extrêmement important de la révolution cubaine ? Comment arrivez-vous à lier les deux ? Est-ce que les 2 sont indissociables ou complémentaires ?

Orlando Requeijo Gual 

Ce sont des questions difficiles mais on va essayer d’y répondre comme d’habitude. Pour moi, c’est la 3e fois, ici, et je vais un peu me répéter, des choses que j’ai dit ici, la dernière fois. C’est le public de vieux amis qui sont toujours ici mais je pense qu’il y a toujours des choses d’autorité et surtout des défis de répondre à des choses comme ça, dans un moment assez difficile qu’on est en train de vivre pas seulement en Europe mais aussi dans tout le monde. Et parfois j’ai parlé un peu avec le professeur Gastaud et l’ambassadeur Guevara, ils ont peur, parce que je ne suis pas philosophe, parfois on peut philosopher sur des sujets comme ça, c’est un peu «  élitiste ». Je voudrais essayé de faire une approche, s’il y a quelques chose que vous ne comprenez pas très bien, vous pouvez me reprendre après, si vous le désirez.

La révolution cubaine était très connue parce qu’en 1960, Fidel Castro a lancé le cri «  la patrie ou la mort ». Au même moment, peut-être que vous ne le savez pas, c’était le jour suivant d’une attaque terroriste épouvantable, dans la baie de La Havane sur un bateau français. Il s’appelait La Coubre. Il y a eu la mort de centaines de Cubains, des dockers, des pompiers mais aussi 6 marins français qui ont péri à la suite de cet attentat terroriste. Il n’est pas encore reconnu, ici en France, comme attentat terroriste. Mais tout le monde connaît qui a mis la bombe, comment il a fait ça et, c’est une chose qu’un jour on va dévoiler les coulisses de l’histoire assez sordide, si on peut utiliser le mot, d’une période de la France qui était assez complexe et compliquée. Mais je ne suis pas ici pour dévoiler l’histoire. C’est une chose que je vous laisse vous intéresser mais de temps en temps on commence a recueillir des choses, des archives qui sont déjà ouvertes. Il y a des archives qui ont été classifiées par le gouvernement de la France de l’époque qui doivent être fermées pendant 150 années. Ca veut dire qu’il nous reste encore 99 ans. Et je pense qu’il faudra l’ouvrir avant ça pour connaître exactement ce qui s’est passé, pourquoi est-ce qu’on est en train de faire le silence sur des choses où il y a des morts français. Mais c’est à ce moment que Fidel Castro a lancé «  la patrie ou la mort » parce que c’est un moment de défense de la solidarité.

Vous vous rappelez que Cuba, c’était le dernier des pays de l’Amérique latine qui a acquis l’indépendance de l’Espagne mais pas directement de l’Espagne. C’était au moment de la fin de la lutte pour l’indépendance qu’on a subi une invasion des Etats Unis qui sont arrivés jusqu’au dernier moment, dans un moment où l’armée espagnole était vraiment déchirée. Sans possibilité de continuer la lutte et ils sont venus pour nous aider à faire la conquête. Ils ont planté un drapeau, il ont implanté la base de Guantanamo qui reste encore sur place, et pour nous dire que c’est (10.36 ??) qui était un tout puissant secrétaire d’état des Etats Unis et après il est devenu président des Etats Unis. Il avait dit que l’Amérique, c’est pour les Américains, mais les Américains du Nord, pas pour les Américains de l’Abya Yala qui sont les originaires. Et c’est la manière d’approcher un nouveau colonialisme d’une ancienne colonie qui venait d’être indépendante. C’est pour ça que c’est une ancienne colonie qui est devenue la métropole, et devenue une force impérialiste surtout sur un point particulier qui considérait que c’était l’Amérique latine. C’est pour ça que l’histoire de l’Amérique latine, il faut la voir dans ce contexte.

Nous, lors de notre guerre d’indépendance, nous avons eu la participation, dans le même esprit de Bolivar, d’avoir la grande patrie de l’Amérique latine, nous avons eu la participation de personnalités et de citoyens d’autres pays du monde. La République Dominicaine par exemple, le général Maximo qui était le général en chef. Nous avons aussi le général Peron, Péruvien. Nous avons un Américain qui était venu pour travailler, il est mort dans la bataille et aujourd’hui, c’est un martyr, c’est un héros à Cuba mais personne aux USA ne le connaît. Parce que c’est un exemple. Et après, pour la lutte la vraie indépendance, 56 ans de domination coloniale américaine, nous avons eu la participation de tous ces pays qui sont venus dont Che Guevara, le plus connu, mais un Italien, et aussi un Mexicain qui sont venus et se sont incorporés avec nous. A ce moment, bon, il y avait les nationalités et il y avait des problèmes, oui. Est-ce qu’il y avait tous les Cubains qui ont accepté la présence d’un Argentin ? Non. Mais on ne peut pas comprendre rien, parce que nous avons été formatés pour exacerber le nationalisme. Et les grandes puissances ont travaillé pendant des années pour exacerber les nationalismes, exacerber les égoïsmes et pour éviter l’internationalisme, pour éviter la solidarité. Et ce n’est pas les Américains qui ont créé ça. Depuis l’époque des empereurs romains qui disaient qu’il faut diviser pour vaincre. C’est une maxime romaine. Voilà . Ce sont des choses que l’on est en train de faire depuis ces temps là .

Pour nous l’indépendance, la modernité, la conquête, en ce moment où Cuba est restée seule en Amérique latine, c’était très important ce concept de la patrie, de la nation que nous utilisions à l’époque. Mais si vous revisitez l’histoire de Cuba, vous vous rendez compte qu’après la crise des missiles, que c’est aujourd’hui exactement le 50e anniversaire. La solution qu’ils ont trouvée qui n’a rien à voir avec la réalité et que nous avons découvert presque une vingtaine d’années après, qu’il n’y avait pas d’accord sur la finalisation, pas vraiment d’accord et tout le monde était trompé. C’était pas le sujet. Et à partir de ce moment de l’indépendance, on va commémorer la semaine prochaine le 50e de l’indépendance de l’Algérie, et le 1er endroit où nous sommes partis pour faire quelque chose du point de vue internationaliste. Ceux qui disent que l’internationalisme c’est un échec, qu’après il s’arrête. Non. On a continué à faire des choses en Algérie dans un moment assez difficile après l’indépendance, dans la voie des équipes médicales qui sont restées là -bas pendant quelques années. Et aujourd’hui il y a plus 700 médecins cubains qui sont en train de travailler en Algérie une cinquantaine d’années après. C’est dans cet esprit qu’on a commencé à faire des choses dans les premières années de la révolution cubaine. Nous avons compris que l’internationalisme, ça n’est pas fini encore. Ca commence et ce sont des exemples d’internationalisme et de solidarité qu’on peut trouver partout pendant les dernières 50 années.

Tout le monde connaît la figure de Che Guevara. Comment ça a commencé au Congo, comment il a fait la lutte en Bolivie, comment il a été assassiné. C’est la partie de l’histoire la plus connue mais peu de gens connaissent, parce que ce n’est pas dans les manuels d’histoire, dans beaucoup de pays du monde, dont la France, il n’y a pas de référence sur la participation cubaine dans les luttes pour l’indépendance en Afrique. On parle beaucoup de l’Afrique mais on cache des morceaux incroyables de l’histoire de l’Afrique. Et je viens de regarder un écrit de Nelson Mandela qui a dit il y a une vingtaine d’années comment se réalisait l’indépendance de la Namibie mais aussi l’élimination du régime de l’apartheid. Nous sommes à Cuba très fiers de notre contribution que nous avons fait à ce moment. Ca nous a coûté beaucoup mais nous considérions et nous considérons encore que c’était notre dette envers l’humanité. José Marti, c’est le père de l’indépendance cubaine avait dit : «  la patrie c’est l’humanité. » Ca veut dire qu’il faut insérer la patrie dans le concept de l’humanité. C’est pas un concept national, c’est une chose qui a été créée, qui a été inventée pour nous diviser. L’humanité c’est tout le monde. Et il faut travailler tous ensembles et c’est pour ça qu’il faut voir le patriotisme dans un sens d’internationalisme de participation. Quand on voit aussi, comme aujourd’hui, la solidarité que nous sommes en train d’exprimer avec tous les autres pays de la planète, pas seulement l’Amérique latine mais aussi l’Afrique, l’Asie. Nous recevons la solidarité des autres pays, c’est une chose qui nous donne un élan pour continuer à faire des choses.

Aujourd’hui, tout le monde connaît la situation de l’économie cubaine, la situation du blocus américain. Comment on est en train d’éliminer ça ? On est en train de présenter devant l’assemblée générale des Nations unies un projet de résolution en demandant d’enlever le blocus financier et commercial. L’année dernière, 186 pays ont voté pour, dont la France. Cette année, le prochain vote sera le 13 novembre. On va voir ce qui va se passer. C’est l’endroit où les gens sont en train de demander quelque chose aux USA. C’est la seule résolution de l’histoire pour exiger quelque chose des USA. C’est un peu la clef de l’indépendance par le reste des pays de la planète de demander quelque chose à la super puissance. Pour nous c’est très important parce que c’est la manière de reconnaître que nous ne nous sommes pas trompés, que nous sommes dans la bonne ligne.

Parfois, on parle aussi de la situation, ici on a parlé les années précédentes et on peut trouver ça en littérature, la situation des Cubains emprisonnés aux USA pour exiger de trouver où sont les vrais terroristes. Ce n’est pas seulement des campagnes antiterroriste contre Cuba car on a empêché l’explosion en plein vol de plusieurs avions avec des passagers d’autres pays. Ce n’était pas une bataille politique mais une bataille pour l’humanité. Les prisonniers Cubains sont en prison depuis 14 ans après un jugement très critiqué avec des versements du gouvernement des USA, d’énorme quantité d’argent pour acheter les juges et d’acheter le jury et d’acheter les médias avec un total manque de scrupule. Parfois, quand on commence à voir ce que c’est les internationalistes, c’est pas seulement les médecins cubains, les enseignants cubains, les militaires cubains mais aussi les gens qui sont encore en prison qui sont des gens pacifiques qui étaient en péril d’être assassinés par des hommes politiques en raison d’un terrorisme d’état.

Et je pense qu’aujourd’hui, c’est notre tâche de continuer. Il y a quelques années, en Amérique latine, il était tout à fait impossible de faire ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui. Et l’année dernière, on a fait la création de la communauté des état de l’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC). C’est une chose que les médias français ont ignoré. Tout à fait, ce n’est pas important. Mais qu’est ce que c’est la CELAC ? C’est le rêve de Bolivar, le rêve de Marti, le rêve de tous les latino-Américains, d’avoir pour la 1re fois une vraie indépendance entre nous. D’essayer une vraie intégration régionale par nous mêmes avec les pays de la Caraïbe anglophones, francophones, hispanophones, lusophones. Tous ensembles mais sans la présence de notre voisin. Je le dis quelquefois, c’est le 2e cri d’indépendance de nos peuples, de devenir notre Amérique, de redevenir l’Abya Yala des habitants originaires.

C’est dans ce cadre qu’on s’inscrit. L’écrasante majorité des Français qui viennent en Amérique latine et aux Caraïbes avec une sorte de volonté et de convivialité, de nous asseoir pour trouver des solutions par nous-mêmes et malheureusement ici, en France on ne l’étudie pas, ou si on l’étudie comme on l’a vu récemment dans un colloque à Paris, on dit qu’il faut continuer de passer par les USA pour avoir l’indépendance parce que ce serait le seul moyen d’intégration et de développement pour nos peuples. Il faut être efficaces, si nous refusons, nous ne sommes pas des bons élèves parce que nous ne suivons pas les préceptes du FMI. Nous sommes très contents et très fiers d’être de mauvais élèves. Nous sommes très fiers de cette catégorie que vient de nous octroyer des personnalités de l’intelligentsia. Est-ce qu’on peut dire que c’est intelligent de dire des choses comme ça ?

Je pense que c’est dans cet angle qu’il faut regarder et je m’arrête ici.

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